Chlordécone : C’est quoi le préjudice d’anxiété, base légale de la condamnation de l’Etat ?

Le préjudice d’anxiété est une notion juridique qui désigne la souffrance psychologique ressentie par une personne en raison de l’incertitude liée au développement d’une maladie grave suite à son exposition à un risque, généralement professionnel. Ce préjudice est souvent associé à l’exposition à des substances dangereuses, telles que l’amiante, les produits chimiques ou d’autres agents toxiques. Bien qu’il s’agisse d’un dommage psychologique, il est désormais reconnu et indemnisé par le droit français, comme en témoigne plusieurs décisions de justice, notamment en ce qui concerne l’amiante.

Le concept du préjudice d’anxiété a été consacré pour la première fois en France par la Cour de cassation en 2010, dans une affaire impliquant des travailleurs exposés à l’amiante. Bien que ces travailleurs n’aient pas encore développé de maladies graves, ils vivaient dans une angoisse permanente de contracter des pathologies graves, telles que le cancer de la plèvre, en raison de leur exposition prolongée à ce matériau toxique. Cette décision a ouvert la voie à la reconnaissance de la souffrance psychologique liée à l’incertitude de la maladie, et l’indemnisation des victimes a été étendue à d’autres situations où un risque similaire existait.

Le préjudice d’anxiété peut être reconnu dans deux situations principales :

  1. Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité : Si un employeur ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger la santé de ses salariés, et que ce manquement engendre une souffrance psychologique liée à l’incertitude de développer une maladie grave, le salarié peut demander réparation. Cette situation peut entraîner une indemnisation sur la base de la faute inexcusable de l’employeur.

  2. Le risque élevé de développer une maladie grave : Dans les cas où une personne est exposée à un risque sanitaire important (par exemple, l’amiante), mais sans avoir encore contracté la maladie, la constante menace d’apparition de cette pathologie peut justifier la reconnaissance du préjudice d’anxiété. Ce préjudice découle de l’anxiété constante vécue par les personnes exposées à un danger imminent pour leur santé.

En raison de son caractère psychologique, ce type de préjudice ne se limite pas à des situations professionnelles, mais peut s’étendre à d’autres types de risques environnementaux, comme l’exposition au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe. Ces territoires, contaminés par l’utilisation prolongée de ce pesticide, sont un exemple emblématique de la manière dont un tel préjudice peut être reconnu par les juridictions. En mars 2025, la cour d’appel de Paris a d’ailleurs condamné l’Etat à indemniser plusieurs victimes ayant démontré un préjudice d’anxiété en raison de cette pollution, marquant ainsi une avancée importante dans la reconnaissance de ce type de souffrance psychologique liée à des risques environnementaux.

Le préjudice d’anxiété traduit la souffrance liée à l’incertitude de contracter une maladie grave après une exposition à des risques. La reconnaissance de ce préjudice permet aux victimes d’obtenir une indemnisation pour les dommages psychologiques subis.