La Caraïbe de l’Est face à de nouveaux défis économiques : un appel à l’action

— Par Jean Samblé —

Timothy Antoine, gouverneur de la Banque centrale de la Caraïbe orientale (ECCB), alerte les pays de la région sur les menaces croissantes que représentent l’inflation et les tensions commerciales alimentées par les politiques protectionnistes du président américain Donald Trump. Ces mesures pourraient gravement compromettre la stabilité économique des États membres de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECS).

Les droits de douane imposés par Washington risquent d’avoir des répercussions sévères sur les petites économies caribéennes, particulièrement celles qui dépendent massivement des importations pour leur approvisionnement alimentaire et en matériaux de construction. Ces hausses tarifaires, combinées à une reprise économique encore fragile après la pandémie, placent la région dans une situation de grande vulnérabilité.

Les économies insulaires, fortement tournées vers le tourisme, commencent à peine à se relever des effets du COVID-19. Aujourd’hui, elles doivent faire face à une nouvelle crise potentielle, qui pourrait s’avérer encore plus difficile à surmonter sans une réponse régionale coordonnée.

Parmi les mesures américaines envisagées, figure une taxe d’un million de dollars sur tout navire construit en Chine entrant dans les ports des États-Unis. Or, plus de la moitié de la flotte marchande mondiale est issue de chantiers navals chinois. Une telle taxation ferait exploser les coûts du transport maritime, entraînant une hausse généralisée des prix, notamment sur les matériaux de construction, ce qui freinerait considérablement les projets de développement dans la région.

Une relance agricole devenue indispensable

Pour Timothy Antoine, il est urgent de réactiver le secteur agricole, longtemps négligé au profit du tourisme. La dépendance alimentaire de la région, qui importe la majorité de ses denrées, constitue une faiblesse stratégique majeure. Il appelle à un renforcement des investissements dans la production locale de viande, de céréales, de fruits et de légumes — produits qui représentent une part importante des importations alimentaires.

La question énergétique, un autre talon d’Achille

Autre point critique : la dépendance énergétique. La Caraïbe de l’Est tire encore 90 % de son énergie des carburants fossiles, ce qui l’expose aux fluctuations du marché mondial. Ce manque de diversification énergétique pèse lourdement sur le coût de l’électricité et nuit à la résilience économique de la région. Le développement des énergies renouvelables n’est plus une option, mais une nécessité urgente.

Un tournant historique

Les bouleversements actuels dans l’ordre économique mondial imposent une remise en question profonde. La région doit désormais prendre ses responsabilités : renforcer sa souveraineté alimentaire, accélérer sa transition énergétique et unir ses forces face à un monde en recomposition.

La Banque centrale de la Caraïbe orientale, gardienne du dollar caribéen — monnaie officielle d’Antigua-et-Barbuda, de la Dominique, de la Grenade, de Saint-Kitts-et-Nevis, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, d’Anguilla et de Montserrat — joue un rôle central dans cette dynamique. Mais au-delà de l’action monétaire, c’est une mobilisation collective qui est désormais indispensable.

La question est claire : la Caraïbe est-elle prête à se réinventer pour affronter ce nouveau chapitre de l’histoire mondiale ?