L’héritière de Miriam Makeba dédie "Ève" aux femmes africaines et à leurs luttes. Ce CD convie Lionel Loueke, Asa, des choeurs féminins béninois… Flamboyant
— Par Fara C. —
Avec la participation de dix chœurs féminins du Bénin et du Kenya, Angélique Kidjo, ambassadrice d’Oxfam et de l’Unicef,dédie son treizième album, Ève, à ses sœurs africaines, « à leurs souffrances, leurs luttes, leur beauté qui rayonne de dignité ». L ’ i d é e a germé en elle en 2005, quand l’organisation humanitaire Oxfam lui a demandé de visiter un camp de réfugiés au Kenya. « Il y avait des femmes du Darfour. Quand j’ai entendu leurs témoignages, je n’ai pu m’empêcher, à un moment, d’aller me cacher pour pleurer. Le viol est utilisé comme une arme de guerre. L’une d’elles a été répudiée par son mari, après avoir été kidnappée et violée par des belligérants. Une autre a vu son bébé de deux semaines, qu’elle allaitait, être soudain décapité par un milicien. Le comble de l’horreur. » Sa fondation, Batonga, implantée en divers pays, apporte son soutien à des filles issues des populations défavorisées, à travers le tutorat, l’attribution de bourses, l’amélioration des infrastructures… « Nous les encourageons à aller à l’école malgré leurs difficiles conditions. Si certaines tombent enceintes, il n’est pas question de les virer. Au contraire, elles sont entourées. » À l’instar de l’icône sud-africaine Miriam Makeba, qui la considérait comme son héritière, la chanteuse béninoise dénonce les maux sévissant sur son continent. Somptueux, son disque démarre avec une ancestrale chanson que les femmes d’un village kényan ont enregistrée avec elle, et dont les droits contribuent à financer un programme contre la malnutrition sévère des nouveau-nés. Angélique puise à la richesse culturelle et artistique, encore mal connue, de son pays natal, comme ces cloches séculaires (usitées dans le vaudou) et ces cuivres aux parfums de forêt tropicale joués par le Gangbé Brass Band.
Des arrangements sur mesure
Elle emmène en son sillage une pléiade d’artistes : l’inouï guitariste Lionel Loueke (Béninois établi aux États-Unis, découvert aux côtés de Herbie Hancock), le timbre envoûtant de la Franco-Nigériane Asa, Dr. John et ses claviers qui fl eurent bon La Nouvelle- Orléans, le Kronos Quartet, dont les cordes délient les musiques classique et contemporaine de tout conformisme… L’inspiré Jean Hébrail a cosigné des titres et cousu des arrangements sur mesure. Yvonne Kidjo, la mère d’Angélique, se joint à un bouquet de polyphonies dans une chanson traditionnelle congolaise. « J’avais six ans, quand maman, elle-même artiste, m’a laissé monter sur scène avec elle, je lui dois tant ! » Convié à chanter aussi, Teriba réunit trois descendantes des amazones, légendaires guerrières du royaume d’Abomey, dont certaines combattirent, auprès du roi Béhanzin, les colonisateurs : une manière, pour Angél ique , de perpétuer l a mémoire. À travers un répertoire interprété en français, anglais et plusieurs langues africaines, la vaillante diva exprime son attachement à un panafricanisme, une universalité qui servent la paix. Ainsi est Angélique Kidjo, femme fleuve dont le parcours irrigue, de son inventivité, les vastes terres musicales et humaines traversées, femme fleur à la vénusté naturelle, femme flamme par son engagement incandescent.
En tournée, notamment le 25 avril au Printemps de Bourges et le 14 octobre à la Cigale (Paris). CD Ève (Savoy Records-Caroline- Universal).
http://www.humanite.fr/angelique-kidjo-ou-lengagement-incandescent-519623