Protocole contre la vie chère et neutralisation du RPPRAC : de la bataille de la rue à la guerre médiatique !

Nouveau couvre-feu jusqu’au 28 octobre de minuit à 5h

— Par Jean-Michel Salmon(*) —

Dans toute lutte de l’establishment contre un mouvement social, la répression du mouvement dans la rue va de pair avec la guerre médiatique contre sa position et ses actions. On voit alors les médias se transformer souvent en vecteurs de propagande, insistant lourdement sur les conséquences négatives des actions militantes, tandis qu’ils enjolivent les éléments de réponse fournis par l’establishment.

La Martinique ne fait pas exception : depuis la signature du protcoole, les médias audiovisuels locaux ont fait la part belle aux signataires de l’accord, qui se font les VRP de luxe de leur produit.

Hier soir dimanche 20 octobre Eddie Marajo sur ATV a reçu Alexandre Ventadour (Président e deux Commissions de la CTM, Président de Martinique Développement) dans son émission hebdomadaire « Politiquement incorrect », où il a très politiquement-correctement souligné à de nombreuses reprises « l’agilité » de Letchimy et à quel point « c’est super » d’avoir fait passer tant de sujets dans le protocole. Très surjoué.

Ce lundi 21 au matin matin Cédric Catan sur RCI a reçu Stéphane Hayot lui-même, qui a donc enfreint la devise de son père Bernard : « le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit« , et qui sans surprise a attribué la cherté de vie exclusivement à l’éloignement et l’insularité, tout en réaffirmant que la baisse des prix ressort de la responsabilité de l’Etat et des moyens qu’il y mettra. Toujours la même logique séculaire de la caste : s’enrichir sur le dos du contribuable hexagonal/européen.

Déjà samedi 19 octobre c’était Claude Larcher (Président de l’AMPI) au journal du soir de Martinique 1ère, qui a cité « les 4 points » pour faire baisser les prix : 1. octroi de mer, 2. TVA, 3. continuité territoriale (fret), 4. prix exports des fournisseurs. Au passage, il a carrément oublié les marges de la chaîne logistique jusqu’aux grands distributeurs !! Lapsus on ne peut plus révélateur. Et pour cause, les taux de marge sont gelés, ce dont les élus se félicitent, tellement il était craint que les baisses de taxes ne soient pas répercutées par la grande distribution sur le prix final. Victoire à la Pyrrhus ! Car les taux de marge se retrouvent donc légitimés par la classe politique à leur niveau accumulé excessif tout au long de ladite chaîne logistique. Et l’on sait bien dans quelles mains cette chaîne est.

Kitan yo pa kay pran moun pou kouyon anko ?

La propagande bat donc son plein. A qui le tour ? Le préfet ? Le ministre ? Un économiste ou un politologue qui va dans le (soi-disant) « bon » sens ?

Et les journaux d’insister lourdement sur les conséquences négatives du mouvement : Activités nocturnes (restaurants, bars, spectacles…) stoppées par le couvre-feu, touristes qui se détournent déjà de la destination Martinique, jusqu’aux pneus qui sont tous impactés par les stigmates des échaufourrés…

Une belle exception à cette règle du politiquement correct (pro-establishment) toutefois : France-Antilles dans son édition du week-end consacré à la crise de la vie chère a courageusement publié une interview de Glawdys Roger du RPPRAC et surtout un article sur les « tensions identitaires » signé par Antoine Boyer et qui met les pieds dans le plat au sujet des méthodes et des pratiques des békés, chose suffisamment rare dans un grand média local pour être soulignée.

L’exception qui confirme la règle ?

(*)Maître de conférences en économie, Faculté de Droit et d’Économie de la Martinique, expert des petites économies insulaires.

Le 21 octobre 2024

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Communiqué de la CGTM

Mercredi 16 octobre 2024, à l’issue de la 7ème Table Ronde à la CTM, un document intitulé « PROTOCOLE D’OBJECTIFS ET DE MOYENS : LUTTE CONTRE LA VIE CHÈRE », a été signé. Y figurent les signatures : du Président du Conseil Exécutif (PCE) de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), du préfet qui représente l’Etat, à côté de celles des responsables et profiteurs de la vie chère : les représentants de la Chambre de Commerce, de la CMA CGM, du Grand Port Maritime, de différents représentants de la classe capitaliste locale (Medef, CPME, …). Des élus (sénateurs, députés, maires) ont également tenu à apporter leur caution en apposant leurs signatures sur ce simulacre d’accord, sans valeur juridique, ni caractère contraignant. Son seul mérite est de donner entière satisfaction aux grands distributeurs qui ont la garantie de pouvoir continuer à se gaver tranquillement en laissant la charge à la CTM et à l’Etat. C’est pour cette raison que les profiteurs se sont empressés d’y apposer leurs signatures. CE PROTOCOLE EST TOUT SIMPLEMENT SCANDALEUX.

Les représentants de l’association RPPRAC, qui étaient déjà d’accord avec 24 points sur 26, ont refusé de parapher le texte final, car n’incluant pas la totalité des produits alimentaires comme ils le demandaient.

Ce « protocole », qui curieusement reprend des propositions du Groupe Bernard HAYOT (GBH) faites il y a plusieurs mois, est un marché de dupes conclu contre nos intérêts de travailleurs, de privés d’emploi, de retraités, de victimes de conditions de travail dégradées, de bas revenus. C’est une insulte à notre dignité.

C’est notre travail, l’exploitation dont nous sommes victimes, les bas salaires que nous percevons et nos conditions de travail dégradées qui ont permis à ces capitalistes de la grande distribution de bâtir ces fortunes qu’ils étalent sans honte et sans vergogne.

Et la vie chère ne se limite pas qu’aux secteurs des produits alimentaires et pharmaceutiques. Loisirs, énergie, téléphonie, billets d’avion, matériaux de construction, maintenance automobile, loyers, … : aucun secteur n’est épargné. C’est la même situation qui prévaut. Tous les produits sont chers et les hausses ne connaissent jamais de pause ou de ralentissement.