L’île des ombres / L’île du conflit
J’étais là, seul, sur cette plage déserte, assis sur le sable blanc de mon Île natale. Mon regard essayait en vain de capturer l’étendue d’un bleu azur de la Mer des Caraïbes qui semblait envahir tout l’horizon. Un soleil ardent m’authoctonisait la peau et même mes yeux, mais mon âme était bien loin de mon corps, je ne ressentais rien, j’étais ébahi, dans une transe qui me paralysait. Comment un paradis terrestre avec une nature si riche peut-être si destructive? Qu’est-il arrivé à ce peuple qui a pu causer cette cassure socio-politique? Tout d’un coup, au coin de mon oeil, je vis un petit lézard vert qui me regardait. C’est alors que j’ai repris mes sens, et que j’ai éprouvé un malaise. Je mis mon chapeau de paille sur la tête et me mis à boire de l’eau. Le petit lézard s’approcha de moi sans aucune crainte, je me baissai, en lui offrant ma main, et il sauta dessus. Je me redressai, et lui parlai tout bas. Il me regardait déconcerté essayant de comprendre ce que je disais. Après un moment, il sauta de ma main sur le sable et disparut.
Je regardai la Mer une fois de plus, et compris que cette Île à trois nom, était une allégorie pour expliquer le conflit entre l’humanité et la civilisation. Une hostilité mortelle entre la moralité et le désir. Un affrontement entre la tolérance et l’avidité, depuis la nuit des temps! Mon Île: Haïti n’était que la scène où devait se jouer cette tragique fatalité. Mon peuple n’a jamais su créer une union, n’a jamais eu une fraternité, n’a jamais cru à l’égalité, donc n’a jamais pu avoir une liberté. Nous avons vécu un symbole trompeur qui nous a fait croire à un idéal qui n’a jamais existé. Nous sommes la métaphore de l’antagonisme entre l’humanité et la civilisation!
Jean-Bernard Bayard
« La Citadelle Laferrière »
En grimpant le Bonnet-à-L’Evêque à dos d’âne, nous pouvions déjà admirer la massive, imposante, majestueuse Citadelle la huitième merveille du monde. Le chemin était tortueux, pourtant les paysans qui nous accompagnaient n’avaient aucune peine à gravir ce difficile terrain, ils étaient chez eux. Nous les cinq frères suivions le guide, et papa et maman sur des mules qui se trouvaient derrière nous. Comme papa était officier de l’armée, il y avait à la fin de ce convoi, un officier subalterne, et des soldats. En pénétrant le grand portail de la Citadelle Laferrière, je tressaillis, je me sentis envahi des esprits de ces ancêtres qui occupèrent cette enceinte quand on la bâtissait de 1811 à 1820. La sensation était bouleversante, et je regardai mes frères qui me firent savoir qu’ils avaient éprouvé la même vibration. Quand je me retournai pour regarder mes parents, ils avaient tout les deux un grand sourire, comme pour me dire que c’était normal.
Nous sommes restés sur les lieux durant quatre heures à visiter les galeries de cannons, le tombeau du roi, les écuries, l’infirmerie, les dortoirs et autres. Il était cinq heures de l’après midi quand nous répriment la route du retour, et mes frères et moi ne pouvions nous arrêter de parler de notre aventure. Arrivés au Cap où mon papa était commandant du département du Nord, le temps de prendre une douche, et de s’habiller, nous étions déjà à table pour le souper. La conversation fut très animée, papa et maman essayaient de mieux répondre à toutes nos questions qui sortaient à une vitesse vertigineuse. Je puis vous dire que je n’oublierai jamais ce moment de ma jeunesse quand j’ai pu communier avec mes ancêtres.
Jean-Bernard Bayard