« Nous sommes la nature ! » : pour une écologie décoloniale et la liberté des peuples

« Nous sommes la nature ! : Écologie, colonialité et liberté des peuples » est un ouvrage qui fusionne écologie, décolonisation et réflexion sur la souveraineté des peuples, particulièrement ceux des territoires d’outre-mer. Ce livre, coécrit par Marcellin Nadeau, militant anticolonialiste et ancien maire du Prêcheur (Martinique), et Pascal Margueritte, ancien journaliste, est une réflexion approfondie sur les défis environnementaux et sociaux auxquels sont confrontées les Antilles françaises, mais aussi sur les pratiques écologiques à l’échelle mondiale.

L’écologie décoloniale : une nouvelle vision du monde

Les auteurs s’inscrivent dans la mouvance de l’écologie décoloniale (ou « écologitude »), un courant qui critique l’éco-colonialisme. L’éco-colonialisme désigne une approche de l’écologie qui, tout en se présentant comme protectrice de la nature, occulte souvent les réalités des peuples colonisés et des territoires historiquement dominés par l’Occident. Au contraire, l’écologie décoloniale proposée par Nadeau et Margueritte prône une réconciliation entre l’homme et la nature, où les peuples autochtones et les populations des anciennes colonies occupent une place centrale. Ces concepts sont théorisés à partir de l’expérience politique et de terrain de Marcellin Nadeau, ancien maire du Prêcheur, qui a mené plusieurs luttes environnementales locales.

Des solutions innovantes pour les territoires colonisés

L’ouvrage explore des notions nouvelles comme le « désenveloppement » (opposé au développement classique axé sur la croissance économique), la « démobilité » (réflexion sur une société moins dépendante de la mobilité et du transport), et le « ménagement territorial » (conception alternative de l’aménagement du territoire, privilégiant la durabilité et le respect de l’environnement). Ces concepts visent à repenser notre rapport à la nature et à la modernité, en particulier dans les régions frappées par la pollution (notamment celle du chlordécone dans les Antilles) et les catastrophes écologiques liées au changement climatique.

L’exemple du chlordécone, un pesticide extrêmement toxique qui a contaminé les sols, les eaux et toute la chaîne alimentaire de la Guadeloupe et de la Martinique, est l’un des principaux moteurs de réflexion dans le livre. Les auteurs soulignent l’ampleur de cette catastrophe écologique et sanitaire, avec des conséquences dramatiques sur la santé des populations locales (95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais sont contaminés). L’ouvrage propose non seulement un diagnostic sévère mais aussi des solutions politiques et environnementales alternatives, en réponse à une forme de « tyrannie de l’indifférence » des autorités métropolitaines, qui ignorent les spécificités des îles et leur lutte pour la survie de leurs écosystèmes.

Un appel à la réparation et à la souveraineté

Les auteurs ne se contentent pas de dénoncer, ils appellent à la réparation des injustices historiques et écologiques infligées aux peuples insulaires. Ils mettent en avant la nécessité de redonner aux peuples des Antilles leur souveraineté et leur autonomie, tant politique qu’environnementale. Dans cette optique, le livre plaide pour une approche de la nature où l’homme et l’environnement sont indissociables, et où l’écologie ne se limite pas à des mesures de protection des espaces naturels, mais doit intégrer les réalités sociales, économiques et culturelles des populations locales.

La réflexion des auteurs dépasse le cadre insulaire, car l’écologie décoloniale est, selon eux, une démarche universelle qui doit être mise en œuvre partout dans le monde. Cette perspective s’adresse à tous les peuples confrontés à l’héritage du colonialisme et aux conséquences du dérèglement climatique.

Inventer de nouveaux modèles

« Nous sommes la nature ! » se veut un cri de ralliement pour une écologie qui réconcilie l’homme et la nature, loin des logiques coloniales. À travers l’expérience de Marcellin Nadeau, l’ouvrage propose des pistes concrètes pour repenser les modèles économiques et sociaux des territoires d’outre-mer et, au-delà, du monde entier. Il appelle à une prise de conscience collective sur les injustices environnementales et sociales, et à la mise en place d’une véritable écologie décoloniale, capable de restaurer la dignité et la liberté des peuples tout en protégeant la planète.

Sabrina Solar

Caractéristiques techniques
Éditeur(s) Idem
Auteur(s) Pascal Margueritte, Marcellin Nadeau
Parution 03/09/2024
Nb. de pages 538
Format 11 x 18
Couverture Broché
Poids 456g
EAN13 9782364300729