Vers le renforcement de la corruption et de l’impunité dans le système éducatif national d’Haïti
— Par Robert Berrouët-Oriol (*)—
kleptocratie, cleptocratie /klɛp.tɔ.kʁa.si/ nom féminin — « Régime politique où l’autorité et le pouvoir de la ou les personnes qui en [assurent la direction] pratiquent à une très grande échelle la corruption pour s’enrichir et/ou accroître cette autorité ou ce pouvoir ». (Wiktionnaire, n.d.)
Les remontées de terrain qui nous parviennent d’Haïti témoignent de la persistance de maux à la fois chroniques et systémiques affectant l’École haïtienne, notamment sa gouvernance. Ils sont nombreux les directeurs d’écoles, les enseignants et les parents d’élèves à être profondément indignés et révoltés suite à la récente et délictueuse nomination de Sterline CIVIL, jeune trentenaire PHTKiste, au poste grassement rémunéré —650 000 Gourdes par mois–, de directrice du Fonds national de l’éducation d’Haïti. Pour bien contextualiser, d’entrée de propos, l’indignation résultant de la scabreuse nomination de Sterline CIVIL à la direction de la plus corrompue des organismes du système éducatif national haïtien, il est nécessaire de rappeler des faits amplement documentés et rapportés à maintes reprises par la presse locale.
Les 17 000 enseignants du secteur public de l’éducation font face périodiquement à d’erratiques arriérés de salaire qui impactent lourdement la dispense des cours dans un système éducatif défaillant où sont scolarisés 3 millions d’élèves. Il faut savoir que les 17 000 enseignants du secteur public détenteurs d’une lettre de nomination sont payés par le ministère de l’Éducation nationale à même les ressources financières provenant du Fonds national de l’éducation. Le salaire net de ces enseignants varie selon leur statut : il est de 18 426 Gourdes pour un professeur à chaire simple, soit moins de 150 $US par mois, et de 39 203 Gourdes pour un professeur à temps plein, soit moins de 300 $US par mois (Jean Brière Cadet : « Condition enseignante misérable en Haïti », Xaragua Magazine, 9 février 2025). De sources concordantes l’on estime à 88 000 le nombre total d’enseignants en poste dans les secteurs privé et public du système éducatif national.
Les revendications salariales des 17 000 enseignants du secteur public de l’éducation sont légitimes : la nouvelle directrice du Fonds national de l’éducation, Sterline CIVIL, va-t-elle sans délai acheminer au ministère de l’Éducation nationale le montant total des arriérés de salaire de tous les enseignants du secteur public de l’éducation ?
NOTE – Sur la problématique des arriérés de salaire, voir le Code du travail haïtien (Décret du 24 février 1984 et Loi du 5 juin 2003 actualisant le Code du travail du 12 septembre 1961) qui définit les droits relatifs au salaire. Voir aussi le « Guide pratique – Droit du travail haïtien », Better Work Haïti — Organisation internationale du Travail (OIT) et Société financière internationale (SFI) ; première édition, 2017.
Les directeurs d’écoles, les enseignants et les parents d’élèves profondément indignés et révoltés suite à la récente et délictueuse nomination de Sterline CIVIL, ont droit à des réponses précises de la part de la nouvelle « missionnaire » placée à la direction du Fonds national de l’éducation par le PHTK :
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Quelle est la feuille de route de Sterline CIVIL, quelles sont ses priorités, quels sont ses projets à moyen et à long terme, quelles sont les mesures urgentes qu’elle s’apprête à financer dans le système éducatif national haïtien ?
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En date du 5 mars 2025, Sterline CIVIL dispose-t-elle de données exhaustives relatives aux vertigineux arriérés de salaire des 17 000 enseignants du secteur public de l’éducation ? Si oui, à combien s’élèvent ces arriérés de salaire ? Seront-ils intégralement versés par le du Fonds national de l’éducation aux 17 000 enseignants durant le mois de mars 2025 ?
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En prenant la direction du Fonds national de l’éducation, Sterline CIVIL a-t-elle renoncé au délictueux salaire mensuel de 650 000 Gourdes perçu par son prédécesseur Jean Ronald Joseph ? À supposer qu’elle aurait renoncé à ce faramineux salaire dans un pays où un enseignant touche en moyenne 18 426 Gourdes par mois (soit moins de 150 $US), Sterline CIVIL va-t-elle en faire publiquement l’annonce par voie de communiqué ?
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En prenant la direction du Fonds national de l’éducation, Sterline CIVIL va-t-elle renoncer aux présumées prestations professionnelles du Cabinet du FNE qui, sous la direction de son prédécesseur Jean Ronald Joseph, comprenait 17 personnes disposant de l’exorbitant budget annuel de 49 000 000 de Gourdes (soit 367 509 $US) ? Va-t-elle en faire publiquement l’annonce par voie de communiqué ?
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En prenant la direction du Fonds national de l’éducation, Sterline CIVIL va-t-elle renoncer aux présumées prestations professionnelles du Bureau du FNE qui, sous la direction de son prédécesseur Jean Ronald Joseph, comprenait 7 personnes disposant de l’exorbitante masse salariale au montant de 24 000 000 de Gourdes (soit 180 005 $US) ? Va-t-elle en faire publiquement l’annonce par voie de communiqué ?
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À son arrivée à la direction du Fonds national de l’éducation, Sterline CIVIL a-t-elle demandé et obtenu de la Banque de la république d’Haïti, pièces justificatives à l’appui, le montant total des sommes acheminées au FNE de 2017 à 2025 ? Si oui, va-t-elle en faire publiquement l’annonce par voie de communiqué ?
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Maintenant qu’elle est installée à la direction du Fonds national de l’éducation, Sterline CIVIL va-t-elle demander à la Cour supérieure des comptes d’effectuer, dans les meilleurs délais, un audit administratif et financier
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du total des sommes que la Banque de la république d’Haïti aurait collectées pour le FNE de 2017 à 2025 ?
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du total des sommes que la Banque de la république d’Haïti assure avoir acheminées au FNE de 2017 à 2025 ?
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Sterline CIVIL va-t-elle, par voie de communiqué, s’engager publiquement à diffuser en temps et lieu les résultats de l’audit administratif et financier effectué par la Cour supérieure des comptes et relatif aux sommes collectées par la Banque de la république d’Haïti pour le FNE de 2017 à 2025 ?
Alors même que les directeurs d’écoles, les enseignants et les parents d’élèves profondément indignés et révoltés suite à la récente et délictueuse nomination de Sterline CIVIL ont droit à des réponses précises et publiques à cet ensemble de questions, la nouvelle directrice du FNE formule s’est prononcée sur la mission qui vient de lui être confiée par les barons mafieux du PHTK. Au creux de la langue de bois la plus obscure, elle expose son mandat de la manière suivante dans l’édition du 4 mars 2025 de son compte Facebook : « Je travaille sur l’implémentation de l’application ACCPAC au sein de l’administration afin d’optimiser la gestion et garantir une traçabilité complète des opérations, tant durant mon mandat de directrice générale du Fonds National de l’Éducation que pour la pérennité des processus après ma transition. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de modernisation et de transparence administrative, permettant un suivi rigoureux des activités, une meilleure gouvernance des ressources, et la continuité des bonnes pratiques institutionnelles. L’objectif est d’établir un système robuste qui servira de référence et d’outil de pilotage stratégique pour les futures administrations ».
À propos de l’application ACCPAC, l’on observe que le vocabulaire employé par Sterline CIVIL est de l’ordre de l’enfumage et lui permet de prétendre se situer sur le registre de la transparence en matière de gestion administrative –mais en réalité la directrice du FNE ne parvient pas à se démarquer du petit catéchisme de la démagogie PHTKiste. La ficelle est grosse et ne passe pas inaperçue : « l’application ACCPAC » dont elle revendique les improbables vertus curatives n’est que l’un des nombreux programmes automatisés de comptabilité financière d’entreprise. Voici en quels termes l’application ACCPAC est présentée sur le site Easy Business, l’entreprise qui la commercialise :
« Vos besoins en comptabilité sont complexes et supposent la mise en application de nombreuses étapes décisionnelles, manipulation et distribution. Multi succursales et avec plusieurs niveaux de prix, ACCPAC est le logiciel privilégié des plus grosses entreprises ou qui requierent une gestion particulière. Fonctionnant sous MsSQL, Oracle, Sybase, Informix, MySQL ou DB2, ACCPAC pour Windows, [ce logiciel] vous offre une foule de modules tous plus performants les uns que les autres. ACCPAC est assurément l’outil de gestion autour duquel nous pouvons construire et développer un maximum de processus décisionnels informatiques automatisés ou semi-automatisés. (…) Les systèmes PDV Easy Business Series interfacent le logiciel ACCPAC pour Windows ».
Il est utile de rappeler qu’à son arrivée à la direction du Fonds national de l’éducation, Sterline CIVIL fait face à une ample crise éducative qui impacte très durement les conditions de vie des enseignants du secteur public en butte à d’incessants arriérés de salaire. Sur ce registre, il ne faut pas perdre de vue que les récurrents arriérés de salaires, qui affectent également la scolarisation des élèves, étaient d’un montant de 4 milliards de gourdes en 2016 selon les déclarations du ministre sortant de l’Éducation nationale Nesmy Manigat au nouveau ministre Jean Beauvois Dorsome (voir Le Nouvelliste du 7 avril 2016). Étant donné la croissance négative du PIB (produit intérieur brut) depuis six ans, il est logique et vraisemblable de poser que les arriérés de salaires ont doublé ou triplé chaque année de 2016 à 2024. Le fait que la croissance soit négative chaque année depuis six ans a donc pour effet direct que les arriérés de salaire des enseignants se sont multipliés par deux ou trois, aggravant ainsi la précarité financière dans laquelle se trouvent les enseignants haïtiens qui, très souvent, sont forcés de cumuler plusieurs charges d’enseignement dans plusieurs écoles afin de subvenir aux besoins vitaux de leurs familles…
En comparaison avec la « Condition enseignante misérable en Haïti », l’on observe qu’il existe au Fonds national de l’éducation, depuis sa création formelle en 2017, une véritable industrialisation de la bamboche salariale dont les bénéficiaires directs sont la directrice générale ainsi que le Bureau et le Cabinet de la directrice générale. En effet, il est attesté que le Fonds national de l’éducation (FNE) –créé de manière informelle en 2011 puis légalisé en 2017–, est depuis lors placé sous la supervision directe des barons mafieux du PHTK néo-duvaliériste : la corruption et le népotisme qui y règnent continuent de mettre en péril la scolarisation de plus de 3 millions d’écoliers haïtiens, et cela n’a pas échappé à la société civile et à l’Unité de lutte contre la corruption, l’ULCC.
À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une perquisition a été effectuée le 4 juin 2024 dans les locaux du Fonds national de l’éducation par l’Unité de lutte contre la corruption (voir l’article « En Haïti le Fonds national de l’éducation, haut-lieu de la corruption, tente de s’acheter une impunité « à vie » à Radio Magik9 », par Robert Berrouët-Oriol, site Haïti Inter, Paris, 7 janvier 2025). L’Unité de lutte contre la corruption, qui avait auparavant reçu plusieurs plaintes, est en train de parachever le dossier des malversations et du népotisme qui ont cours au FNE depuis sa création et qui ont été couverts par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste et sa « vedette médiatique », l’ex-ministre de l’Éducation nationale Nesmy Manigat, ainsi que par l’ancien Premier ministre PHTKiste Joseph Jouthe. L’on observe que Jean Ronald Joseph, l’ancien directeur PHTKiste du Fonds national de l’éducation, aura certainement à répondre par-devant la Justice haïtienne des nombreuses malversations financières commises en toute impunité dans son fief : il devra entre autres expliquer pourquoi son « expertise » présumée de gestionnaire « hors pair » a coûté à l’État haïtien la rondelette somme de… 650 000 Gourdes par mois. LE FARAMINEUX SALAIRE MENSUEL de Jean Ronald Joseph, de l’ordre de 650 000 Gourdes, EST INVISIBILISÉ puisqu’il n’apparaît dans aucun audit financier du Fonds national de l’éducation. Il faut prendre toute la mesure que cette institution nationale, de 2017 à 2024, n’a publié aucun audit comptable relatif aux sommes qu’elle a perçues et présumément dépensées (voir l’article « La corruption au FNE en Haïti : ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024 » par Robert Berrouët-Oriol, Rezonòdwès, 22 juin 2024).
Tel que nous l’avons signalé plus haut, l’industrialisation de la bamboche salariale, modélisée à la haute direction du Fonds national de l’éducation par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, s’étend également au Bureau et au Cabinet de la directrice générale. Les tableaux 1 et 2 (voir plus bas) en fournissent la plus explicite illustration.
De quelle manière ont été structurées la corruption et l’industrialisation de la bamboche salariale, de 2017 à 2025, au Fonds national de l’éducation ?
Le site officiel du Fonds national de l’éducation ne comprend aucun document d’information financière couvrant la période de 2017 à 2024. Il ne fournit aucun document officiel relatif (1) au total des sommes prélevées chaque année sur les appels téléphoniques entrants ; (2) au total des sommes prélevées chaque année sur les transferts d’argent vers Haïti pour la période allant de 2017 à 2024 ; (3) aux états financiers du Fonds national de l’éducation pour la période allant de 2017 à 2024, et (4) aux audits comptables qui auraient éventuellement été réalisés par la Cour supérieure des comptes ou par une firme externe pour la période allant de 2017 à 2024. À ce propos, il y a lieu de rappeler que depuis sa création informelle le 15 juin 2011, deux mois après l’installation au pouvoir du gouvernement Martelly, le Fonds national de l’éducation a été financé essentiellement par le prélèvement de 5 centimes sur le tarif de chaque minute d’appel international vers Haïti, et 1.5 dollars sur chaque transfert de fonds internationaux. Cette mesure est entrée en application le 15 juin 2011.
Malgré ce qui semble relever d’une vieille et obscure tradition de l’Administration publique haïtienne de ne pas communiquer de documents administratifs même lorsqu’ils sont d’intérêt public, nous avons eu accès à un document de deux pages ayant pour titre : « Banque de la République d’Haïti. Direction financière – Service contrôle financier. Rapport mensuel des frais perçus sur les transferts privés internationaux versés au compte du Trésor public. Établi du 28 juillet 2011 au 12 septembre 2018 ». Ce document est intéressant à plusieurs titres : il fournit des chiffres précis sur le total des sommes perçues par la Banque de la République d’Haïti pour le compte du Fonds national de l’éducation de 2011 à 2016 et de 2017 à 2018. Le FNE ne dispose d’une existence légale que depuis 2017, avec l’adoption de la Loi du 17 août 2017 : entre 2011 et 2017 le Fonds national de l’éducation fonctionnait dans l’informel au sens où il ne disposait pas encore du statut légal d’une institution d’État. Cela a porté plusieurs institutions à le classer, en 2011 déjà, parmi les instances opaques de l’Administration publique haïtienne qui amassent illégalement des sommes d’argent au montant indéterminé et qui ne sont pas consignées dans le Budget national, ce qui les soustrait au contrôle du Parlement.
La saga du Fonds national de l’éducation créé par le PHTK néo-duvaliériste rappelle celle instituée par le dictateur François Duvalier pour asseoir un vaste système de corruption et de « pompage » des ressources financières du pays à travers la Régie de tabac et des allumettes dès le milieu des années 1960. L’une des caractéristiques opérationnelles de cette régie de la dilapidation gangstérisée était l’utilisation d’un « compte non-fiscal » créant un monopole du tabac. Ce dispositif a par la suite été instrumentalisé dans d’autres entreprises gouvernementales qui ont servi de caisse noire et sur lesquelles aucun bilan n’a été trouvé. Dans son célèbre ouvrage « Idéologie de couleur et classes sociales en Haïti » (Presses de l’Université de Montréal, 1987), la sociologue Micheline Labelle nous enseigne qu’« une grande part des recettes extra-budgétaires, provenant surtout de la Régie du tabac et des allumettes et représentant au moins 40% des recettes totales de l’État, alimente largement les dépenses en frais militaires non encourues par le budget de la défense (Girault, 1975 : 62). On sait que cet organisme est le grand pourvoyeur de fonds du budget de répression et que le gouvernement refuse encore la fiscalisation de ses comptes, en dépit des demandes de rationalisation administrative [p. 30] de tous les organismes internationaux à ce jour ». De la Régie de tabac et des allumettes à l’actuel Fonds national de l’éducation qui n’est pas soumis au moindre contrôle du Parlement haïtien au demeurant asphyxié par le PHTK, la filiation duvaliériste est historiquement établie et une telle donnée historique ne figure certainement pas dans les critères d’attribution par l’International des importantes sommes transférées à Haïti dans le domaine de l’éducation. Il importe de rappeler que l’ancien titulaire de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat –économiste de formation, familier des procédures de gestion administrative internationale et fort de son passage à la présidence du Comité de gouvernance, d’éthique, du risque et du financement du Partenariat mondial pour l’éducation–, n’était pas sans savoir qu’il y a une parenté historique directe entre la Régie de tabac et des allumettes et le Fonds national de l’éducation. Sur ce registre, il y a communauté de vue parmi les meilleurs spécialistes haïtiens qui constatent que l’« amnésie sélective volontaire » pratiquée d’une main de maître par Nesmy Manigat, l’ancien ministre de facto de l’Éducation nationale, dans le dossier du Fonds national de l’éducation, fait de lui la caution intellectuelle et politique de la stratégie du PHTK dans la reproduction de la corruption systémique au sein du système éducatif national.
Avec l’adoption de la Loi du 17 août 2017, le Fonds national de l’éducation possède un cadre légal de fonctionnement, un conseil d’administration, un personnel administratif et des règlements internes, des objectifs, des droits et des obligations. Les tableaux 1 et 2 ci-après sont une indication du total des sommes perçues sur les transferts privés internationaux par le CONATEL pour la Banque de la République d’Haïti entre 2011 et 2016 et de 2017 à 2018 qui les dirige par la suite vers le Trésor public. Les tableaux 1 et 2 ne prennent pas en compte les sommes prélevées sur les appels téléphoniques en provenance de l’étranger car la recherche documentaire que nous avons menée pour rédiger le présent article ne nous a pas permis d’avoir accès à des documents décrivant les opérations de retenue sur les appels téléphoniques.
TABLEAU 1 – Total des sommes investies dans les « Axes d’intervention majeurs » du Fonds national de l’éducation selon les déclarations de son directeur général (2019-2024) + Ventilation des frais administratifs annuels
5 ANS (2019-2024) |
GOURDES |
DOLLARS US |
MOY/ 5 ANS |
GDES |
$ |
$ US |
|
Programme spécial de gratuité de l’éducation |
3 147 598 122 |
23 607 576 |
4 721 515 |
Rénovation des infrastructures |
2 775 914 120 |
20 819 876 |
4 163 975 |
Mobiliers scolaires |
525 715 000 |
3 942 961 |
788 592 |
Cantine scolaire |
255 666 422 |
1 917 546 |
383 509 |
universités/ rech. |
30 000 000 |
225 006 |
45 001 |
Univ./bourses (1500) |
285 500 000 sur 5 ans |
2 141 304 |
428 261 |
Subventions (229) |
133 157 717 |
998 708 |
199 742 |
TOTAL |
7 153 551 381 |
652 977 |
730 595 |
Par bourse (1500 bo.) |
190 333 |
1 428 |
286 * |
Par étudiant (229 ét.) |
581 475 |
4 361 |
872 * |
Taux de conversion : 133 GDES/ 1 $ US. || L’astérisque * renvoie à une moyenne annuelle. |
|||
FRAIS ADMINISTRATIFS ANNUELS |
|||
SALAIRE DU DG |
7 800 000 |
58 501 |
|
BUREAU (7 pers.) |
24 000 000 |
180 005 |
|
CABINET (17 pers.) |
49 000 000 |
367 509 |
|
TOTAL |
80 800 000 |
606 015 |
Source 1 : Déclaration du directeur général du FNE, point de presse du 31 janvier 2024, site officiel du Fonds national de l’éducation ; Source 2 : Hebdo 24, 1er avril 2024.
TABLEAU 2 – Fonds national de l’éducation / Banque de la République d’Haïti : frais perçus sur les transferts privés internationaux / 2011-2018
NOMBRE DE TRANSFERTS |
FRAIS PERÇUS de 1,50 $ en milliers de dollars US |
|
juillet 2011-juin 2012 |
7 431 |
11 146 |
juillet 2012-juin 2013 |
8 313 |
12 469 |
juillet 2013-juin 2014 |
8 745 |
13 117 |
juillet 2014-juin 2015 |
10 927 |
16 392 |
juillet 2015-juin 2016 |
12 198 |
18 297 |
juillet 2016-juin 2017 |
13 451 |
20 176 |
juillet 2017-juin 2018 |
16 062 |
24 093 |
TOTAL |
77 127 |
115 690 |
Source : Banque de la République d’Haïti. Direction financière – Service contrôle financier. Rapport mensuel des frais perçus sur les transferts privés internationaux versés au compte du Trésor public. Établi du 28 juillet 2011 au 12 septembre 2018.
Commentaire analytique – Le tableau 1 fournit un éclairage fort instructif sur le total des sommes investies dans les « Axes d’intervention majeurs » du Fonds national de l’éducation selon les déclarations de son Directeur général. Ces données déclaratives exposées par le directeur général du FNE, durant son point de presse le 31 janvier 2024, n’étaient pas accompagnées du moindre document officiel attestant leur véracité : ce constat est de première importance car toutes les recherches documentaires que nous avons menées, y compris sur le site officiel du Fonds national de l’éducation, n’ont pas permis de retracer les états financiers et encore moins les rapports d’audit comptable du FNE.
Comme nous le verrons plus loin dans le déroulé de cet article en examinant la « chaîne de camouflage » à l’œuvre au FNE, nous sommes en présence d’un système de gestion financière opaque qui n’offre pas les instruments de compréhension des dépenses publiques qu’un organisme public prétend avoir effectuées pour remplir la mission de service public que lui confère la Loi du 17 août 2017. Les déclarations de Jean Ronald Joseph, l’ancien directeur général du Fonds national de l’éducation, ne permettent pas non plus de savoir, en référence à des documents officiels consultables, si l’institution a effectivement rempli sa mission, si les sommes injectées dans des programmes et des activités ont été dépensées avec rigueur, ou encore si des instances indépendantes ont émis des rapports de conformité à propos de telle ou telle réalisation. Par exemple, le directeur général du Fonds national de l’éducation a déclaré que son institution aurait investi la monumentale somme de 2 775 914 120 Gourdes sur 5 ans –soit 20 819 876 $ US–, dans la rénovation des infrastructures scolaires. Il aurait été utile de fournir des documents énumérant le nombre d’infrastructures scolaires rénovées, leur localisation géographique, le nombre d’élèves ayant bénéficié de ces rénovations ainsi que les rapports techniques émis par des firmes d’ingénierie attestant le respect de la conformité aux normes sismiques. Il aurait également été utile d’être informé quant au contenu du dossier d’appel d’offres et quant au choix des firmes qui, ayant remporté des appels d’offre, ont effectué des travaux de rénovation des infrastructures scolaires. L’on peut également s’interroger sur l’inspection finale des travaux : a-t-elle eu lieu avant le versement de la retenue de garantie ? Il aurait tout autant été utile de savoir si l’attribution des contrats à ces firmes a été effectuée de gré à gré, ce qui habituellement ouvre la porte au favoritisme et à diverses formes de malversation. Il en est de même des sommes injectées dans les cantines scolaires : combien d’élèves ce programme que l’on dit d’envergure nationale a-t-il permis de rejoindre ? A-t-il donné la priorité aux produits locaux de proximité et permis l’embauche d’une main-d’œuvre locale ? Et sur quels critères le FNE s’est-il basé pour attribuer 1 500 bourses scolaires de l’ordre de 286 $ en moyenne annualisée sur 5 ans (190 333 Gourdes — 1 428 $ US) ? Dans un pays qui compte environ 3 millions d’enfants en cours de scolarisation, comment expliquer que le FNE n’ait accordé que 286 $ en moyenne annualisée pour 1 500 bourses scolaires au modeste montant de 190 333 Gourdes (1 428 $ US) ?
En référence au scandale des détournements de fonds au PSUGO –programme lui aussi créé par le PHTK néoduvaliériste mais dénoncé par les enseignants et vilipendé dans un premier temps par l’ex-ministre de facto de l’Éducation nationale Nesmy Manigat qui, dans un second temps, l’a reconduit dès son retour à la direction du ministère de l’Éducation nationale en novembre 2022–, quelles sont les données vérifiables relatives à ces 1 500 bourses scolaires ? S’agit-il de bourses scolaires zonbis, comme il y a eu en quantité industrielle au PSUGO, s’agit-il d’écoles zonbis, de directeurs d’écoles zonbis, de professeurs zonbis et de chèques zonbis ? (NOTE – Sur la vaste entreprise de détournement de fonds qu’est le PSUGO, voir notre article « Le système éducatif à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO », journal Le National, Port-au-Prince, 24 mars 2022 ; voir également les articles « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (parties I, II et III) – Un processus d’affaiblissement du système éducatif », Ayiti kale je (Akj), AlterPresse, 16 juillet 2014. Voir aussi sur le même site, « Le PSUGO, une catastrophe programmée » (parties I à IV), 4 août 2016. Voir enfin l’article fort bien documenté « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », par Charles Tardieu, Port-au-Prince, 30 juin 2016). Dans notre article du 24 mars 2022 publié en Haïti par le journal Le National, « Le système éducatif à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO », nous avons mentionné les liens qui existent entre le PSUGO et le Fonds national de l’éducation comme suit : « Selon un rapport du ministère de l’Éducation acheminé le 22 décembre 2014 au journal Le Nouvelliste et qui présente, semble-t-il, « le bilan annuel des deux (…) exercices 2011-2012 et 2012-2013, le PSUGO est financé essentiellement grâce au Fonds national pour l’éducation (FNE), à hauteur de 1,9 milliard de gourdes, et du Trésor public, à hauteur de 800 millions de gourdes, pour un total de 2,7 milliards de gourdes ». Il est fort révélateur que deux institutions majeures du système éducatif national haïtien, le FNE et le PSUGO, soient pareillement et pour les mêmes motifs dénoncées par les enseignants, les syndicats d’enseignants et des observateurs indépendants en raison de leur gestion financière opaque et de leurs mécanismes opaques d’attribution et d’exécution de projets.
La seconde partie du tableau 1 présente le montant total, par catégories, des « Frais administratifs annuels » du Fonds national de l’éducation. Ces frais administratifs (80 800 000 Gourdes, soit 606 015 $ US) sont extrêmement élevés pour un organisme autonome rattaché à un ministère, celui de l’Éducation nationale. Mais ce qui interpelle avant tout l’observateur, c’est la pléthore du personnel en poste au Bureau (7 personnes) et au Cabinet du Directeur du FNE (17 personnes). Cette pléthore est en lien avec les vieilles et complexes pratiques de favoritisme et de népotisme, deux des visages de la corruption dans l’Administration publique haïtienne. Habituellement le favoritisme et le népotisme servent à « récompenser » ceux que l’on désigne par l’expression des « ayant droit du système » et qui servent de courroie de transmission des opérations de détournement de fonds publics.
Le deuxième tableau, « Fonds national de l’éducation / Banque de la République d’Haïti : frais perçus sur les transferts privés internationaux / 2011-2018 », est lui aussi fort instructif. Il atteste d’une part une nette augmentation de juin 2012 à juin 2018 du nombre de transferts, soit 7 431 à 16 062. D’autre part il atteste une nette augmentation de plus du double des frais perçus en milliers de dollars US, de juin 2012 à juin 2018, soit 11 146 à 24 093. Pareille augmentation se traduit par l’ample progression du montant total des frais perçus, qui passent de 11 146 à 115 690 milliers de dollars US. En raison de la forte dégradation de la crise économique de 2018 à 2024, il est loisible de poser que durant cette période le volume de transferts d’argent vers Haïti a considérablement augmenté. Il en est résulté que les frais perçus sur les transferts privés internationaux ont augmenté de manière significative passant, en toute bonne hypothèse indicative, de 24 093 à 48 000. Pareille augmentation est en lien direct avec le poids économique énorme des transferts de la diaspora haïtienne vers Haïti comme l’atteste un document officiel de la Banque de la République d’Haïti daté de novembre 2019 : « Transferts de la diaspora et taux de change réel : le cas d’Haïti ». Ainsi, « (…) les transferts sans contrepartie vers Haïti ont presque décuplé entre 1998 et 2018 alors que leur poids par rapport au PIB est passé de 8,8% à 32,5% sur la même période. Ils sont désormais, de loin, la principale source de devises du pays, soit 3,6 fois la valeur des exportations, 10 fois celle des flux d’aide au développement et 37 fois le montant des investissements directs étrangers ». Selon la « Balance des paiements 2024 » de la Banque de la République d’Haïti (BRH) et le rapport « Les comptes économiques en 2024 » de l’Institut haïtien de statistiques et d’informatique (IIHSI), les envois de fonds des travailleurs de la diaspora « ont franchi la barre de quatre milliards de dollars cette année : 4 111 milliards contre 3 753,25 –soit une hausse significative de 9,5% ».
Le Conseil présidentiel de transition mis en échec par le PHTK néo-duvaliériste au terme d’une obscure partie de poker menteur…
Récemment le nouveau ministre de l’Éducation nationale Augustin Antoine —soucieux de transparence et désireux d’avoir en mains des données analytiques objectives–, a demandé à la Cour supérieure des comptes d’effectuer avec célérité un audit administratif et financier des 9 organismes placés selon la loi sous la tutelle du ministère de l’Éducation et le Fonds national de l’éducation est l’un de ces organismes (voir l’article « La corruption dans le système éducatif national d’Haïti / Le ministre Augustin Antoine dépose une demande d’audit financier et administratif à la CSCCA » par Robert Berrouët-Oriol, Madinin’Art, 16 octobre 2024).
Dans sa requête le ministre Augustin Antoine enjoint la Cour supérieure des comptes d’accorder « une suite urgente à cette requête » et précise que l’audit devra être effectué « au niveau du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle ainsi que dans les directions techniquement déconcentrées et autonomes suivantes :
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Le Programme national de cantine scolaire (PNCS)
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L’Unité de coordination et de programmation (UCP)
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La Secrétairerie d’État à l’alphabétisation (SEA)
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La Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO (CNHCU)
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L’École nationale de géologie appliquée (ENGA)
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L’Institut national de formation professionnelle (INFP)
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L’Office national de partenariat en éducation (ONAPE)
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L’École nationale supérieure de technologie (ENST)
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Le Fonds national de l’éducation (FNE) ».
Quatre mois seulement après le dépôt de la requête du ministre Augustin Antoine et avant l’établissement du moindre rapport intérimaire de la Cour supérieure des comptes, LE CONSEIL PRÉSIDENTIEL DE TRANSITION A CHOISI DE COURT-CIRCUITER L’ACTION DE LA JUSTICE EN TORPILLANT LES ENQUÊTES EN COURS DE L’UNITÉ DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET EN PASSANT OUTRE DE LA DEMANDE D’AUDIT DU MINISTRE AUGUSTIN ANTOINE AUPRÈS DE LA COUR SUPÉRIEURE DES COMPTES… L’on observe que dans la scabreuse partie de poker menteur qui s’est jouée récemment entre le PHTK néo-duvaliériste et le pouvoir exécutif d’inspiration lavalassienne, le Conseil présidentiel de transition a choisi de faire la promotion du culte de l’escroquerie impunitaire en Haïti en concédant au PHTK la nomination de Sterline CIVIL –une néophyte liée à et au service de Claude Joseph, baron mafieux et affairiste du PHTK–, à la direction du Fonds national de l’éducation…
En choisissant de faire la promotion du culte de l’escroquerie impunitaire en Haïti, le Conseil présidentiel de transition pratique lui aussi, à l’instar du PHTK, l’« amnésie sélective » et ferme les yeux sur les ravages que causent la corruption et l’impunité dans le système éducatif national comme, d’ailleurs, dans la société haïtienne tout entière.
C’est donc dans le contexte d’une « amnésie politique programmée » que la presse haïtienne a rapporté la nouvelle de l’installation d’une nouvelle directrice au Fonds national de l’éducation. Sur le compte X du journal Le Nouvelliste daté du 18 février 2025, il est mentionné que « Sterline Civil a été installée, ce mardi 18 février 2025, comme nouvelle directrice générale du Fonds national de l’éducation (FNE). La cérémonie s’est déroulée en présence de plusieurs cadres du FNE et du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP). Madame Civil remplace Jean Ronald Joseph, qui a occupé le poste entre décembre 2021 et février 2025 ». Sans mentionner un fait de société pourtant déjà ciblé par divers médias locaux, à savoir la corruption au Fonds national de l’éducation, plusieurs organes de la presse haïtienne ont présenté la jeune trentenaire PHTKiste Sterline CIVIL comme une juriste et une enseignante. Elle a dans un passé récent été propulsée par Claude Joseph, baron mafieux et affairiste du PHTK, d’abord au poste de directrice des Affaires consulaires —elle a donc été administrativement responsable du contrôle des passeports haïtiens habituellement émis à Washington–, et ensuite ministre-conseiller à la mission permanente d’Haïti auprès de l’Onu… L’on note toutefois que la presse locale et internationale n’ont pas encore apporté la preuve de l’implication de Sterline CIVIL dans le scandale des passeports à l’ambassade d’Haïti à Washington (« Le plus haut diplomate d’Haïti aux États-Unis [Bocchit Edmond] est limogé après un scandale de passeports à l’ambassade de Washington », titrait le Miami Herald, révélant les implications des proches d’Edmond Bocchit et de Claude Joseph dans des actes de corruption à l’ambassade d’Haïti à Washington » : voir l’article « Bocchit limogé : les révélations chocs de Miami Herald sur le scandale de passeports à l’ambassade d’Haïti à Washington », Rezonòdwès, 5 mai 2023).
Le récent parachutage de Sterline CIVIL à la direction du Fonds national de l’éducation par le Conseil présidentiel de transition est riche d’enseignements. Le principal enseignement est qu’il existe une systémique continuité des pratiques mafieuses au plus haut niveau de l’État haïtien : elle consiste à fermer les yeux sur la corruption et, tout en campant sur les ruines du cimetière de l’impunité, à modéliser la gouvernance politique de l’État haïtien en dehors de la Loi et en dehors de la Constitution de 1987. C’est d’ailleurs également sur ce terrain-là qu’il y a communauté de vue entre le Conseil présidentiel de transition et le PHTK néo-duvaliériste. Une telle communauté de vue trouve ses racines dans un fait historique majeur : la non déduvaliérisation de la société haïtienne tout entière, la survivance des pratiques opaques de gouvernance politique et administrative couplée à la perpétuation actualisée des « intellectuels serviles » dont se sont entourés les divers régimes politiques de 1987 à nos jours. (NOTE – Sur l’héritage duvaliériste inscrit dans l’ADN du PHTK, voir la série de quatre articles de l’économiste et historien Leslie Péan intitulés « Haiti : gouvernance occulte, gouvernance inculte, gouvernance superficielle », AlterPresse, juin 2014. Leslie Péan est également l’auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la problématique de la corruption en Haïti, notamment « Haïti / Économie politique de la corruption – L’ensauvagement macoute et ses conséquences (1957-1990) », tome IV, Éditions Maisonneuve et Larose, 2007 ; voir aussi Pierre Fournier, « Haïti, contextes social, historique, économique et le phénomène de la corruption », Barreau de Montréal, 2016. Voir aussi « Le rôle des « intellectuels serviles » dans l’arsenal idéologique érigé par le cartel politico-mafieux du phtk néo-duvaliériste », par Robert Berrouët-Oriol, Fondas kreyòl, 27 novembre 2024.)
Par ailleurs l’on observe que le récent parachutage de la « juriste » Sterline CIVIL à la direction du Fonds national de l’éducation est inconstitutionnel, donc illégal, comme du reste c’est le cas du Conseil présidentiel de transition mis en place en dehors des prescrits de la Constitution de 1987. Les actes administratifs que Sterline CIVIL est appelée à poser à la direction du Fonds national de l’éducation seront dès lors tous inconstitutionnels, et l’on peut en toute rigueur anticiper qu’ils pourront à l’avenir être révoqués par la Cour de cassation sur recommandation de l’Unité de lutte contre la corruption et/ou de la Cour supérieure des comptes.
Il faudrait sans doute suggérer à la « juriste » Sterline CIVIL de lire attentivement l’article de Samuel Gagnon, conseiller juridique à Avocats sans frontières Canada, « Réfléchir à la corruption en Haiti : pour une jouissance effective des droits humains »… Samuel Gagnon y consigne ceci : « Dans mon plus récent billet de blogue, il était question du scandale entourant la gestion du fonds PetroCaribe. En Haïti, plusieurs pratiques persistantes nécrosent la société actuelle : blanchiment d’argent, détournement de biens publics, pots-de-vin, surfacturation, favoritisme, etc. En grande partie héritée du duvaliérisme, cette culture de la corruption gangrène toutes les sphères de la collectivité. Selon le dernier rapport publié par Transparency International, Haïti est classée 161e sur 180 pays selon l’Indice de perception de la corruption dans le secteur public pour l’année 2018 ».
La non-application de l’article 32 de la Constitution de 1987 –« L’éducation est une obligation de l’État et des collectivités territoriales »–, par les différents Exécutifs issus du PHTK est la condition politique majeure de la reproduction des mécanismes d’INVISIBILISATION DE LA CORRUPTION sur le mode de la métastase silencieuse de la corruption consécutive au démantèlement des appareils d’État par le PHTK (le concept « appareils d’État » est ici employé au sens que lui confère le philosophe Louis Althusser dans son étude canonique « Idéologie et appareils idéologiques d’État » parue dans La Pensée no 151, juin 1970).
La métastase silencieuse de la corruption a été modélisée en Haïti au creux de la gangstérisation/criminalisation de l’État haïtien activement mise en œuvre par le PHTK ces douze dernières années. (NOTE – Sur la gangstérisation/criminalisation de l’État haïtien, voir l’étude de Frédéric Thomas « Haïti : la gangstérisation de l’état se poursuit », CETRI, Université de Louvain, 7 juillet 2022 ; sur les auto-proclamés « bandits légaux » du PHTK, voir l’article de Roromme Chantal de l’Université de Moncton, « L’ONU, le PHTK et la criminalité en Haïti », AlterPresse, 25 juillet 2022 ; voir aussi l’article de Laënnec Hurbon, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti », Médiapart, 28 juin 2020 ; voir l’article « Haïti dans tous ses états » : halte à la duvaliérisation des esprits ! », par Arnousse Beaulière, AlterPresse, 19 février 2020 ; voir également l’entrevue de Jhon Picard Byron, enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, « Gangs et pouvoir en Haïti, histoire d’une liaison dangereuse », Radio France internationale, 23 septembre 2022. Lire aussi « L’« État de dealers » guerroyant contre contre l’« État de droit » en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, Paris, 18 janvier 2024.)
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Linguiste-terminologue
Conseiller spécial, Conseil national d’administration
du Réseau des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)
Montréal, le 5 mars 2025