Escalade de violences et barrages en Martinique, symptômes d’une profonde crise sociale

Vers un accord pour apaiser la crise? Des négociations sous tension!

Depuis 48 heures, la Martinique se retrouve plongée dans une tourmente sociale sans précédent, marquée par une escalade de violences. Les forces de l’ordre peinent à maintenir l’ordre sur l’île, alors que des barrages se dressent et se redressent sur plusieurs axes majeurs. Le sud de l’île est particulièrement touché, notamment autour de Rivière-Salée où les automobilistes doivent faire face à des routes encombrées de débris et de carcasses de voitures, tandis que les gendarmes tentent d’intervenir, appuyés par des véhicules blindés.

La nuit de couvre-feu n’a pas calmé les esprits. Au contraire, elle a été le théâtre d’incendies criminels, d’émeutes et de pillages d’une ampleur rarement vue. L’aéroport a été l’un des points névralgiques des tensions, où des affrontements entre manifestants et policiers ont éclaté. Des incendies ont ravagé plusieurs concessions automobiles et commerces de la région. Des magasins emblématiques comme Carrefour et Auchan ont été pillés, tandis que d’autres bâtiments, tels qu’une pharmacie au Carbet, ont été réduits en cendres.

Les témoignages affluent, et les barrages continuent de paralyser les principales routes. À Cocotte, un nouveau barrage impose aux véhicules de rouler à contresens, tandis que le pont de la Lézarde reste inaccessible. Au Morne-Rouge, l’installation d’un engin de chantier bloque toute circulation. Chaque région semble touchée à des degrés divers, et les forces de l’ordre peinent à rétablir la normalité.

Pour le sociologue André Lucrèce, cette explosion de violence n’est pas une surprise. Il souligne que la crise actuelle ne se résume pas à des questions économiques, mais révèle des fractures sociales bien plus profondes. Le taux élevé de mères célibataires, l’exil des jeunes, et la pauvreté structurelle sont autant de facteurs qui ont érodé les valeurs sociales fondamentales de l’île. Le climat de tension s’est accru au fil des années, nourri par des signes avant-coureurs qui ont été ignorés. Aujourd’hui, la situation atteint un point de rupture, et sans solutions adaptées, les répercussions risquent d’être durables.

Les perspectives restent sombres pour les habitants. En ce vendredi matin, la circulation est toujours fortement perturbée, et les routes, jonchées de débris et de barricades, rendent tout déplacement périlleux. Les forces de l’ordre continuent leurs efforts pour libérer les axes, mais la colère sociale persiste, attisée par un sentiment d’abandon et de frustration. Une nouvelle journée s’ouvre dans une Martinique meurtrie, où l’issue de cette crise demeure incertaine.

M’A

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Vers un accord pour apaiser la crise en Martinique? Des négociations sous tension!

Les négociations se poursuivent dans un climat toujours tendu. Ce jeudi 10 octobre 2024, une réunion cruciale a eu lieu à l’hôtel de la collectivité à Plateau Roy, rassemblant des représentants de l’État, des élus de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), des acteurs de la grande distribution et des membres du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC). Cependant, malgré près de dix heures de discussions, aucun accord définitif n’a été trouvé.

La réunion, qui avait débuté à 11 heures, s’est achevée peu après 21h30, sans la signature du pré-protocole d’accord initialement espérée. Parmi les principaux points de blocage figurent le nombre de produits concernés par la baisse des prix et le plafonnement des écarts tarifaires avec ceux de l’Hexagone. Des engagements ont néanmoins été pris pour reprendre les discussions ce vendredi 11 octobre à 15 heures, avec l’objectif de finaliser un accord avant la fin de la journée.

L’une des mesures phares évoquées lors de cette table-ronde porte sur la réduction de l’octroi de mer, des frais de fret et des marges de la grande distribution sur 53 familles de produits, représentant environ 6 000 références. Cette mesure est perçue comme une réponse à la forte pression sociale exercée par les Martiniquais qui attendent des solutions concrètes face à l’inflation galopante.

Cependant, les négociations sont ardues. Jean-Christophe Bouvier, préfet de la Martinique, a rappelé que la priorité était de trouver un terrain d’entente pour calmer la situation. « L’essentiel, c’est que nous arrivions à nous mettre d’accord sur des grands axes et que nous conjuguions nos efforts pour répondre aux attentes légitimes de la population », a-t-il déclaré. Serge Letchimy, président du conseil exécutif, a souligné que la situation était critique et qu’il était urgent de trouver des solutions avant que les tensions sociales ne dégénèrent davantage.

Derrière ces échanges formels, un sentiment d’urgence et d’inquiétude prédomine. La fatigue des négociateurs est palpable, notamment après une nuit de violences qui a vu éclater des émeutes et des pillages sur l’île. Des représentants comme Aude Goussard du RPPRAC, tout en saluant les avancées des discussions, ont insisté sur l’insuffisance des efforts pour apaiser les tensions. « Aujourd’hui, ça ne va pas. La population se sent trahie, et nous devons éviter que cette crise se termine dans un bain de sang », a-t-elle averti.

La grande distribution, de son côté, reste sur la défensive face aux accusations d’inaction et de manque d’efforts pour contribuer à l’apaisement social. Catherine Rodap, présidente du Medef Martinique, a rappelé que la situation actuelle constitue une grave menace pour l’économie locale et pour l’emploi, avec de nombreuses entreprises en première ligne des violences urbaines.

Ce vendredi, les discussions reprendront avec des enjeux cruciaux : la baisse des prix sur des produits de première nécessité, la modération des marges commerciales, et la mise en place de mesures pour contenir l’écart avec les prix pratiqués en métropole. L’issue de cette table-ronde sera déterminante pour l’avenir immédiat de la Martinique, alors que le spectre d’une escalade des violences plane toujours sur l’île.

M’A