Art et Pouvoir ou Créer Dangereusement

Poster-Tabou

 les 7, 8, 9 janvier 2013

— Argumentaire d’ Alexandre Alaric–

  1. A.      LA MOTIVATION ESTHETIQUE, POLITIQUE ET THEORIQUE

Ce colloque « Art et Pouvoir » est dédié au centenaire de la naissance d’Aimé Césaire et ouvre par les circonstances les manifestations de cette année 2013 qui lui sont consacrées.

S’il ne porte pas sur son œuvre, ce colloque lui rend hommage en se donnant pour thème ce qui fut la configuration même de sa poétique, de ses œuvres théoriques et de son action politique : les relations de l’Art et du Pouvoir. Du Cahier d’un retour au Pays natal à Moi Laminaire il s’agira toujours de la même dramaturgie des forces de la vie contre celles de la mort. Une dramaturgie dans la forme d’un retour conscientiel dans l’enveloppement du trou et des ravines de la mort par la magie du cercle, de la spirale, de l’envol des oiseaux vivants  des mots.

L’objet de ce colloque ne se laisse donc pas ramener à la relation Culture et Pouvoir, ni à celle plus générale des langues ou des langages au Pouvoir. Et s’il est évident que la pratique patrimoniale des monuments sur la place publique concerne directement les usages que le Pouvoir fait des œuvres d’art, c’est le Pouvoir lui – même qui est inexposable et qui se tient dans l’indétermination du langage. Alors les choses se renversent c’est l’art qui devient en fait le grand révélateur de ce que le Pouvoir ne peut et ne veut dire.

Nous envisagerons ici la grande question  du vis à vis de l’artiste contemporain face à l’œuvre à l’épreuve du Pouvoir.

Sa manière d’assumer l’espace entre des « formes de vie » et les forces du Pouvoir.

Sa  manière d’assumer sa paradoxale condition dans la déchirure de son monde et de son utopie.

Sa manière incomparable et dangereuse d’assumer sa Puissance de révélation.

 

Le titre du colloque renvoie au récent roman de l’écrivaine haïtienne Edwige Danticat,  Créer dangereusement, l’artiste immigrant face à l’œuvre,  dans lequel elle nous décrit la nouvelle condition de l’écriture caribéenne. Elle nous montre comment cette phrase d’Albert Camus prononcée en décembre 1957, au discours de Suède, résonne encore dans le monde d’aujourd’hui, et en particulier pour les écrivains Haïtiens. Albert Camus nous dit :

« Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression ». 

Nous pouvons refuser de limiter le travail et la production de l’artiste à la résistance  à l’oppression, mais il nous est difficile en tant qu’artiste ou amoureux des arts de ne pas partager cette remarque :

« Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la galère de son temps. Il doit s’y résigner, même s’il juge que cette galère sent le hareng, que les gardes-chiourme y sont vraiment trop nombreux et que, de surcroît, le cap est mal pris. Nous sommes en pleine mer. L’artiste, comme les autres, doit ramer à son tour, sans mourir, s’il le peut, c’est-à-dire en continuant de vivre et de créer ». Albert Camus, l’Artiste et son Temps

Aujourd’hui plus que jamais « l’art culmine dans un optimisme de commande » et l’artiste  peut abdiquer sa vocation première d’inscrire son acte, son faire, sa production dans l’histoire de la résistance du Beau. Ce sont précisément les conditions, et les raisons de ce possible aveuglement à l’égard des fins du Pouvoir que nous désirons comprendre, analyser, et éclairer. Car enfin comme l’indique précisément Albert Camus :

« Il ne suffit pas de dire à cet égard que l’art est menacé par les Puissance d’Etat. Dans ce cas, en effet le problème serait simple : l’artiste se bat ou capitule. Le problème est plus complexe, plus mortel aussi, dès l’instant où l’on s’aperçoit que le combat se livre au-dedans de l’artiste lui-même. La haine de l’art dont notre société offre de si beaux exemples n’a tant d’efficacité, aujourd’hui, que parce qu’elle est entretenue par les artistes eux-mêmes ».

 

Aimé Césaire, Albert Camus se doutaient-ils des nouvelles complications auxquelles l’artiste devrait faire face dans l’avènement du « biopolitique » ? Lesquelles complicationsvont du déni généralisé de la relation au pouvoir à la maîtrise multiforme de la création dans les politiques culturelles. Quelque chose dans l’acte créateur insupporte les acteurs politiques. Pourquoi ? Et aussi préoccupants : les mutations structurelles du travail, l’émergence du travail immatériel, et la mondialisation impériale des modèles et des normes qui régissent le marché de l’art ne laissent guère plus de place au sens de la production singulière.

La question à laquelle renvoie ce colloque est celle de savoir en quelle mesure la nouvelle forme de production artistique que l’on désigne du terme générique d’art contemporain ne trouverait pas son intelligibilité dans la relation qu’elle entretient avec le Pouvoir. En quoi les nouvelles formes du pouvoir biopolitique et leurs pratiques sont elles les clés pour comprendre ce qui se joue dans la production du beau en art contemporain ?Et inversement en quoi la production artistique n’est-elle pas ce qui permettrait de définir dans sa résistance contre l’oppression le Pouvoir lui-même.

Le problème que rencontre inévitablement l’artiste contemporain réside dans  l’opposition qu’il ressent entre l’exigence de construire son monde, d’affirmer son « être au monde », de créer donc autrement le monde et la nécessité de l’inventer dans le cadre d’une mondialisation violente et chaotique qui conteste, voire rejette cette exigence.

Il nous a semblé nécessaire d’ouvrir le débat sur ce que signifie créer aujourd’hui par rapport aux formes nouvelles des puissances des imaginaires impériaux.


 

  1. B.       LE CONTEXTE

 

Aux interdits explicites ou implicites de l’économie de l’image, se sont substituées des formes contraintes de l’économie mondialisée des marchandises d’art.

Dans la région des Caraïbes cela eut pour conséquence :

Un déficit en dialogue d’orientation et de réception, l’apparition de formes nouvelles de domination et de contraintes de la création, un coût de production artistique élevé,  un marché de l’art contraint.Et une cécité progressive à la dimension humaine de la production du Beau.

Pourtant une réelle vivacité, une réelle richesse de la production caribéenne à travers des mutations linguistiques, cognitives, et esthétiques dont on peine à prendre et à  accepter, la réelle démesure s’affirme. La démesure serait-elle le visage nouveau de la résistance à l’oppression ?

Citons à nouveau Albert Camus :

« Ce qui caractérise notre temps, en effet, c’est l’irruption des masses et de leur condition misérable devant la sensibilité contemporaine. On sait qu’elles existent, alors qu’on avait tendance à l’oublier. Et si on le sait, ce n’est pas que les élites, artistiques ou autres, soient devenues meilleures, non, rassurons-nous, c’est que les masses sont devenues plus fortes et empêchent qu’on les oublie ».

 

Ce colloque vise à  faire mieux comprendre, par le débat et l’analyse, la portée de cette irruption des masses dans la réception des œuvres d’art dans les formes mondialisées des flux d’objets, de langues, de symboles, de technologies, de communication et de personnes.

  1. C.      L’INTENTION

 

 

Sa finalité : construire autrement la présence de l’œuvre, construire autrement la présence du Beau comme réception de l’excédence:

Excède exsude exulte Elan

il nous faut Présence construire ton évidence

Pour un cinquantenaire

La poésie

Aimé Césaire

Dans le cadre des orientations et des objectifs de l’association « Le Condor » (Statuts) qui vise essentiellement à travailler autrement la réception des œuvres d’art dans notre environnement gestuel, visuel et sonore, ce colloque se veut une contribution à une meilleure connaissance des véritables enjeux de l’art par le plus grand nombre, pour le plus grand nombre.

En conséquence notre objectif est de porter à la connaissance de tous, sous la formedu débat, la problématique nouvelle de la Création à l’épreuve du Pouvoir. Pour ce faire nous invitons à confronter différents registres de la création lorsqu’elle se développe à l’épreuve du Pouvoir, en mettant des artistes en relations croisées avec le public et des théoriciens de l’art. Les croisements de ces trois visions d’une œuvre d’art : sa production par l’artiste, sa réception par le public, et son « évaluation » par l’intelligence des esthètes, des historiens, des philosophes de l’art, définissent l’espace du travail de ce colloque.

Le choix des artistes et des intervenants fut guidé par leur disponibilité, certains désistèrent pour des raisons diverses. Mais tous témoignèrent d’un sincère intérêt pour ces travaux.

Alexandre Alaric

Art et Pouvoir

 

Créer dangereusement

 

Programme

 

 

Lundi 7 janvier

 

Matin

L’envoi du colloque : 9h30

Présentation des intervenants

 

Mot de Madame la Présidente du Conseil Général ou de son Représentant.

Espace de création et d’échanges

 

10h 30 « Poème » de Monchoachi

 10h 30 : « Aimé Césaire » de Elie Pennont

Discussion

Pause 12h30

 

Reprise 14h30

 

Espace de réflexion et d’échanges

 

14h30 : « Art et Pouvoir  dans l’œuvre de Paul Nash » Béatrice Laurent

Discussion

15h30 : « Bruegel, peintre du multiple et de la résistance au Pouvoir de l’Un »

Laurent Bove

Discussion

Mardi 8 janvier


Espace de création et d’échanges

 

9h : « Zetawl » Gilles Elie dit Cosaque

Projection, présentation

Discussion

 

Pause café

 

10h30 : « Dire la violence » Camille Mauduech »

Discussion

Pause 12h30

 

Reprise 14h30

 

Espace de réflexion et d’échanges

 

14h30 : « Art et Pouvoir, le pouvoir de l’art » Dominique Berthet

Discussion

 15h30 : « La mort est belle dans nos mains… » Alexandre Alaric

Discussion

16h30 : « L’art scène de l’agir commun » Antonio Negri

Discussion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mercredi 9

 

Espace de création et d’échanges

 

9h30 : « Un conte », Elie Pennont

Discussion

Pause café

 

 

10h30 : « De l’archéologie mentale au pixel aléatoire » David Gumbs

Présentation et enjeux de la création du Site, portail des arts, de l’Association Le Condor.

Pause 12h30

 

Reprise 14h30

 

Espace de réflexion et d’échange

 

14h30 : « Dire le pouvoir ce que Foucault nous a appris » Alfred Alexandre

Discussion

15h30 : « Clair – obscur » Fernand Fortuné

 

Discussion

 16h 30 : « Art et Pouvoir » Roger Toumson

Clôture du colloque

Pot de Clôture pour les intervenants.