Les César 2025 : triomphes, polémiques et engagements

Une célébration du cinéma français

La 50e édition des César, présidée par la légendaire Catherine Deneuve, a été marquée par une grande célébration du cinéma français, couronnant notamment Emilia Pérez de Jacques Audiard avec sept prix. Parmi ces distinctions, le film a remporté celui du meilleur film et de la meilleure réalisation, consolidant Audiard comme un habitué du palmarès. Célébré pour son audace et sa profondeur, Emilia Pérez, une comédie musicale audacieuse sur la transition de genre d’un baron de la drogue mexicain, a été la grande gagnante de la soirée. Cette œuvre a triomphé malgré la polémique entourant son actrice principale, Karla Sofia Gascon, dont des tweets racistes avaient ressurgi, ternissant un peu ses chances aux Oscars. Cependant, la salle a réagi positivement aux récompenses qui lui ont été attribuées, ce qui a prouvé que le talent prime souvent sur les polémiques.

Audiard, qui possède déjà une impressionnante collection de César, a vu son travail salué par ses pairs. L’adaptation du roman de Boris Razon a en effet conquis le jury, s’imposant dans de nombreuses catégories comme la meilleure adaptation, la meilleure musique, le meilleur son, et les meilleurs effets visuels. Le film a également battu la concurrence de L’Amour ouf de Gilles Lellouche et Le Comte de Monte-Cristo de Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, qui ont récolté quelques prix, mais n’ont pas pu rivaliser avec l’ampleur du succès de Emilia Pérez.

Parmi les autres moments forts de la soirée, le César de la révélation masculine a été attribué à Abou Sangaré pour son rôle dans L’Histoire de Souleymane. Ce film, qui aborde le parcours d’un livreur sans papiers, a également remporté le César du scénario original et du montage. L’acteur, qui a émouvant partagé son parcours de vie difficile, est l’un des grands lauréats de cette édition.

La cérémonie a aussi été marquée par des discours politiques, notamment celui de Costa Gavras, qui a reçu un César d’honneur et a rappelé la résistance de la France face aux défis actuels, évoquant la montée de l’extrême droite et les tensions internationales. Rachida Dati, ministre de la Culture, a ainsi évité les critiques acerbes, et la soirée a été globalement marquée par des hommages à la résistance et à l’humanité, bien que quelques interventions plus critiques aient également trouvé leur place, comme celle de Gilles Perret (cf ci-dessous), lauréat du César du meilleur documentaire.

Autre lauréat de la soirée, Karim Leklou a remporté le prix d’interprétation masculine pour son rôle dans Le Roman de Jim, tandis que Maïwène Barthélémy a été couronnée pour sa prestation dans Vingt Dieux, qui a également été sacré meilleur premier film. Ces prix ont ajouté une touche de fraîcheur et d’authenticité à une cérémonie déjà riche en émotion.

Malgré les éclats de joie et de fierté, la cérémonie a eu son lot de moments plus controversés et gênants, avec des sketchs maladroits et des hommages parfois trop sirupeux. Le tout s’est déroulé sous l’œil attentif de la presse et du public, qui, une fois de plus, a vu se déployer toute la complexité du cinéma français : un art qui fait la part belle à la créativité tout en s’engageant parfois dans des débats sociaux et politiques profonds.

La soirée des César, entre succès, polémiques et discours engagés, a donc marqué un tournant pour le cinéma français, reflétant la richesse et la diversité des œuvres qui ont traversé l’année. Pourtant, même à 50 ans, l’Académie des César continue de naviguer entre l’ombre et la lumière, balançant entre tradition et modernité.

Sarha Fauré

Discours de Gilles Perret aux César 2025

…/… je crois que le déterminisme social aurait dû m’empêcher d’être ici devant vous ce soir. Je voudrais aussi remercier toutes les structures, tous les gens qui ont conjuré le sort. Je pense à ma famille, mes filles, je pense au village de Quincy, je pense à l’hôpital public, je pense à l’école publique, je pense à la cotisation sociale, je pense à l’impôt et toutes structures collectives qui nous permettent de faire société.

En tout cas, ce César m’incite à continuer dans la voie que j’essaie de tracer : c’est essayer de rendre visible les invisibles, dans un pays où on tend plus facilement le micro à des milliardaires qui se plaignent plutôt qu’au dix millions de pauvres. Dans un pays où les dirigeants, pour rester en place et pour ne pas contrarier les puissants, préfèrent s’allier à l’extrême droite fasciste plutôt que poser la question du partage des richesses et de la protection de la planète.

Attention, méfions-nous, cette histoire, on la connaît déjà, cette petite musique mortifère, on l’a déjà entendue : c’était celle des années trente où déjà à l’époque on disait plutôt Hitler que le Front Populaire.

Ça va vite, méfions-nous et nous, gens du cinéma, je crois que ce serait bien d’y mettre un peu les pieds, par-ce que, j’ai trop souvent l’impression que dans le monde du cinéma, on regarde parfois trop souvent ailleurs et que la maison brûle et on filme ailleurs.

Voilà, je vous remercie, à la fin, c’est quand même nous qu’on va gagner.

Le palmarès complet de la 50ème édition des Césars

Meilleure actrice : Hafsia Herzi dans Borgo

Meilleur acteur : Karim Leklou dans Le Roman de Jim

Meilleure réalisation : Jacques Audiard pour Emilia Pérez

Meilleur film : Emilia Pérez produit par Pascal Caucheteux, Jacques Audiard, Valérie Schermann, réalisé par Jacques Audiard

Meilleure actrice dans un second rôle : Nina Meurisse dans L’Histoire de Souleymane

Meilleur acteur dans un second rôle : Alain Chabat dans L’Amour ouf

Meilleure révélation féminine : Maïwène Barthélémy dans Vingt dieux

Meilleure révélation masculine : Abou Sangaré dans L’Histoire de Souleymane

Meilleur scénario original : Boris Lojkine, Delphine Agut pour L’Histoire de Souleymane

Meilleure adaptation : Jacques Audiard pour Emilia Pérez

Meilleure musique originale : Camille et Clément Ducol pour Emilia Pérez

Meilleur son : Erwan Kerzanet, Aymeric Devoldère, Cyril Holtz, Niels Barletta pour Emilia Pérez

Meilleure photo :  Paul Guilhaume pour Emilia Pérez

Meilleur montage : Xavier Sirven pour L’Histoire de Souleymane

Meilleurs costumes : Thierry Delettre pour Le Comte de Monte-Cristo

Meilleurs décors : Stéphane Taillasson pour Le Comte de Monte-Cristo

Meilleurs effets visuels : Cédric Fayolle pour Emilia Pérez

Meilleur film de court-métrage d’animation : Beurk ! réalisé par Loïc Espuche, produit par Juliette Marquet, Manon Messiant

Meilleur film de court-métrage documentaire : Les Fiancées du Sud réalisé par Elena Lopez Riera, produit par Sylvie Pialat, Alejandro Arenas Azorin

Meilleur film de court-métrage de fiction : L’Homme qui ne se taisait pas réalisé par Nebojsa Slijepcevic, produit par Noëlle Levenez

Meilleur film d’animation : Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau réalisé par Gints Zilbalodis, coproducteur France Ron Dyens

Meilleur film documentaire : La Ferme des Bertrand, réalisé par Gilles Perret

Meilleur premier film : Vingt dieux réalisé par Louise Courvoisier, produit par Muriel Meynard

Meilleur film étranger : La Zone d’intérêt réalisé par Jonathan Glazer, distribution France Bac Films

César d’honneur : Julia Roberts et Costa-Gavras