— Par Guy Lordinot, ancien député —
Durant la décennie 1950 – il y a trois quarts de siècle – se rendant compte du niveau excessif des prix dans les départements d’Outremer, l’Etat institue une prime de vie chère qu’il évalue à 40% de la rémunération de base des fonctionnaires. Elle est destinée exclusivement aux fonctionnaires de la France hexagonale affectés dans les départements d’Outremer.
De haute et mémorable lutte, les syndicats martiniquais obtiennent son application à l’ensemble des fonctionnaires exerçant dans ces départements.
A ce jour, les salariés du secteur privé, victimes d’une inexplicable discrimination, demeurent exclus de ce dispositif alors que le coût de la vie ne cesse de renchérir.
Aucune des actions menées pour l’obtention d’une baisse des prix, n’a abouti durablement.
L’année 2024 a singulièrement modifié la situation. Constatant l’incapacité des représentants syndicaux et des élus politiques à obtenir de façon durable une diminution des prix, un petit groupe de citoyens anonymes décide de prendre en charge un combat contre la vie chère. Dans ce but il crée une association dénommée RPPRAC. Au mois de juillet, cette association présidée par monsieur Rodrigue PETITOT apparaît sur la scène publique. Elle adresse aux commerçants une mise en demeure qui fixe au premier septembre la date à partir de laquelle, les prix des produits doivent impérativement s’aligner sur ceux de la France hexagonale. La mise en demeure ne produisant aucun effet concret, le RPPRAC entame des actions fortes qu’il conduit seul, refusant le soutien de syndicats ou d’organisations politiques
Ces actions fortes comprennent des manifestations publiques, des entraves à la circulation, des blocages d’hypermarchés. Elles s’accompagnent également d’exactions diverses (incendies de commerces, de voitures particulières, destructions de bâtiments, d’entreprises commerciales…) et même d’émeutes.
Se sentant très concernée par ce combat, la population participe massivement aux manifestations.
Un climat d’insurrection s’installe, faisant naître l’inquiétude et la peur dans le pays. Tétanisés, nos élus, en grande majorité, restent muets alors que leur rôle est d’œuvrer pour le bien commun et de rechercher l’égalité de tous les citoyens au sein de la République.
L’intervention des forces de l’ordre, réclamée notamment par les mêmes élus, parvient à ramener un calme relatif.
Contre toute attente, le Préfet, le Président de la Collectivité Territoriale, les responsables économiques considèrent Rodrigue PETITOT comme un représentant investi par la population. Ils organisent des tables rondes en tenant compte au final des exigences du RPPRAC (publicité des débats par exemple). Objectif de ces tables rondes : trouver des solutions pour une baisse durable des prix. Ce faisant, les autorités politiques, administratives et économiques confèrent au leader du RPPRAC une légitimité incontestable.
Suite à diverses plaintes, la justice intervient et prononce des sanctions contre plusieurs personnes dont le président du RPPRAC, condamné à des peines de prison.
De nombreux élus ainsi que des martiniquais dont les revenus leur permettent de s’accommoder du coût excessif de la vie, s’acharnent contre Rodrigue PETITOT. Ils attendent des juges qu’ils le condamnent à de plus fortes peines de prison.
Ils se trompent gravement d’adversaires.
L’adversaire des Martiniquais c’est indubitablement l’Etat, cet Etat qui n’a pas tenu sa promesse gouvernementale de faire baisser les prix de 20% au premier janvier 2025.
Parallèlement, la position du RPPRAC a évolué ; il accepte et sollicite la présence des élus politiques et des représentants syndicaux dans les actions nécessaires à l’aboutissement de ses revendications.
Dans ces conditions, la signature d’un cessez-le-feu entre les Martiniquais semble s’imposer.
Les profondes divisions entre les Martiniquais favorisent l’inaction du gouvernement alors que, chacun le sait, nos jeunes désertent notre île, que la pauvreté s’amplifie. Cette situation crée une tension de plus en plus palpable qui risque d’atteindre sous peu un niveau intolérable.
Ne nous trompons pas : aujourd’hui le combat pour une Martinique sereine n’est pas un combat contre certains de nos propres enfants, c’est un combat contre cette vie chère que le gouvernement entretient par sa gestion laxiste de la chose publique.
Faisons en sorte que l’Etat qui en a bien conscience, prenne les mesures aptes à résoudre la crise.
Un immense rassemblement de l’ensemble des couches de la population et de toutes les organisations, avec la présence massive et indispensable de nos élus peut puissamment l’y aider.
Il est temps de le reconnaître, la paix sociale est à ce prix.
Sainte – Marie le 30 janvier 2025
Guy LORDINOT
Ancien député