Lettre ouverte au Ministre des Outre-mer, Manuel Valls
Objet : Plaidoyer pour la mise en place d’une Zone Franche Sociale en Outre-mer
Monsieur le Ministre,
Tous nos territoires d’Outre-mer, et particulièrement la Martinique et la Guadeloupe, traversent une crise structurelle dont les effets sociaux et économiques ne cessent de s’aggraver : chômage, précarité, violence… Loin d’être conjoncturelle, cette situation est le résultat d’un mal-développement chronique qui empêche toute dynamique de relance durable et efficace.
Face à ce constat alarmant, nous, élus et citoyens engagés, portons une proposition forte et structurante : la création d’une Zone Franche Sociale, un dispositif innovant destiné à redonner de la compétitivité à nos entreprises, à relancer l’emploi et à renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. En somme, une mesure destinée à rendre espoir et dignité par le travail.
Un territoire en souffrance : l’urgence d’agir
Les Antilles françaises sont confrontées à trois problématiques majeures :
1. Un e4ondrement démographique : La Martinique perd en moyenne 5.000 habitants par an depuis 2009. Ce phénomène entraîne un vieillissement accéléré de la population et une fuite des talents vers l’Hexagone et l’étranger.
2. Un chômage de masse endémique : Le marché du travail ultramarin soufre d’un manque de compétitivité structurelle, condamnant de nombreux jeunes et actifs à l’inactivité ou à l’exil.
3. Une perte de pouvoir d’achat : L’insularité, la taille microscopique des marchés et une fiscalité inadaptée pèsent lourdement sur le coût de la vie, limitant ainsi la consommation et freinant le dynamisme économique.
Sans une intervention rapide et audacieuse, cette spirale négative ne pourra être inversée. C’est pourquoi nous plaidons en faveur d’une Zone Franche Sociale qui permettrait de créer un choc de compétitivité immédiat et durable.
Zone Franche Sociale : un levier e6icace pour la relance
Le principe de la Zone Franche Sociale repose sur une exonération totale des charges patronales et salariales pour les entreprises du secteur privé et leurs employés. Ce dispositif innovant viendrait se substituer à la LODEOM et aurait plusieurs effets positifs immédiats :
1. Réduction du coût du travail et augmentation de la compétitivité des entreprises locales.
2. Baisse du chômage, développement de l’encadrement et retour à l’emploi durable des petits contrats.
3. Hausse du pouvoir d’achat des salariés, puisque leur salaire brut deviendrait leur salaire net.
4. Relance de la consommation locale, stimulant ainsi le tissu économique.
5. Création d’un climat favorable à l’investissement et à l’entrepreneuriat, freinant l’exode des talents et des capitaux.
L’impact d’une telle mesure dépasserait largement le seul cadre économique. Elle permettrait de redonner confiance aux jeunes générations, d’endiguer la précarité et de restaurer une véritable cohésion sociale. Car c’est bien le travail qui doit être le premier vecteur d’émancipation personnelle et de progrès collectif.
Un dispositif réalisable et soutenu par l’Europe
Nous sommes conscients que la mise en place d’une telle mesure représente un coût initial pour les finances publiques. Toutefois, ce coût serait en grande partie compensé par :
• Une hausse des recettes fiscales (TVA, octroi de mer, impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu) grâce à l’augmentation de l’activité économique.
• Une réduction des dépenses sociales, notamment par la baisse des indemnités chômage et des aides sociales.
• Une amélioration de l’attractivité économique qui entraînerait une hausse des investissements et des créations d’emplois.
• Une annulation des coûts spécifiques liées à la LODEOM, puis que cette dernière serait remplacée par la Zone Franche Sociale.
De plus, en février 2023, le parlement européen a exprimé un avis favorable sur ce type de dispositif, à la suite d’une initiative du député Max Orville en Commission Emploi. Il est donc possible d’envisager une mise en place progressive de ce dispositif, en concertation avec les institutions européennes et les acteurs locaux.
Nos recommandations
Afin d’assurer une mise en œuvre efficace de cette Zone Franche Sociale, nous proposons :
1. L’inscription de cette mesure dans le programme gouvernemental pour les Outre-mer, comme le levier clé de la relance économique.
2. L’ouverture immédiate d’un dialogue avec la Commission Européenne afin de garantir la conformité du dispositif avec les règles du marché unique et explorer les possibilités de financement.
3. Une expérimentation en Martinique et en Guadeloupe, avant une extension éventuelle à d’autres territoires d’Outre-mer.
Un appel à une politique audacieuse et juste Monsieur le Ministre, le temps n’est plus aux demi-mesures ni aux ajustements marginaux. Les populations ultramarines aspirent aux valeurs d’égalité portées par la République. Elle attendent des réponses concrètes et à la hauteur des enjeux auxquels
elles sont confrontées. La Zone Franche Sociale est une solution pragmatique, juste et réaliste pour amorcer enfin un cercle vertueux de prospérité et d’équité sociale.
Elle corrigera les inégalités qui persistent entre les citoyens du secteur public et du secteur privé, elle permettra à la République d’honorer sa grande promesse d’égalité en répondant favorablement à l’écho d’Aimé Césaire qui s’interrogeait : “Sommes-nous des Français à part entière ou des Français entièrement à part ?”
A l’occasion de votre déplacement en Martinique, nous serions heureux de vous présenter notre proposition de Zone France Sociale plus en détail.
Dans l’attente d’une réponse favorable de votre part, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Max Orville, Ancien député européen, président du MoDem Martinique
Lire aussi :Quand la solution passe par le développement de l’emploi ET du pouvoir d’achat : la Zone Franche Sociale (24 décembre 2021) — Par Emmanuel de Reynal —