Le Bureau international de l’éducation de l’Unesco parviendra-t-il à domestiquer le système éducatif national d’Haïti ?

— Par Robert Berrouët-Oriol (*)

Dans le vaste secteur de l’éducation en Haïti, peu d’enseignants, y compris parmi les 17 000 que compte le secteur public, savent véritablement quelle est la mission du Bureau international de l’éducation de Unesco et de quelle manière il intervient en Haïti. Il y a lieu de rappeler que le « Bureau international de l’éducation de Unesco (UNESCO-IBE) a été fondé en 1925 à Genève et qu’il est la première organisation intergouvernementale exclusivement active dans le domaine de l’éducation, le plus ancien institut de l’UNESCO et l’autorité mondiale en matière de transformation des programmes d’études pour un apprentissage de qualité. L’BIE est également une plateforme unique de coopération régionale et internationale en matière d’éducation. En 1929, l’IBE a ouvert ses portes à d’autres pays et est devenu la première organisation intergouvernementale dans le domaine de l’éducation ».

« Depuis 1934, l’IBE organise la Conférence internationale sur l’éducation publique (aujourd’hui la Conférence internationale sur l’éducation). À partir de 1946, cette conférence a été convoquée avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), fondée en 1945. En 1969, l’IBE est devenu une partie intégrante de l’UNESCO tout en conservant son autonomie intellectuelle et fonctionnelle. En 1999, l’IBE est devenu l’institut de l’UNESCO responsable du contenu éducatif, des méthodes et des stratégies d’enseignement/apprentissage par le biais du développement des programmes d’études. Au fil des ans, le mandat central de l’IBE a changé, atteignant un sommet en 2011 lorsque la 36e session de la Conférence générale de l’UNESCO a déclaré l’IBE Centre mondial d’excellence en matière de programmes d’études et de questions connexes. Le mandat d’aujourd’hui consiste à renforcer les capacités des États membres à concevoir, développer et mettre en œuvre des programmes d’études qui garantissent l’équité, la qualité, la pertinence pour le développement et l’efficacité des ressources des systèmes éducatifs et d’apprentissage » (source : Bureau international de l’éducation Site de l’Unesco, n.d.).

L’axe majeur des interventions du Bureau international de l’éducation en Haïti 

« Depuis 2022, le ministère haïtien de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP), en collaboration avec le Bureau international de l’éducation de l’UNESCO (UNESCO-BIE) et la Banque interaméricaine de développement (BID), s’est lancé dans une transformation à grande échelle de l’éducation d’Haïti. Après une phase initiale axée sur le diagnostic des défis du système et le renforcement des capacités, le MENFP est maintenant sur le point d’édicter une feuille de route complète pour la transformation du curriculum en Haïti : « un produit d’un effort collectif impliquant toutes les parties prenantes. »

« L’objectif principal est de restructurer le système et de donner à ses participants les moyens d’offrir une éducation de qualité et inclusive en Haïti. »

« Le MENFP a déclaré le curriculum une priorité absolue dans la réforme de l’éducation en Haïti. L’UNESCO-BIE le considère comme la composante la plus critique du système éducatif, sa force motrice. La définition du curriculum utilisée ici va au-delà des programmes éducatifs pour englober plusieurs autres composantes et éléments du système éducatif dans une approche systématique, des documents d’orientation exposant la vision de l’éducation aux pratiques d’évaluation et comprenant tous les niveaux intermédiaires, programmes scolaires et de formation, matériel et manuels pédagogiques, inspecteurs, conseillers pédagogiques et matériel de pratique des formateurs ainsi que les pratiques des enseignants en classe » (source : « Haïti Transformer le curriculum pour l’éducation de demain », Bureau international de l’éducation Site de l’Unesco, n.d.). [Cliquez ici pour en savoir plus sur le programme.] 

Par-delà les préconisations du Bureau international de l’éducation en Haïti, quels sont les objectifs curriculaires repérables dans les textes officiels et/ou dans les documents de travail du ministère de l’Éducation nationale ?

Peu de temps après la parution de l’article « Les fondements constitutionnels de la future loi de politique linguistique éducative en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol, Rezonòdwès, 23 août 2023), un haut cadre du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti nous a discrètement acheminé deux « documents ministériels majeurs » tout en précisant vouloir garder l’anonymat pour des raisons que chacun peut aisément comprendre. Le premier document a pour titre « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » et pour son élaboration le ministère de l’Éducation a bénéficié du support technique et financier, à hauteur de 8 millions d’Euros, de l’Agence française de développement (AFD) dans le cadre du Projet NECTAR. Sa première mouture date de 2020 et il a été validé en février 2021. Le second document s’intitule « Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP » / « Aménagement linguistique en préscolaire et fondamental ». Ce document –qui devra ultérieurement faire l’objet d’une évaluation objective–, est daté de mars 2016 et il porte la mention « Travail réalisé par Marky Jean Pierre et Darline Cothière sous la direction de Marie Rodny Laurent Estéus consultante au cabinet du Ministre ». Par souci de rigueur nous avons effectué une recherche documentaire sur le site du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti et nous avons constaté que ces deux documents ne sont pas répertoriés aux rubriques « Banque de documents », « Documents officiels » et « Outils et ressources pédagogiques ». À la rubrique « Circulaires et arrêtés » il est indiqué qu’« Aucun document n’est disponible pour l’instant », tandis qu’à la rubrique « Programmes et curriculum » l’on a accès aux documents « Pwogam konpetans minimal Kreyòl segondè I » (décembre 2019, 29 pages) et « Programme à compétences minimales Français secondaire I » (décembre 2019, 23 pages). Le « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » ainsi que le « Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP » / « Aménagement linguistique en préscolaire et fondamental » sont des documents distincts du « Référentiel haïtien de compétences pour le français et le créole / Referansyèl ayisyen konpetans pou lang franse ak kreyòl » élaboré par la linguiste-didacticienne Darline Cothière et daté du 15 mai 2018. À l’instar de plusieurs titres réputés être en Haïti des « documents ministériels majeurs », ce « Référentiel » –qui devra lui aussi faire l’objet à l’avenir d’une évaluation objective–, a été téléporté en coma prémédité au grenier des objets perdus du ministère de l’Éducation nationale… Dans l’article « L’aménagement du créole en Haïti à l’épreuve du « Cadre d’orientation curriculaire » du ministère de l’Éducation nationale » (Rezonòdwès, 27 août 2023), nous avons fait la démonstration qu’il existe un réel blocage de l’École haïtienne résultant d’une contradiction majeure (de vision et de finalités) entre le « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 » et le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 ». En pleine clarté, nous avons exposé qu’« Il ressort de notre analyse attentive que l’État haïtien –trente-six ans après la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987–, est lourdement démissionnaire quant à l’obligation politique et constitutionnelle d’élaborer et de mettre en oeuvre LA politique linguistique éducative nationale. La démission de l’État a de pesantes conséquences sur le plan de la gouvernance du système éducatif haïtien, sur celui de la didactique générale des matières scolaires, sur celui de la didactique du créole langue maternelle comme sur celui du français langue seconde ». 

L’on observe que le Bureau international de l’éducation en Haïti a récemment élaboré un document de travail, qui sera sous peu doté du statut de document officiel : il est hautement significatif que les auteurs de ce document ont choisi d’ignorer totalement les préconisations et les objectifs programmatiques contenus dans les documents du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti, notamment le « Cadre d’orientation curriculaire pour le système éducatif haïtien / Haïti 2054 », le « Cadre pour l’élaboration de la politique linguistique du MENFP » / « Aménagement linguistique en préscolaire et fondamental » et le « Référentiel haïtien de compétences pour le français et le créole / Referansyèl ayisyen konpetans pou lang franse ak kreyòl ».

En clair, cela signifie que le Bureau international de l’éducation en Haïti poursuit des objectifs particuliers, différents sinon opposés à ceux du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti et, comme le soutiennent plusieurs hauts cadres de ce ministère, « il a son propre agenda » dans un pays où l’éducation n’est pas une priorité et où le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste a encore la haute main sur le système éducatif national (voir l’article « Le Conseil présidentiel de transition promeut le culte de l’escroquerie impunitaire en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 27 février 2025).

Le présent article expose le bilan analytique du récent document élaboré par le Bureau international de l’éducation en Haïti.

Titre et auteur du document : « Rapport curriculum endogène BIE » (Bureau international de l’éducation – Unesco) Réforme curriculaire ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle ». « Document d’orientation initial » — UN CURRICULUM ENDOGÈNE POUR L’ÉCOLE HAÏTIENNE — Éléments de réflexion pour guider la production des nouveaux programmes pour le Fondamental (« Draft »/Brouillon). [Document de 122 pages, non daté, reçu le 21 février 2025.]

Première observation générale

Au plan épistémologique ce « Document d’orientation initial » traduit et exemplifie une conception lourdement lacunaire du rôle du curriculum dans l’École haïtienne : le curriculum n’est pas conceptualisé/conçu comme devant être l’expression programmatique ordonnée de la politique éducative nationale, notamment dans ses dimensions didactique, pédagogique et linguistique. L’on observe qu’il existe une ample confusion entre le curriculum –un instrument/corps d’idées appelé à encadrer l’activité enseignante–, et la vision d’ensemble de ce qui devrait constituer la mission et les objectifs de l’École haïtienne. Ainsi il est dit que « L’objectif de ce rapport c’est d’identifier les éléments-clés de la culture et du patrimoine à intégrer au curriculum de l’école haïtienne. Il s’agit d’une réflexion initiale avec des recommandations qui serviront de guide et fourniront des repères pour la réécriture des programmes détaillés par les équipes de concepteurs/élaborateurs » (« Résumé exécutif » / « Objectif », page 9).

Deuxième observation générale

L’ample confusion constatée entre le curriculum et la mission de l’École haïtienne éclaire pour l’essentiel le fait que ce « Document d’orientation initial » accorde la priorité non pas à la nécessité de l’élaboration du futur et premier énoncé de politique éducative nationale, mais plutôt à l’identification des « éléments-clés de la culture et du patrimoine à intégrer au curriculum de l’école haïtienne ». Cette façon de « mettre la charrue devant les bœufs » exemplifie également une conception « techniciste » du curriculum auquel l’on donne la préséance sur la nécessité de refonder l’École haïtienne dans la perspective d’une école inclusive conformément au « Préambule » et aux articles 5, 32 et 40 de la Constitution haïtienne de 1987.

Troisième observation générale

Une telle conception « techniciste » du curriculum évacue totalement la dimension constitutionnelle de l’éducation telle qu’elle est explicitement consignée à l’article 32 de la Constitution haïtienne de 1987. En voici l’énoncé :

ARTICLE 32 :

L’État garantit le droit à l’éducation. Il veille à la formation physique, intellectuelle, morale, professionnelle, sociale et civique de la population.

ARTICLE 32.1 :

L’éducation est une charge de l’État et des collectivités territoriales. Ils doivent mettre l’école gratuitement à la portée de tous, veiller au niveau de formation des enseignements des secteurs public et privé.

ARTICLE 32.2 :

La première charge de l’État et des collectivités territoriales est la scolarisation massive, seule capable de permettre le développement du pays. L’État encourage et facilite l’initiative privée en ce domaine.

Quatrième observation générale

La conception « techniciste » du curriculum que véhicule le « Document d’orientation initial » abolit l’éducation en tant que droit lié aux autres droits citoyens explicitement définis dans la Constitution haïtienne de 1987 : de la sorte, les obligations régaliennes de l’État haïtien sont abolies et il est invraisemblable qu’un État ainsi débilité soit en mesure de produire un curriculum capable de répondre aux multiples défis de la refondation de l’École haïtienne.

Cinquième observation générale

En plaidant pour l’institution d’« Une approche culturelle neutre et inclusive » du curriculum (page 9), le « Document d’orientation initial » enferme confusément la réflexion dans les filets d’une régressive et chétive conception du rôle et des finalités de la pensée curriculaire : il évacue la dimension politique/régalienne de la transmission des connaissances et des savoirs dans le système éducatif national. La prétendue « approche culturelle neutre » évacue en vain la dimension politique et constitutionnelle de l’éducation telle qu’elle figure explicitement à l’article 32 de la Constitution haïtienne de 1987.

De surcroît, l’on observe que le « Document d’orientation initial » contredit les orientations du Bureau international d’éducation (UNESCO-IBE) qui se lisent comme suit :

« L’UNESCO-IBE définit le curriculum comme une articulation dynamique et transformative des attentes collectives concernant le but, la qualité et la pertinence de l’éducation et de l’apprentissage. L’UNESCO-IBE base son action sur une compréhension du curriculum qui est : systémique, holistique, participatif, inclusif et endogène ». (…) « L’UNESCO-IBE travaille à transformer les programmes d’études et à améliorer les systèmes éducatifs à travers le monde. Pour concevoir et mettre en œuvre les meilleures pratiques, nous collaborons étroitement avec les administrations nationales et régionales ainsi qu’avec les parties prenantes. Notre objectif principal est d’élever les normes, l’efficacité, l’efficience et l’accessibilité de l’éducation pour tous » (site du Bureau international d’éducation (UNESCO-IBE) : « Un siècle de transformation de l’éducation et de l’apprentissage », n.d.).

Sixième observation générale

Le « Document d’orientation initial » plaide pour « Un passage officiel à l’enseignement-apprentissage en créole/et du créole pour une réelle ouverture sur l’endogène / Une des principales spécificités de la culture haïtienne est la langue créole qui nourrit un riche patrimoine socio-culturel. Tel qu’il a été établi par la Réforme Bernard en 1982, l’intégration complète du créole comme langue d’enseignement-apprentissage est une facette essentielle de l’endogénéité du curriculum de l’école haïtienne. Cependant, cette intégration doit se faire de manière méthodique et commencer par de réelles sensibilisations de la population et par la production de matériel didactiques de qualité » (page 10).

Cette séquence du « Document d’orientation initial » charrie plusieurs lourdes carences conceptuelles et un très ample défaut de vision en ce qui a trait à l’aménagement du créole dans l’École haïtienne.

L’emploi du créole langue d’enseignement et langue enseignée n’a pas pour finalité « une réelle ouverture sur l’endogène ». Pareille dénaturation aventureuse de la problématique du créole dans l’École haïtienne exprime un aveuglement institutionnel relativement récent, celui du Bureau international d’éducation (UNESCO-IBE) : nous sommes en présence d’une tentative de crédibilisation d’un nouveau slogan à la mode, « l’endogène », comme si la dimension culturelle apparaissait pour la première fois dans le champ éducatif… (Sur la problématique de la dimension culturelle dans la transmission des savoirs et des connaissances, voir l’étude de Maurice Tardif de l’Université de Montréal et de Donatille Mujawamariya de l’Université d’Ottawa, « Dimensions et enjeux culturels de l’enseignement en milieu scolaire », Revue des sciences de l’éducation, vol. XXVIII, no 1, 2002 ; voir aussi Chené, A., & Saint-Jacques, D. (2005), « La culture à l’école et dans la formation des enseignants » paru dans D. Simard, & M. Mellouki (Éds), L’enseignement. Profession intellectuelle, Presses de l’Université Laval ; voir Côté, H. (2008), « L’intégration de la dimension culturelle à l’école : du discours officiel à celui des acteurs », thèse de doctorat inédite, Université Laval ; voir également Falardeau, É., & Simard, D. (2007), « Rapport à la culture et approche culturelle de l’enseignement », Canadian Journal of Education30(1) ; voir Raymond, C., & Turcotte, N. (2012), « Des pratiques inspirantes pour intégrer la dimension culturelle à l’école », dans Éducation et francophonieXL(2).

L’« ouverture sur l’endogène » –dénaturation aventureuse de la problématique du créole dans l’École haïtienne–, contredit également les préconisations antérieures de l’Unesco qui à maintes occasions a appelé « les pays à mener une politique d’éducation multilingue, préconisant que les enfants reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle dès les premières années de scolarité, pouvant être combiné avec la langue officielle d’enseignement. Cette approche, connue sous le nom d’éducation multilingue, permettrait à la fois de préserver la diversité linguistique tout en aidant les enfants à apprendre ». (…) « Pour aider à combattre la crise mondiale actuelle de l’apprentissage, tout en préservant la diversité linguistique qui est un élément culturel essentiel, l’Unesco (…) encourage les gouvernements à mettre en œuvre une éducation multilingue basée sur la langue maternelle dès les premières années de scolarité », (source : ONUinfo / Unesco, n.d.).

L’idée selon laquelle « (…) l’intégration complète du créole comme langue d’enseignement-apprentissage est une facette essentielle de l’endogénéité du curriculum de l’école haïtienne » est fausse au plan conceptuel et, surtout, elle est factice et aberrante en ce qui a trait à l’aménagement linguistique conformément aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987. Le curriculum de l’École haïtienne doit être rigoureusement élaboré selon les termes du futur et premier énoncé de politique éducative nationale : tel que précisé plus haut, en aucun cas le curriculum ne doit précéder un tel énoncé dont l’École haïtienne est dépourvu depuis la réforme Bernard de 1979 et depuis la co-officialisation dans la Constitution de 1987 des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français.

Septième observation générale

Il est symptomatique et fort instructif que le « Document d’orientation initial » évoque de manière superficielle la réforme Bernard de 1979 sans fournir, à aucun moment, le moindre éclairage sur les acquis et les lacunes de cette première grande réforme du système éducatif haïtien. En mentionnant de manière superficielle la réforme Bernard de 1979, le « Document d’orientation initial » se réclame de cette réforme mais il se limite à l’apparier confusément au slogan de « l’endogénéité du curriculum de l’école haïtienne » comme si une réforme d’une telle ampleur pouvait, au plan conceptuel et programmatique, être enfermé dans ce slogan.

Pareil fourvoiement explique pour l’essentiel que le « Document d’orientation initial » ne promeut aucune réflexion sur le fait que la réforme Bernard de 1979 n’a laissé aucun document de référence majeur sur le curriculum de l’École haïtienne qui puisse, en 2025, être mis à contribution pour élaborer un curriculum subordonné au futur et premier énoncé de politique éducative nationale.

Huitième observation générale

Au chapitre 4.2., « La langue : le créole haïtien » (page 42), le « Document d’orientation initial » expose que « La décolonisation et la décolonialité dans le domaine éducatif en Haïti posent un enjeu crucial : promouvoir une véritable équité linguistique en valorisant le créole, langue maternelle de la majorité des haïtiens.nes. Pour garantir une véritable équité, il est essentiel de publier et de diffuser les savoirs endogènes en créole. Le manque de matériels pédagogiques en créole, le déficit de formation des enseignants et l’absence de cohérence dans les politiques linguistiques freinent cette dynamique. Pourtant, des initiatives comme l’école Matennwa à La Gonâve montrent que l’enseignement en créole améliore non seulement la réussite scolaire, mais aussi l’acquisition d’autres langues, notamment le français ».

Le recours aventureux et abusif à la notion de « décolonialité » dans le domaine éducatif sert de paravent à une ample ignorance de la configuration de la situation linguistique haïtienne et ce recours est assorti d’un soi-disant « enjeu crucial » à courte vue, à savoir « promouvoir une véritable équité linguistique en valorisant le créole, langue maternelle de la majorité des haïtiens.nes ».

L’on observe, d’une part, que depuis la réforme Bernard de 1979 Haïti n’est plus à l’étape de la simple « valorisation » du créole mais bien à celle où il faut impérativement élaborer une politique éducative nationale qui définit et encadre juridiquement l’aménagement du créole aux côtés du français. D’autre part, l’on observe que l’atteinte de l’équité linguistique en aucun cas ne saurait se réduire à ou s’enfermer dans le périmètre étroit de la « valorisation » du créole. Le véritable enjeu est politique et constitutionnel au sens où c’est la politique éducative nationale, la future Loi sur les langues officielles d’Haïti et les règlements d’application qui en émaneront qui sauront garantir l’équité linguistique. Rigoureuse, cette vision politique et constitutionnelle de l’aménagement linguistique se donne à voir dans différents pays où l’aménagement linguistique a fait l’objet d’une législation spécifique ou de dispositions constitutionnelles (l’Afrique du Sud, l’Andalousie, la Belgique, le Burundi, l’Égypte, le Québec, etc.) –voir là-dessus le site Web du sociolinguiste québécois Jacques Leclerc, « L’aménagement linguistique dans le monde », hébergé au CEFAN de l’Université Laval). NOTE – Comme nous le verrons plus loin à la section consacrée à la bibliographie, le « Document d’orientation initial » affiche de lourdes lacunes documentaires et fait l’impasse sur des références majeures… Ainsi le seul livre explicitement consacré aux droits linguistiques en Haïti et en lien direct avec l’équité linguistique est ignoré dans le « Document d’orientation initial » : il s’agit du « Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledoye pou dwa lenguistik ann Ayiti » de Robert Berrouët-Oriol (Éditions Zémès, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, 2018). Sur ce même registre est également ignoré le chapitre consacré aux droits linguistiques dans le livre « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » de Robert Berrouët-Oriol (Éditions de l’Université d’État d’Haïti, Port-au-Prince, et Éditions du Cidihca, Montréal, 2011 ; ce livre a été réédité en 2023 par le Cidihca-France et il comprend la version créole officielle de la Constitution haïtienne de 1987). D’autres références documentaires sont également absentes du « Document d’orientation initial », notamment l’article « Droits linguistiques » et « Droit à la langue » en Haïti, la longue route d’une conquête citoyenne au cœur de l’État de droit », par Robert Berrouët-Oriol, Fondas kreyòl, 14avril 2023. L’impasse est tout aussi flagrante quant à l’article « Ki politik lengwistik pou Ayiti ? » (Le Nouvelliste, 7 juillet 2005). Dans ce texte d’une grande acuité analytique Lyonel Trouillot, romancier, poète et essayiste, appelle entre autres à « Valoriser le créole par des mesures claires et contraignantes ». Avec hauteur de vue, Lyonel Trouillot exprime comme suit sa pensée : « La seule politique linguistique pouvant corriger le déficit de citoyenneté perpétué par la situation linguistique d’Haïti me semble être la construction à moyen terme d’un bilinguisme créole-français pour l’ensemble de la nation. La tentation facile de considérer le français comme une langue étrangère comme une autre, l’anglais par exemple, me semble un refus délibéré de tenir compte d’une donnée fondamentale : la nécessité de préserver la spécificité culturelle de notre État nation dont l’une des composantes est le patrimoine linguistique. Par ailleurs le fait qu’il n’existe nulle part un bilinguisme « parfait » ne constitue pas une objection à la politique que je propose. Il ne s’agit pas d’atteindre la perfection mais de mener une politique équitable assurant un minimum d’égalité de chances et offrant des repères symboliques communs de manière à fonder un sentiment d’appartenance ».

Le « Document d’orientation initial » charrie un lourd déficit de vision lorsqu’il prétend que « Pour garantir une véritable équité, il est essentiel de publier et de diffuser les savoirs endogènes en créole ». L’on observe que l’équité linguistique ne saurait en aucun cas être réduite ou limitée à la diffusion des savoirs endogènes en créole : l’équité linguistique, il faut une fois de plus le préciser, est en lien direct avec l’efficience des droits linguistiques et l’on constate que les rédacteurs du « Document d’orientation initial » ne savent même pas que l’article 40 de la Constitution de 1987 fait obligation à l’État de diffuser tous ses documents dans nos deux langues officielles, le créole et le français. Cette obligation n’est pas respectée par l’État haïtien et la future Loi sur les langues officielles d’Haïti et les règlements d’application qui en émaneront devront définir les mécanismes d’application d’une telle obligation qui revêt une importance majeure sur le registre de l’aménagement linguistique en Haïti.

Par ailleurs, le « Document d’orientation initial » comprend plusieurs autres lourdes lacunes conceptuelles et analytiques en ce qui a trait à l’aménagement du créole. Ainsi il est précisé (page 42) que « Le manque de matériels pédagogiques en créole, le déficit de formation des enseignants et l’absence de cohérence dans les politiques linguistiques freinent cette dynamique » [celle de l’efficience de l’équité linguistique]. Il est également mentionné que « L’aménagement linguistique en Haïti devrait respecter les préceptes de la Réforme Bernard, qui prône depuis les années 80 une approche inclusive et pragmatique pour intégrer le créole dans l’éducation. La publication d’un lexique scientifique en créole [sic], à l’image des travaux de Renauld Govain [sic], illustre une avancée vers l’enrichissement de cette langue. À l’instar du français qui a acquis son statut dans les sciences par l’usage écrit et la pratique, le créole doit évoluer de la même manière. Ainsi, la promotion du créole dans l’enseignement et les sciences n’est pas seulement une question de justice linguistique, mais bien un levier pour le développement socio-économique et culturel d’Haïti ».

L’on observe que le linguiste Renauld Govain n’a publié aucun « lexique scientifique en créole » : il est plutôt l’auteur de l’excellent livre « Les emprunts du créole Haïtien à l’anglais et à l’espagnol » (Éditions L’Harmattan, 2014) issu de ses travaux de recherche. D’autre part, le propos amplement approximatif du « Document d’orientation initial » en ce qui a trait aux lexiques créoles exemplifie la lourde ignorance des rédacteurs de ce document pour l’ensemble de la lexicographie créole haïtienne de 1958 à 2024 (voir l’« Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 », par Robert Berrouët-Oriol, deuxième version, Fondas kreyòl, 27 juillet 2022). Par-delà une généralité toute œcuménique –« la promotion du créole dans l’enseignement et les sciences n’est pas seulement une question de justice linguistique, mais bien un levier pour le développement socio-économique et culturel d’Haïti »–, les rédacteurs du « Document d’orientation initial » se sont révélés intellectuellement limités et handicapés en abordant l’incontournable problématique de la lexicographie créole haïtienne. Pareille lourde ignorance du champ lexicographique créole éclaire la concaténation d’autres registres de l’ignorance, notamment celui de la didactique de la langue maternelle, celui de la didactisation du créole et celui de la néologie créole totalement absents du « Document d’orientation initial ». Il est à cet égard hautement significatif que le « Document d’orientation initial » soit muet sur les quinze contributions spécifiques contenues dans le seul ouvrage collectif de référence entièrement consacré à la didactisation du créole et dont le titre est « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et alii, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021).

Afin de bien situer les enjeux de la didactisation du créole dans la perspective de la refondation de l’École haïtienne, voici le titre des principaux chapitres de ce livre :

–« La néologie scientifique et technique, un indispensable auxiliaire de la didactisation du créole haïtien », par Robert Berrouët-Oriol.

–« Pour une didactique du créole haïtien langue maternelle », par Renauld Govain et Guerlande Bien-Aimé.

–« Créoliser la didactique », par Sylvie Croisy.

–« Des connaissances du texte littéraire créole et d’expression franco-créole à son enseignement : discussions et propositions », par Jean-Durosier Desrivières.

–« Pour un encadrement juridique de la didactisation du créole en Haïti », par Alain Guillaume.

–« La didactisation de l’orthographe créole : une gageure dans l’aménagement linguistique des deux langues dans le curriculum de l’École haïtienne », par Pierre-Michel Laguerre.

–« Vers une approche complémentariste d’une didactisation du créole haïtien ? », par Bonel Oxiné et Frédéric Torterat.

–« La didactisation du créole haïtien : enjeux contextuels et perspectives », par Bartholy Pierre Louis.

–« Sèvi ak lang kreyòl pou anseye literati ayisyen ki ekri an kreyòl », par Hugues Saint-Fort.

–« Eleman entwodiksyon pou yon gramè kreyòl », par Hugues Saint-Fort.

–« La problématique de l’insertion de la langue créole dans le curriculum haïtien », par Charles Tardieu.

–« L’enseignement/apprentissage du créole en Haïti : analyse du projet didactique dans les documents et programmes officiels du ministère de l’Éducation nationale », par Fortenel Thélusma.

–« Sur la diffusion du créole haïtien standard », par Albert Valdman.

–« Créolisation et créoles », par Georges Daniel Véronique.

–« Kondisyon ki nesesè pou edikasyon fèt an kreyòl ann Ayiti », par Lemète Zéphir.

L’on observe par ailleurs que la lourde ignorance du champ lexicographique créole, qui éclaire la concaténation d’autres registres de l’ignorance –notamment celui de la didactique de la langue maternelle, celui de la didactisation du créole et celui de la néologie créole–, a conduit au fil des ans à la survenue d’une « lexicographie borlette » sourde et aveugle au protocole méthodologique de la lexicographie professionnelle. C’est notamment le cas du très mediocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative » ; du « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » (New Jersey Courts, Administrative Office of the Courts, version de juillet 2023) ; du « Haitian-Creole Glossary of Legal and Related Terms » (The University of Arizona Press, 1998) ; du « English Haitian Creole Legal Glossary » de Jean-Robert Cadely et Joelle Haspil (Educa Vision, 1999).

Voici, à titre de références documentaires sur la lexicographie créole haïtienne, quelques titres d’articles que nous avons publiés ces dernières années en Haïti et ailleurs.

Notre première synthèse a pour titre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (journal Le National, Port-au-Prince, 21 juillet 2021). Pour la période 1958 –2022, nous avons répertorié et classé 64 dictionnaires et 11 lexiques, et dans des articles subséquents nous avons complété cet essai par l’évaluation lexicographique de plusieurs ouvrages et plus récemment par le bilan analytique de chacun des trois lexiques anglais-créole du domaine juridique élaborés aux États-Unis et que nous n’avions pas retracé dans notre « Essai de typologie » initial. Sur le registre de l’évaluation des 75 dictionnaires et lexiques créoles publiés entre 1958 et 2022 –évaluation effectuée conformément à la méthodologie de la lexicographie professionnelle–, nous avons fait la démonstration que 11 publications seulement sont des ouvrages scientifiques. De nombreuses publications appartiennent au registre de l’amateurisme et de l’approximatif et plusieurs d’entre elles miment une erratique « modélisation » du travail lexicographique. Voici, à titre indicatif, le listage de quelques références documentaires (des articles) que nous avons publiés au fil des ans sur la lexicographie créole haïtienne dont les débuts remontent aux travaux pionniers de Pradel Pompilus auteur, en 1958, du « Lexique créole-français (thèse complémentaire, Université de Paris).

–Berrouët-Oriol, Robert (2023). La lexicographie créole en Haïti : retour-synthèse sur ses origines historiques, sa méthodologie et ses défis contemporainsFondas kreyòl, 15 décembre.

–Berrouët-Oriol, Robert (2022). Dictionnaires créoles, français-créole, anglais-créole : les grands défis de la lexicographie haïtienne contemporaine Le National, 20 décembre. 

–Berrouët-Oriol, Robert (2020). Le traitement lexicographique du créole dans le « Diksyonè kreyòl VilsenLe National, 22 juin.

 

–Berrouët-Oriol, Robert (2020). Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative Le National, 21 juillet.

 

–Berrouët-Oriol, Robert (2022). Le « Dictionnaire de l’écolier haïtien », un modèle de rigueur pour la lexicographie en HaïtiLe National, 3 septembre.

 

–Berrouët-Oriol, Robert (2022). Toute la lexicographie haïtienne doit être arrimée au socle méthodologique de la lexicographie professionnelleLe National, 29 décembre.

 

–Berrouët-Oriol, Robert (2023). Lexicographie créole : revisiter le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert ValdmanLe National, 30 janvier.

 

–Berrouët-Oriol, Robert (2023). La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette ». Rezonòdwès, 28 mars.

 

–Berrouët-Oriol, Robert (2024). Konprann sa leksikografi kreyòl la ye, kote l sòti, kote l prale, ki misyon li dwe akonpliFondas kreyòl, 5 avril. 

 

–Berrouët-Oriol, Robert (2024). Prolégomènes à l’élaboration de la Base de données lexicographiques du créole haïtienMadinin’Art, 16 avril

Neuvième observation générale

Le « Document d’orientation initial » plaide pour la survenue d’« Une véritable modernisation des contenus et des approches pédagogiques » (page 10) : « Le curriculum révisé va résulter en la production de nouveaux manuels scolaires. Cependant, le curriculum va bien au-delà des manuels scolaires. Il devra également orienter la production de matériel didactique divers. En effet, les enseignants doivent avoir accès à des ressources variées, comme des vidéos éducatives et des outils multimédias, pour enrichir l’apprentissage. Pour chaque champ disciplinaire les contenus doivent être questionnés et revus en adoptant une approche décoloniale. Pour finir, les modalités d’évaluation doivent également évoluer vers des approches pratiques, participatives, et ludiques (projets, travaux en groupe, jeux de rôle, etc.) ».

Sur le registre d’« Une véritable modernisation des contenus et des approches pédagogiques », le « Document d’orientation initial » charrie une monumentale confusion en posant que le curriculum « devra également orienter la production de matériel didactique divers » : confusion entre le rôle programmatique du curriculum et la mission dévolue à la future politique éducative nationale ; confusion également quant aux niveaux d’intervention de l’État régulateur. En aucun cas le curriculum ne saurait « orienter la production de matériel didactique divers » : cette mission doit être explicitée dans « la politique nationale du livre scolaire » issue de la politique éducative nationale en lien avec la future Loi sur les langues officielles d’Haïti et les règlements d’application.

La « modernisation des contenus et des approches pédagogiques » est donc nécessairement et logiquement subordonnée à « la politique nationale du livre scolaire » issue de la politique éducative nationale, et elle doit impérativement prendre en compte l’incontournable didactisation du créole dans tout processus de production de manuels scolaires créoles.

Dixième observation générale

Au chapitre des références documentaires listées aux pages 104 à 106, le « Document d’orientation initial » s’avère chétif, erratique et lacunaire. À la page 44 de ce document figure une information à la fois étonnante et incohérente selon laquelle « Un travail est actuellement en cours sur un glossaire en créole pour les diverses disciplines. Il exige une recherche des éléments lexicaux et une définition des concepts qui est faite avec la Faculté des Langues Appliquées [sic] de l’Université d’État d’Haïti, et qui sera soumis à l’Académie pour le créole haïtien [sic] (AKA) pour une première validation. Une fois la première phase de ce travail terminé, le glossaire sera partagé avec les éditeurs et autres parties prenantes pour être expérimenté et validé dans les régions pour obtenir des inputs de la population et construire un consensus très large ».

L’on observe que les présumés auteurs d’une présumée production lexicographique, dont le titre générique n’est pas spécifié, ne sont pas identifiés : il s’agit, est-il noté, d’« Un travail (…) actuellement en cours sur un glossaire en créole pour les diverses disciplines ». Également, l’on s’étonne que le Bureau international de l’éducation/Unesco fasse mention d’une entité universitaire qui n’existe pas en Haïti : la « Faculté des Langues Appliquées » [sic] de l’Université d’État d’Haïti. Le Centre de linguistique appliquée (CLA) a été fondé en 1978 par le linguiste Pierre Vernet avec le concours de l’Agence universitaire de la Francophonie, l’AUF, et celui de l’Université Paris VIII. Le Centre de linguistique appliquée (CLA) a acquis quelques années plus tard le statut de Faculté de linguistique appliquée, une entité légalement constituée de l’Université d’État d’Haïti. D’autre part, la pieuse et illusoire idée de la soumission du présumé glossaire à « l’Académie pour le créole haïtien » [sic] –l’appellation légale de cette micro-structure est « Akademi kreyòl ayisyen »–, traduit une méconnaissance aveugle de la réalité de certaines institutions nationales haïtiennes qui, dépourvues de vision, de perspectives et de personnel professionnel qualifié, naviguent au gré d’une constante somnolence ponctuée de rituels annuels sans lendemain (voir notre article « L’Akademi kreyòl ayisyen recycle une fois de plus ses vieilles recettes et sectarise son incapacité à aménager le créole » paru en Haïti le 21 février 2025 sur les 17 plateformes régionales du Réseau des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH) ainsi que sur le site du journal Le National publié le même jour en Haïti).

Le « Document d’orientation initial », au chapitre des références documentaires, s’avère chétif, erratique et lacunaire : il fait l’impasse sur des ouvrages et des articles scientifiques majeurs, sur des articles de vulgarisation et sur des publications transversales en lien avec différents aspects de l’aménagement linguistique et du curriculum de l’École haïtienne. En voici un listage non exhaustif.

–Berrouët-Oriol, R. & Saint-Fort, H. (2017). La question linguistique haïtienne / Textes choisis. Éditions Zémès et Éditions du Cidihca.

–Berrouët-Oriol, Robert (2017). Droits linguistiques et droits humains fondamentaux en Haïti : une même perspective historique. Potomitan, 11 octobre.

–Berrouët-Oriol, Robert (2018). Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledoye pou dwa lenguistik ann Ayiti. Éditions Zémès, Port-au-Prince et Éditions du Cidihca, Montréal.

–Berrouët-Oriol, Robert (2020). Le défi de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien. Le National, 8 janvier.

–Berrouët-Oriol, Robert (2021). L’aménagement du créole en Haïti et la réforme Bernard de 1979 : le bilan exhaustif reste à faire. Rezonòdwès, 16 mars.

Berrouët-Oriol, Robert (2023). Droits linguistiques » et « Droit à la langue » en Haïti, la longue route d’une conquête citoyenne au cœur de l’État de droit. Fondas kreyòl, 14 avril 2023.

–Chaudenson, Robert & Vernet, Pierre (1983). L’école en créole : étude comparée des réformes éducatives en Haïti et aux Seychelles. Québec : Agence de coopération technique.

–Dejean, Yves (2001). Créole, école, rationalité. Chemins critiques & Tanbou.

–Fattier, Dominique (2006). Haïti et ses langues : représentations et réalités. Paru dans S. Bouffartigue, C. Chaulet-Achour, D. Fattier et F. Moulin-Civil (dir.), Présences haïtiennes, CRTF et CIIC, Univerité de Cergy-Pontoise.

–Govain, Renauld (2009). Plurilinguisme, pratique du français et appropriation de connaissances en contexte universitaire en Haïti. Thèse de doctorat, Université Paris VIII.

–Govain, Renauld (2013). Enseignement du créole à l’école en Haïti : entre pratiques didactiques, contextes linguistiques et réalités de terrain. Dans F. Anciaux, Th. Forissier & L.-F. Prudent (dir), Contextualisations didactiques. Approches théoriques. Paris : L’Harmattan.

–Govain, Renauld (2014). L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti. Revue Contextes et didactiques no 4 : Grammaires créoles.

–Hazaël-Massieux, Marie-Christine (2002). Prolégomènes à une néologie créole. Revue française de linguistique appliquée 1, vol. VII.

–Ministère de l’Éducation nationale (2000). Aménagement linguistique en salle de classe. Rapport de recherche. Atelier de GrafoPub/MENFP.

–Pierre Louis, Bartholy (2019). Les pratiques de langues en Haïti. Approche sociolinguistique et sociodidactique. Actes de la Journée d’études Le bilinguisme kreyòl-français en Haïti. Collectif Haïti de France, 16 février.

–Pompilus, Pradel (1973). Contribution à l’étude comparée du créole et du français. Éditions caraïbes.

–Saint-Germain, Michel (1989). Analyse de quelques facteurs relatifs au volet linguistique de la réforme de l’éducation en Haïti. Revue éducation canadienne et internationale 18 (2).

–Saint-Germain, Michel (1997). Problématique linguistique en Haïti et réforme éducative : quelques constats. Revue des sciences de l’éducation 23(3).

–Torterat, Frédéric (2009). Quelques éléments de réflexion sur la construction d’une grammaire bilingue créole/français. Dans Politiques linguistiques et enseignements plurilingues francophones : entre langage, pouvoir et identité. Glottopol, juillet.

–Valdman, Albert (2005). Vers la standardisation du créole haïtien. Revue française de linguistique appliquée, no 1, vol X.

(*)Linguiste-terminologue

Conseiller spécial, Conseil national d’administration

du Réseau des professeurs d’universités d’Haïti (REPUH)

Montréal, le 1er mars 2025