Par Selim Lander – Les Zamakoeurs, des « zamateurs » comme on l’aura compris, se sont plongés dans La Soupière de Robert Lamoureux (1920-2011). On a pu craindre, un moment, qu’ils n’aillent s’y noyer, mais non, à force de nager, ils sont arrivés au port, c’est-à-dire au bout de la pièce et Daniel Namrit a pu jeter la dernière réplique : enfin la soupière est cassée ! La pièce réunit neuf personnages dont six parfaits imbéciles et donc, par soustraction, seulement trois individus doués d’un sens un tant soit peu rassis, à savoir la tante (ou tantine, Brunette Belfan), sa bonne qui répond au doux prénom de Germaine (Myriam Vigilant) et sa petite nièce, Brigitte. Nous sommes dans le vignoble bordelais, la tante est riche à millions, ce qui attire la convoitise du neveu, Paul Dubard (Daniel Namrit), lequel est le propriétaire d’un fabrique de robinets structurellement déficitaire. Pour couvrir ses échéances, il n’a d’autre perspective que l’argent des vignes. Or il y a un acheteur. Las, la tante refuse obstinément de vendre. Mais la soubrette est là qui a plus d’un tour dans son sac à malices : il suffit, n’est-ce pas, d’assassiner la tante, et d’ailleurs elle, Germaine, a un tueur sous la main, moyennant la moitié du magot. À partir de là, la comédie est sur les rails : nous savons d’avance que la tante ne mourra pas et que pourtant Paul trouvera une solution à ses ennuis financiers, non pas grâce à ses efforts, certes ! Le reste n’est que péripéties, à ceci près que lesdites péripéties font tout le sel, sinon de tout le théâtre, du moins du théâtre classique et du théâtre de Boulevard.
Les Zamakoeurs, emmenés par Marie-Pierre Loiseau, ont choisi l’interprétation au premier degré dans un décor réaliste. Modestie sans doute empreinte de sagesse mais qui ne dissimule rien, du coup, des faiblesses du texte. Il faut en effet beaucoup de simplicité d’esprit ou beaucoup d’empathie avec les comédiens pour se laisser entraîner par une intrigue qui repose toute entière sur la … « simplicité » de la plupart des personnages. On n’est pas loin de certaines farces de Molière, dont on ne saurait dire qu’elles constituent le meilleur de la production de ce dramaturge. Les comédiens sont évidemment très inégaux – comme il se doit dans une troupe d’amateurs, et nous serions le dernier à leur jeter la pierre ! Nous avons déjà nommé les plus aguerris. On remarque chez ces derniers une tendance certaine au cabotinage, mais on hésite à leur en faire grief : le texte étant ce qu’il est, il n’est sans doute pas superflu d’en souligner les effets comiques.
Au Théâtre de Fort-de-France les 23 et 24 mai 2014.