« La vie des esclaves en prison. La Réunion, 1767-1848. » de Bruno Maillard, Prix Littéraire Fetkann-Maryse Condé 2024

Le Prix Littéraire Fetkann-Maryse Condé 2024, catégorie « Recherche », a été décerné aujourd’hui à Bruno Maillard pour son ouvrage La vie des esclaves en prison. La Réunion, 1767-1848. Cette distinction, remise au Café de Flore à Paris, honore un travail de recherche rigoureux, soutenu par un jury composé d’éminents historiens. Le lauréat exprime sa grande joie, d’autant plus que sa sélection s’est faite parmi des ouvrages d’une qualité scientifique remarquable.

Le Prix Fetkann-Maryse Condé, dont le nom évoque la « fête de la canne », symbolise la mémoire de l’esclavage et du combat pour la liberté. Il est un vecteur important pour la reconnaissance des tragédies de l’histoire, et vise à renforcer la cohésion sociale à travers une meilleure connaissance des événements qui ont marqué les communautés issues de l’esclavage.

Dans La vie des esclaves en prison, Bruno Maillard livre une analyse inédite du système carcéral à La Réunion, en se concentrant sur la période 1767-1848. S’appuyant sur des archives inédites, l’auteur dévoile les conditions de vie des esclaves dans les prisons coloniales, un aspect souvent négligé de l’histoire de l’esclavage. Son ouvrage met en lumière l’exploitation systématique des détenus, soumis à des travaux épuisants, à des conditions de vie dégradantes et à des rapports violents avec les gardiens. À titre d’exemple, Maillard retrace l’histoire de l’esclave Télémaque, emprisonné en 1821 à Saint-Denis pour s’être échappé de la geôle. L’extrait suivant illustre la dureté de ces conditions :

« Le 13 décembre 1821, Pierre Dejean, juge d’instruction en poste à l’île Bourbon, procède dans son cabinet à l’interrogatoire du nommé Télémaque, un esclave. Le procès-verbal rédigé par le greffier décrit le prévenu comme « malgache, noir de pioche, dont l’âge est estimé à trente ans, appartenant au sieur Henry ». Quels sont les faits qui lui sont reprochés ? Télémaque s’est évadé de la geôle de Saint-Denis, chef-lieu de la colonie, le 8 novembre 1821. Il a certes bénéficié de la complicité active de plusieurs autres esclaves détenus eux aussi : Sylvain, Hector, Cyrile et surtout François et Gabriel. »

Plus encore, il restitue la résistance des esclaves, qui, malgré l’enfermement, parvenaient à préserver leur dignité et leur identité. Bruno Maillard explore également les « tactiques d’accommodement » développées par les esclaves incarcérés pour subvenir à leurs besoins vitaux, préserver leurs droits fondamentaux et, parfois, retrouver leur liberté.

Docteur en histoire et membre du conseil scientifique de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, Bruno Maillard contribue ainsi à éclairer un chapitre méconnu de l’histoire de l’esclavage, en proposant une analyse nuancée et essentielle. À travers ce travail, il rend hommage à l’humanité des esclaves, souvent réduite au silence par les institutions de l’époque.

Le lauréat poursuivratrès certainement son engagement envers la diffusion de cette précieuse mémoire historique en présentant son ouvrage dans plusieurs lieux.

Et pourquoi pas en Martinique ?

Hélène Lemoine