Chlordécone : culpabiliser la population ou prendre les mesures nécessaires ?

—Le n° 387 de « Révolution Socialiste », journal du GRS —

Dans une interview au journal Libération, Edwige Duclay, chargée de mission de l’État sur la question du chlordécone, lève le voile sur le fond de la politique officielle à ce sujet.

Si l’on considère la faiblesse des moyens mis en œuvre par l’État en comparaison avec d’autres affaires de pollution majeure, tant en France que dans d’autres pays, on doit dire que le maître mot de cette politique est « communication ». Et, toute la stratégie est basée sur la culpabilisation de la population couplée au dédouanement de l’État.

La chargée de mission parle bien « des colères de la population », mais ces colères sont présentées comme autant de freins à l’action ! Elle comprend que l’on pose la question de l’impunité, mais c’est pour affirmer immédiatement après que cela ne sert à rien de revenir sur le passé, puisque ce n’est pas ça qui nous donnera à manger !

Et, le reste est à l’avenant. On peut diminuer la quantité de chlordécone dans le sang, mais la population choisit de se nourrir sur le bord des routes. On peut connaître son taux de contamination au chlordécone, mais la population, comme dans sa propre famille, a peur et refuse. On peut faire des analyses de sol gratuitement, mais certains agriculteurs refusent.

Il ne vient pas à l’idée de madame Duclay que « la défiance » de la population à l’égard de l’État ne vient pas du « manque de pédagogie » qu’elle évoque, mais bien de l’impunité à la suite des crimes qu’elle appelle « erreurs », et de l’absence de mesures conséquentes de réparation. Elle ne comprend visiblement pas que les efforts de se nourrir sans Chlordécone augmenteraient si l’on en fournissait les moyens à la population, par une traçabilité complète ! Que les agriculteurs feraient les tests, si la gratuité était accompagnée de l’obligation avec des aides généralisées pour toutes les victimes, et non pour une poignée comme pour les marins pêcheurs ! Que l’intérêt pour les alternatives grandirait si les moyens conséquents étaient accordés à une recherche scientifique menée en accord avec les vœux des victimes.

Bref, la culpabilisation infantilisante de la population doit céder la place à des mesures conséquentes, négociées avec elle.

Les organisations syndicales réclament la reconnaissance pleine et entière du fait syndicale martiniquais

Le vieux serpent de mer de la reconnaissance pleine et entière du fait syndical martiniquais revient sur le devant de la scène. On sait que cette situation est le lieu d’une discrimination insupportable. Avec la plus grande tranquillité du monde, lÉtat français établit de fait, une discrimination entre les syndicats affiliés à une organisation de l’Hexagone, et ceux qui ont le malheur de ne pas l’être.

Si vous prétendez avoir une indépendance organisationnelle en accord avec votre philosophie décoloniale, alors vous la payez par des droits moindres.

Depuis des décennies, des syndicats martiniquais dénoncent ce scandale, mais les changements obtenus sont toujours infimes. En règle générale, les syndicats de France, grands pourfendeurs de discriminations, tolèrent voire parfois encouragent un statu quo dont ils bénéficient de fait. On a même vu la CGT de France imposer à leurs camarades de la colonie, de réadhérer à la maison mère pour ne pas perdre de menus avantages !

Aujourd’hui, grâce à l’opiniatreté de certains, dont nous sommes, les esprits ont évolué. La reconnaissance pleine et entière du fait syndical martiniquais est devenue une revendication partagée. La visite de Manuel Valls est l’occasion d’exposer collectivement cette exigence. La grande majorité des syndicats demandent au ministre une rencontre pour aborder ce point. Affaire à suivre donc.

Aurorité unique de l’eau ? Oui ! Publique et sous contrôle ouvrier et citoyen

Le débat sur l’autorité unique de gestion de l’eau en Martinique refait surface, et c’est heureux. Ce débat concerne toute la population. Il doit être mené dans la transparence. C’est ainsi que tous les aspects seront abordés.

Certains ne pensent qu’à la question du prix unique. Oui au prix unique, dès lors qu’il sera juste quant à la prise en compte de la situation des classes subalternes, ainsi que de l’exigence de la qualité de l’eau, et aussi du souci des conditions sociales et écologiques de la production.

Tous ces aspects supposent que les multinationales ne fassent plus la loi, que la gestion de ce bien commun soit une gestion publique. Et qui dit gestion publique, se doit ajouter que l’exclusion du profit comme facteur de régulation doit s’accompagner d’un contrôle permettant à l’intérêt général, de l’emporter.

Ce contrôle doit être mis aux mains des travailleurs et travailleuses du secteur et des citoyen·ne·s, à travers des mécanismes ne pouvant se résumer à l’entrée dans le futur conseil d’administration de deux ou trois pseudo représentant·e·s de la population usagère.

Il y a là, matière à un débat vital, audelà des joutes secondaires.