Jeudi 28, Vendredi 29 Samedi 30 novembre à 19h30 au T.A.C.
Le théâtre a toujours été un lieu où la réalité se mêle à l’imaginaire, où les illusions prennent forme pour interroger notre compréhension du monde. Mais quand ces illusions se transforment en contre-vérités, que reste-t-il de notre capacité à penser ? Cette question, fondamentale pour l’art et le théâtre, est soulevée par Jacques Mougenot dans L’affaire Dussaert, une conférence théâtrale qui plonge le public dans les profondeurs d’un scandale artistique où le vide devient une œuvre.
À travers cette performance, Mougenot nous entraîne dans l’histoire d’un peintre français, Philippe Dussaert, dont l’œuvre a fait basculer le monde de l’art contemporain. Dussaert, ce créateur du « vacuisme », un mouvement artistique aussi énigmatique que son nom, a choisi de repousser les frontières de l’art traditionnel en sculptant le vide, en peignant l’absence. Un geste radical, qui a secoué les certitudes du marché de l’art et des institutions culturelles, au point de menacer les fondements mêmes du système artistique.
En nous présentant l’affaire Dussaert, Mougenot s’attaque à la vacuité du discours sur l’art contemporain. Son exposé semble d’abord n’être qu’une conférence académique, mais peu à peu, l’ironie et la satire se glissent dans ses propos, dévoilant les dérives et la spéculation qui dominent aujourd’hui le monde de l’art. Ce qui commence comme une enquête sur la disparition progressive de l’œuvre devient une réflexion acerbe sur la valeur, l’esthétique, et la sincérité de l’art contemporain. Mougenot, par le biais de son personnage de conférencier, nous fait voir l’invisible, ce qui échappe aux regards habituels, et nous incite à questionner nos propres rapports à l’art.
L’un des aspects fascinants de cette conférence réside dans la manière dont Mougenot manipule le public. Le comédien capte rapidement l’attention, en jouant avec nos attentes, nos connaissances limitées de l’art contemporain, et en nous plaçant dans une situation d’incertitude. Cette tension, née de l’interrogation sur ce qu’il convient de considérer comme une œuvre, nous plonge dans une introspection où l’absurde côtoie le sublime. Les jeux de mots, parfois faciles, parfois subtils, sont autant d’outils pour déconstruire les discours artistiques établis, nous forçant à regarder l’art sous un angle nouveau.
Mais L’affaire Dussaert n’est pas seulement une critique de l’art. C’est aussi une réflexion sur le théâtre lui-même. Le personnage de Jacques Mougenot, à la fois enquêteur et narrateur, nous invite à une double lecture : celle de l’art et celle du théâtre, où chaque mot prononcé devient un élément de manipulation. Car, comme le dit Cocteau, « l’art est un mensonge qui dit la vérité », et Mougenot nous montre à quel point le théâtre, comme l’art, peut se jouer de nous pour nous amener à comprendre des vérités inconfortables.
Au final, l’affaire Dussaert, cette conférence qui nous dévoile les dessous du vacuisme, est bien plus qu’une simple satire. Elle nous invite à repenser la place de l’art dans notre société, à questionner ses valeurs, ses dérives, et à confronter nos certitudes. Si la conférence semble parfois absurde, elle est aussi un miroir tendu devant nous, nous montrant à quel point nous sommes prêts à accepter l’impossible au nom de l’esthétique et du marché. Et c’est là toute la force de Jacques Mougenot : nous faire rire et réfléchir en même temps, nous interroger sur nos propres illusions.
À travers cette pièce, il ne s’agit pas seulement de se moquer de l’art contemporain, mais de révéler ses mécanismes, de pointer du doigt la manière dont l’invisible, le vide, peuvent être vendus comme des œuvres. En nous invitant à questionner ce que nous considérons comme de l’art, Mougenot ouvre une brèche dans le monde fermé du marché de l’art contemporain, un monde où l’absurde et l’imposture se mêlent à l’ambition artistique. Et peut-être, au fond, que c’est cela, l’essence même de l’art : nous faire voir ce que nous ne pouvons pas voir, nous inviter à douter, à chercher, à comprendre ce qui échappe à nos certitudes.