Le suicide de la jeune Marion fut d’abord un fait divers, en 2013, avant de devenir en 2015 un livre écrit par Nora Fraisse, la maman de Marion, puis un film en 2016, enfin une pièce de théâtre en 2022. Le titre du livre (repris pour le film et la pièce) exprime d’abord un sentiment de perte : Marion n’est plus, elle ne dépassera jamais l’âge de 13 ans, celui de sa mort, ses parents ne la verront plus grandir, elle a disparu définitivement dans le caveau où elle est enterrée. Encore faut-il comprendre ce qui s’est passé, quel enchaînement véritablement fatal a pu conduire une jeune adolescente à accomplir l’irréparable ?
Marion 13 ans, pour toujours est présentée comme une pièce d’utilité publique. On ne le contestera pas. Et l’on encouragera même les parents et les professeurs à ne pas manquer les occasions qui se présenteront d’y conduire leurs enfants ou élèves. Le parti de présenter le harcèlement sans le montrer est en effet globalement réussi. On ne verra jamais les collégiens qui s’acharnent sur Marion. On entend seulement leurs mots quand Marion les lit pour nous sur son téléphone. Il y a seulement trois comédiens sur la scène mais qui incarnent plusieurs rôles. Si la jeune Nina Thiéblemont s’en tient à celui de Marion, Valérie Da Mota et Renaud Le Bas jouent la mère et le père ainsi que d’autres rôles (professeur, principal du collège, parent d’élève, etc.). Ce qui impose de jouer sans décor (un seul banc comme accessoire). Le personnage de Marion est évidemment capital. L’autrice du livre (ou ses adaptateurs à la scène) en ont fait une ado bien de son temps, victime certes – et tragiquement – d’un côté, mais capable aussi de sautes d’humeur et de franc-parler. Nina Thiéblemont rend bien visibles toutes les facettes de son personnage.
Le message passe cinq sur cinq : l’élève harcelée, honteuse, hésite à se confier et les parents interviennent souvent trop tard ou pas du tout ; la responsabilité du corps enseignant et des « personnels de direction » (formule consacrée) est écrasante : tous ceux en tout cas qui tournent les yeux au lieu d’intervenir immédiatement et avec toute la fermeté nécessaire.
On aura remarqué que les autorités supérieures de notre pays ont décidé qu’il fallait prendre le problème à bras le corps, elles ont ainsi créé une ligne d’appel téléphonique dédiée et des cellules spécialisées au niveau des rectorats. On ne peut qu’espérer qu’il n’y ait plus d’autres tragédies comme celle de Marion (laquelle, rappelons-le, s’est suicidée à 13 ans comme le laisse entendre le titre). On ne saurait cependant oublier que cet objectif ne sera pas atteint sans le rétablissement d’une discipline aujourd’hui bien affaiblie. Personne n’ignore le drame des professeurs abandonnés devant certaines classes devenues carrément « hors de contrôle » où l’objectif principal n’est plus d’enseigner mais d’obtenir un minimum de calme !
Marion 13 ans, pour toujours, texte de Nora Fraisse et Jacqueline Rémy, adapté par Frédéric Andrau et Valérie da Mota, M.E.S. Frédéric Andrau, Fort-de-France, Théâtre Municipal, 5 au 7 décembre 2024.