Réguler le capitalisme ou travailler à son renversemennt ?

 Le n° 384 de « Révolution Sociliste », journal du GRS —

L’histoire du monde et notre propre expérience nous ont convaincu·e·s de deux choses.

La première : les problèmes de fond que vivent notre peuple et tous ceux du monde ne se résoudront pas dans le cadre du système colonial et capitaliste qui en est la cause principale. Faire remonter le rocher vers le sommet du morne est une activité certes courageuse, mais peu stimulante, sachant que celui-ci redescendra la pente en laissant sur son passage grand nombre de victimes.

La deuxième : passer son temps à psalmodier des visées stratégiques certes justes, mais privées d’objectifs opérationnels tangibles, n’est ni plus efficace ni plus glorieux.

« Seule l’indépendance » (version nationaliste), « Seul le communisme » (version révolutionnaire) permettra de résoudre le chômage, la vie chère, la souveraineté alimentaire etc., etc., etc., ces beaux discours sont inopérants à une échelle de masse.

L’apport fondamental des révolutionnaires russes de 1917, développé dans les quatre premiers congrès de la troisième internationale, puis systématisé dans le programme de transition de la Quatrième internationale, consiste dans une méthode permettant de surmonter les contradictions révélées précédemment.

Cette méthode part de l’idée que ce sont les masses qui écrivent l’histoire. « La politique », disait Lénine dans la grande Russie de l’époque, « commence à partir de millions d’hommes ». Le rôle des minorités d’avant-garde est de trouver le chemin de leur mise en mouvement et donc de leur autoéducation.

Cette mise en mouvement se fait par la définition avec elles, de revendications concrètes dans lesquelles elles se reconnaissent, et dont certaines par leurs logiques propres, tendent à remettre en cause le système dominant, bien plus que tous les discours ronflants mais abstraits.

La différence entre les forces qui veulent simplement réguler le capitalisme, et celles qui veulent le renverser n’est pas dans la fréquence des prêches radicales. Elle est, dores et déjà dans la manière de mener les luttes quotidiennes : cultiver l’entre-soi ou impliquer le plus grand nombre, définir des revendications de type transitoire marquées par l’horizon du pouvoir des masses ou se cantonner à des revendications traditionnelles (même en les gauchissant), favoriser le contrôle de la lutte par la base, ou agir en conclaves bureaucratiques jaloux de leur pouvoir.

Parmi les revendications et propositions faites par nous, à tel ou tel moment, ce n’est pas un hasard, si l’on trouve l’ouverture des livres de comptes des capitalistes, le contrôle ouvrier sur la production et les profits, les prix, les salaires. Tout comme l’expulsion des multinationales de la gestion de biens publics comme l’eau, l’énergie, les transports, l’exploration des possibilités des formes les plus avancées de l’économie sociale et solidaire ou dans un domaine institutionnel la réalisation d’un congrès du peuple sans capitalistes, ni État colonial, l’élection d’une assemblée constituante à la place des manœuvres de couloirs ou des discours abstraits sur l’indépendance ou l’autonomie.

Marcher concrètement en restant ouverts au débat avec toutes les forces attachées à l’idéal de l’émancipation, chez nous et audelà, telle est notre ligne de conduite.

Vie chère : évidences immédiates

Alors que rien n’est encore réglé, l’actualité met en exergue des évidences pour le combat contre la vie chère. En termes de revendications, la confirmation publique, même incomplète, des superprofits de GBH, oblige à exiger que la grande distribution paye, bien au-delà de la simple répercussion des baisses d’octroi de mer.

De même, aux prétextes de l’État pour ne pas mettre en œuvre immédiatement la baisse de la TVA, il serait raisonnable de répondre par la réclamation de la suppression pure et simple de la TVA sur tous les produits de première nécessité. La raison en est simple : la TVA est l’impôt le plus injuste qui soit, puisquil frappe principalement les moins fortunés, obligés de consacrer une partie importante de leurs budgets aux besoins élémentaires de tout être humain. Et, contrairement à l’octroi de mer, l’argent récolté par le paiement de tout le monde va au seul budget de l’État qui le consacre aux cadeaux au grand Capital.

Deux autres évidences font la Une de l’actualité : le délabrement grandissant du service public de la santé rend son coût financier et humain exorbitant. On ne peut soulager les classes subalternes, les plus concernées par les comorbidités, et les moins capables de recourir aux cliniques privées (pardon à LA clinique privée) qu’en s’attaquant sérieusement à la terrible perte de chances, générée par l’état de l’hôpital public.

Enfin, le débat sur les prix de l’essence, du gaz, de l’électricité, revient sur les devants de la scène, et ce sont les mêmes qui en font le plus, les frais.

En conséquence, même si on ne se focalise que sur la question de la vie chère qui étrangle le peuple, les revendications résumées cidessus, s’imposent à tout le mouvement social.

Il est urgent qu’il se concerte enfin, en profondeur. Les tables rondes, les rencontres avec X, Y ou même Z sont une chose. Mais le préalable, si on veut construire un rapport de force, si on veut faire fructifier toutes les luttes menées à l’initiative du RPPAC ou antérieurement, tous les sacrifices consentis (ou subis comme effets collatéraux regrettables), c’est la rencontre sans exclusives du mouvement ouvrier et populaire .

Et le temps presse.