— Par Jean Samblé —
Le groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale a soumis une proposition de loi destinée à mettre en œuvre des mesures d’urgence face à la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires ultramarins. Cette proposition sera examinée en séance lors de la niche parlementaire prévue le 12 décembre.
La proposition de loi portée par le groupe Socialistes et apparentés vise à répondre à une problématique sociale et économique majeure dans les territoires ultramarins : la « vie chère ». Ce phénomène, qui perdure depuis des décennies, se manifeste par des prix de consommation, notamment dans les secteurs de l’alimentation, du logement et des services, qui sont largement supérieurs à ceux pratiqués en métropole. Les habitants de ces territoires, en particulier ceux de la Martinique, expriment leur colère face à cette situation, exacerbée par des mobilisations citoyennes récentes, souvent marquées par des violences inédites.
Contexte et Diagnostic
Depuis plus de deux mois, la Martinique connaît une mobilisation citoyenne intense, illustrant un profond malaise face à une cherté de la vie devenue insoutenable. Les écarts de prix sont alarmants : en moyenne, les prix dans les départements d’Outre-mer sont 10 à 15 % plus élevés qu’en métropole, avec des disparités particulièrement prononcées dans l’alimentation, où les hausses atteignent jusqu’à 42 %.
Ce constat alarmant s’accompagne d’une réalité sociale préoccupante : la pauvreté, notamment la grande pauvreté, y est 5 à 15 fois plus fréquente qu’en France hexagonale. Les citoyens ressentent une injustice criante face à un système économique qui privilégie les intérêts des grandes entreprises au détriment des consommateurs et des petites et moyennes entreprises locales, souvent écrasées par des pratiques monopolistiques.
Objectifs de la proposition de loi
La proposition de loi se décline en plusieurs articles, chacun visant à adresser des problématiques spécifiques :
1. Régulation des prix (Article 1) : L’article propose de modifier l’article L. 410-5 du Code de commerce afin d’instaurer un « bouclier qualité-prix » garantissant que les prix des biens de première nécessité et de consommation courante soient alignés sur ceux pratiqués en métropole. Les observatoires des prix, des marges et des revenus seront pleinement intégrés aux négociations, assurant que tout accord conclu au terme de ces discussions soit respecté. En cas d’absence d’accord un mois après l’ouverture des négociations, le préfet sera chargé de réglementer les prix en s’appuyant sur les tarifs les plus bas observés en métropole.
2. Transparence financière (Article 2) : Cet article vise à renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne publient pas leurs comptes, permettant ainsi une meilleure surveillance des pratiques commerciales. Cela est crucial pour lutter contre le secret des affaires, qui entrave la compréhension des mécanismes de formation des prix et des marges, et pour garantir la transparence nécessaire à une véritable concurrence. La proposition de loi prévoit de renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne publient pas leurs comptes (une astreinte qui serait de l’ordre de 1 % de leur chiffre d’affaires mondial par jour)
3. Contrôle des concentrations économiques (Article 3) : La proposition abaisse le seuil de contrôle des concentrations à 5 millions d’euros pour tous les secteurs économiques. Cela permettra aux autorités de concurrence d’examiner plus rigoureusement les opérations de fusion et d’acquisition, empêchant ainsi la constitution de positions dominantes. Par ailleurs, toute création ou extension d’un magasin de commerce de détail supérieur à 300 mètres carrés devra faire l’objet d’une autorisation d’exploitation, garantissant ainsi une régulation en amont des dynamiques commerciales.
Pour un véritable émancipation économique et sociale
La proposition de loi s’inscrit dans une volonté de rupture avec les politiques passées qui ont échoué à protéger les populations ultramarines des abus économiques. Elle appelle à une prise de conscience collective concernant la nécessité d’une régulation plus stricte des pratiques commerciales, dans un contexte où l’urgence sociale ne peut plus être ignorée. Les enjeux ne se limitent pas à la simple lutte contre la vie chère : ils touchent à la justice sociale, à la cohésion des territoires et à la capacité des populations à vivre dignement. En adoptant cette loi, l’État s’engagerait à œuvrer pour une véritable émancipation économique et sociale des territoires d’Outre-mer, favorisant ainsi un climat de confiance renouvelé entre les citoyens et leurs institutions.