En 2023, l’écart salarial entre les femmes et les hommes dans le secteur privé demeure important, bien qu’il ait considérablement diminué au cours des dernières décennies. Selon une étude de l’Insee, publiée le 04 mars 2025, le revenu salarial moyen des femmes reste inférieur de 22,2 % à celui des hommes, soit 21 340 euros annuels pour les femmes contre 27 430 euros pour les hommes. Cet écart, bien qu’encore significatif, a diminué d’un tiers depuis 1995, où il était de 22,1 %. Ce progrès s’explique en partie par une réduction de la différence de volume de travail et une baisse des écarts de salaire en équivalent temps plein, mais certains facteurs structurels continuent d’entretenir des disparités.
Une réduction plus rapide depuis 2019
L’étude de l’Insee met en lumière que la réduction des inégalités salariales entre hommes et femmes s’est accélérée depuis 2019, avec une diminution d’environ un point de pourcentage chaque année. Cette évolution plus rapide s’explique en partie par un changement dans la composition des emplois. En effet, la proportion de femmes occupant des postes de cadre, généralement mieux rémunérés, a fortement augmenté. En 1995, seulement 23 % des cadres étaient des femmes, tandis qu’en 2023, elles représentent 38 % des cadres dans le secteur privé. Cependant, cette évolution positive n’est pas suffisante pour combler totalement l’écart salarial, car les femmes restent plus souvent concentrées dans des secteurs moins rémunérateurs.
Le temps partiel et les différences de volume de travail
Une des principales raisons de l’écart salarial persistant réside dans les différences de volume de travail entre les sexes. En 2023, les femmes travaillent en moyenne 9,3 % d’heures en moins que les hommes. Cela est dû au fait qu’elles sont plus fréquemment employées à temps partiel et qu’elles sont moins souvent présentes sur le marché du travail pendant l’année. Cependant, même lorsque les femmes et les hommes ont un temps de travail équivalent, l’écart salarial reste de 14,2 %. Cela suggère que d’autres facteurs, comme les secteurs d’activité et les types de postes occupés, influencent toujours fortement les écarts de salaire.
La ségrégation professionnelle
Les différences de salaires sont également liées à la répartition genrée des professions, un phénomène que l’Insee qualifie de « ségrégation professionnelle ». En 2023, bien que les femmes représentent 42 % des emplois à temps plein dans le secteur privé, elles occupent principalement des postes dans des secteurs et métiers moins rémunérés que ceux dominés par les hommes. Par exemple, elles représentent une très large majorité des secrétaires (95,3 % des secrétaires sont des femmes), un métier qui reste relativement mal payé, avec un salaire moyen de 2 044 euros nets par mois. À l’opposé, elles ne sont que 25,7 % des ingénieurs et cadres en informatique, des professions à salaire élevé, où le salaire moyen est de 3 985 euros nets par mois.
Même pour des postes similaires dans la même entreprise, l’écart de salaire entre hommes et femmes persiste. Selon l’Insee, cet écart de salaire en équivalent temps plein, pour des emplois comparables, est de 3,8 % en 2023, bien qu’il ait diminué par rapport à 4 % en 2022.
Les inégalités liées à la parentalité
Les inégalités salariales se creusent particulièrement pour les parents, et plus spécifiquement pour les mères. En effet, les femmes, surtout celles ayant plusieurs enfants, connaissent des baisses significatives de salaire par rapport aux pères. L’Insee souligne que les mères ont en moyenne des salaires nettement inférieurs à ceux des pères, non seulement parce qu’elles travaillent souvent moins d’heures, mais aussi en raison de carrières ralenties ou interrompues après la naissance des enfants. Par exemple, parmi les salariés sans enfants, l’écart salarial est de 5,8 %, mais il grimpe à 28,2 % pour les parents ayant trois enfants ou plus. En moyenne, les mères gagnent 29,9 % de moins que les pères, et cet écart atteint jusqu’à 40,9 % pour les mères ayant trois enfants ou plus.
Cette situation résulte en partie de la baisse des salaires après la naissance des enfants, mais également des carrières des mères qui sont souvent « durablement ralenties » en raison de la nécessité de concilier travail et responsabilités familiales. Ce phénomène renforce les inégalités économiques entre les sexes, d’autant plus que l’arrivée d’enfants impacte également le volume de travail. Les mères sont plus susceptibles de travailler à temps partiel ou de prendre des congés pour s’occuper de leurs enfants, ce qui réduit encore leur revenu salarial global.
L’écart salarial augmente avec l’âge
L’écart salarial entre hommes et femmes se creuse également avec l’âge. Chez les moins de 25 ans, l’écart est relativement faible, de 4,3 % pour un temps de travail égal. Cependant, il augmente régulièrement avec les années, atteignant 24,9 % chez les 60 ans et plus. Les femmes plus âgées sont souvent confrontées à des salaires moins élevés en raison de plusieurs facteurs, notamment des carrières interrompues, des opportunités de promotion limitées et des discriminations liées à l’âge.
Les inégalités salariales au sein des catégories socioprofessionnelles
Les inégalités de salaire entre les sexes varient également selon les catégories socioprofessionnelles. Les femmes cadres, par exemple, continuent de percevoir des salaires bien inférieurs à ceux de leurs homologues masculins, même si la proportion de femmes dans ces postes a augmenté. L’écart salarial en faveur des hommes reste plus marqué chez les cadres (15 % de différence de salaire pour un temps plein), comparé aux professions intermédiaires (11,6 %) ou les ouvriers (12,9 %). Toutefois, parmi les employés, cet écart est beaucoup plus faible, à seulement 3,6 %.
En somme, bien que des progrès aient été réalisés au fil des ans, notamment grâce à l’augmentation du nombre de femmes dans les postes de cadre, les inégalités salariales entre hommes et femmes persistent en 2023. Elles sont encore alimentées par une combinaison de facteurs, tels que la répartition genrée des métiers, le temps partiel, les différences de volume de travail et, surtout, l’impact de la parentalité sur les carrières des femmes. Ces disparités continuent de limiter les opportunités économiques et professionnelles des femmes, en particulier celles ayant des enfants.
Jean Samblé