Quincy Jones, producteur, compositeur et arrangeur de génie, est décédé le 3 novembre 2024 à Los Angeles, à l’âge de 91 ans. Son nom restera indissociable de l’histoire de la musique moderne, notamment grâce à son rôle déterminant dans la production de l’album Thriller de Michael Jackson, l’un des plus grands succès commerciaux de tous les temps. Mais la carrière de Quincy Jones dépasse largement ce projet emblématique, tant il a marqué de son empreinte l’ensemble des genres musicaux, du jazz à la pop, en passant par la soul et la musique de film.
Né à Chicago en 1933, Quincy Delight Jones Jr. a grandi dans un environnement modeste. Son père, joueur de baseball, et sa mère, qui souffrait de schizophrénie, ont eu une vie difficile, ce qui a poussé la famille à déménager plusieurs fois avant de s’établir à Seattle. C’est dans cette ville que le jeune Quincy fait ses premiers pas dans la musique. Influencé par la scène jazz locale et soutenu par des figures comme le trompettiste Clark Terry, il se lance d’abord dans la trompette, avant de suivre des études au Berklee College of Music à Boston. Très tôt, son talent de compositeur et d’arrangeur est reconnu, et il intègre rapidement des formations de jazz, dont le big band de Lionel Hampton, qui lui permet de se faire un nom.
À la fin des années 1950, Quincy Jones quitte les scènes de jazz pour s’impliquer dans la production de disques et dans l’industrie cinématographique. Sa polyvalence et son habileté à jongler avec différents genres musicaux, tout en apportant une touche d’innovation dans chaque projet, le propulsent sur le devant de la scène. Dans les années 1960, il compose des musiques de films qui deviendront des classiques, comme Dans la chaleur de la nuit (1967), et il travaille avec des artistes légendaires du jazz, dont Ray Charles, Sarah Vaughan et Count Basie. Cette période marque aussi ses premières incursions dans la musique pop, avec la production de titres emblématiques, comme It’s My Party de Lesley Gore en 1963.
Mais c’est dans les années 1970 que Quincy Jones commence à forger son propre style, mêlant le jazz à des influences funk et soul, avec des albums comme Walking in Space (1969) et Smackwater Jack (1971). À cette époque, il fonde également son propre label, Qwest Records, et développe des projets aussi ambitieux qu’éclectiques, qu’il soit en tant que compositeur, arrangeur ou producteur. Après une pause due à une rupture d’anévrisme en 1974, il revient sur le devant de la scène avec l’album Off the Wall de Michael Jackson en 1979, qui marque le début d’une collaboration fructueuse.
La véritable consécration de Quincy Jones survient avec Thriller en 1982. L’album, dont il est le producteur principal, devient l’un des plus vendus de l’histoire de la musique, avec des titres comme Billie Jean, Beat It et la chanson éponyme, qui s’imposent comme des classiques instantanés. Ce succès mondial propulse également Quincy Jones sous les projecteurs, le consacrant comme l’un des producteurs les plus influents de sa génération. Son travail sur Bad (1987) et d’autres projets avec Jackson confirme son statut de maître de la production musicale.
Outre son travail avec Michael Jackson, Quincy Jones est responsable de nombreux autres projets marquants dans les années 1980. Il produit l’album Give Me the Night de George Benson, réalise la célèbre chanson caritative We Are the World (1985), qui réunit des dizaines d’artistes pour la cause de la famine en Afrique, et signe des albums sous son propre nom qui mélangent jazz, soul et hip-hop, comme Back on the Block (1989). Son travail durant cette période est récompensé par plusieurs Grammy Awards, consolidant encore un peu plus son influence.
Dans les décennies suivantes, Quincy Jones continue d’être une figure incontournable de l’industrie musicale, en tant que producteur, arrangeur, et mentor pour de nombreux artistes. Il se consacre également à diverses œuvres caritatives, notamment à travers sa Quincy Jones Listen Up Foundation, tout en restant actif dans la gestion de ses entreprises, qui comprennent des investissements dans la musique, la télévision et le cinéma.
Si son rôle de producteur de Thriller reste l’instant le plus emblématique de sa carrière, l’héritage de Quincy Jones ne se résume pas à ce seul exploit. Son œuvre vaste et diversifiée, qui couvre plus de six décennies de musique, a fait de lui l’une des figures les plus respectées et admirées de l’histoire de la musique, un homme capable de façonner et de redéfinir les genres, tout en restant fidèle à son amour pour la musique et son sens de l’innovation. Il laisse derrière lui un héritage musical inégalé et une influence qui continuera de marquer les générations à venir.
Hélène Lemoine