— Par Yves-Léopold Monthieux —
L’instrumentalisation des CRS à des fins politiques est à la fois ridicule et grave : ridicule pour les politiques et grave pour l’histoire.
De 1970 à 1975, un commandant de police martiniquais venant des Compagnies Républicaines de sécurité (CRS) était nommé à la tête du corps urbain de Fort-de-France. Il retrouvait ainsi plusieurs gardiens de la paix qu’il avait eus sous ses ordres en France. Il fit un parcours sans faute en Martinique et ne laissa pas de souvenir désagréable de la part des partis politiques, alors que cette période fut très certainement la plus chaude de ce département depuis le début de la Cinquième République. Il a terminé sa carrière à Paris comme Directeur adjoint à la Direction centrale des Compagnies républicaines de sécurité.
Ce CRS avait été l’ami indéfectible de l’indépendantiste Guy Cabort-Masson, de l’école primaire jusqu’à l’école des Officiers de St Cyr, en passant par le lycée Schoelcher. Officier de l’armée française condamné à mort par contumace pour son engagement politique en Algérie et recherché par toutes les polices, l’insoumis avait rendu visite en djellaba à son ami, un dimanche matin, au domicile de ce dernier à Paris.
Pendant le séjour du CRS en Martinique les deux hommes s’étaient retrouvés et, une fois au moins, lors d’un déjeuner en compagnie d’un troisième camarade de St Cyr, le commandant de gendarmerie de Fort-de-France.
En 1959, la compagnie de CRS basée au Fort-St Louis avaient dû quitter la Martinique en raison des rumeurs persistantes de l’époque, soigneusement instrumentalisées, selon lesquelles ils auraient été les auteurs de la mort des trois jeunes Martiniquais. Selon la littérature “décembriste”, ces derniers étaient supposés être, ironisa l’historien Benjamin Stora, des “anticolonialistes prenant les armes contre le capitalisme français”.
Certes, à l’initiative du parti communiste martiniquais, le conseil général à majorité de droite avait voté le 24 décembre 1959 une motion tendant notamment à obtenir leur renvoi en métropole. Dès le dimanche soir, ils avaient été consignés dans leur caserne par décision du préfet.
Au moment de la prise de décision l’opinion était faussement convaincue que les CRS furent les “assassins” des jeunes. De sorte que dans le climat ainsi créé, la décision de renvoi était la seule possible. Ce n’est que bien plus tard que la froide lecture des faits est venue fissurer cette construction politique qui a été mise à bas par la Commission Stora, mais à laquelle les “anciens combattants” s’accrochent encore avec l’énergie du désespoir, forts de leur mot d’ordre « nous n’avons pas besoin d’historiens mais de militants anticolonialistes”. Les historiens martiniquais ont reçu le message 5 sur 5.
Fort-de-France, le 6 octobre 2024
Yves-Léopold Monthieux