Haïti : des accusations de corruption ébranlent le nouveau pouvoir

En Haïti, une grave crise politique et institutionnelle secoue le Conseil présidentiel de transition, mis en place en avril 2024 suite à la démission de l’ancien Premier ministre Ariel Henry. Trois membres de ce Conseil, Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, sont au cœur d’une enquête menée par l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Ils sont accusés d’avoir sollicité un pot-de-vin de 100 millions de gourdes (environ 685 000 euros) auprès de Raoul Pierre-Louis, président du Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit (BNC), en échange de sa reconduction à ce poste stratégique.

L’enquête a révélé que, faute de pouvoir verser cette somme, Pierre-Louis aurait proposé des avantages sous forme de lignes de crédit et de cartes bancaires. Ces avantages ont effectivement été utilisés, et les preuves reposent sur des échanges téléphoniques et des transactions confirmées. Cette situation met en péril la crédibilité du Conseil de transition, chargé de stabiliser Haïti dans un contexte déjà marqué par des crises multiples.

Le scandale éclate alors que Smith Augustin s’apprête à prendre la tête du Conseil dans les jours à venir. Des voix s’élèvent déjà pour demander la démission des trois conseillers afin de préserver l’intégrité du processus de transition. Toutefois, le scepticisme persiste quant à une issue judiciaire rapide, étant donné les défaillances structurelles du système judiciaire haïtien.

En parallèle, la situation politique et sécuritaire continue de se détériorer. Malgré l’arrivée de la mission multinationale dirigée par le Kenya, la violence persiste, et près de la moitié de la population haïtienne souffre de la faim. À cela s’ajoute la décision de la République dominicaine de renforcer les expulsions massives des migrants haïtiens, avec un rythme de 10 000 renvois par semaine, tout en poursuivant la construction d’un mur frontalier.

Face à cette crise multidimensionnelle, les solutions semblent limitées. L’idée d’une mise sous tutelle par les Nations Unies pour une durée de 20 à 30 ans est évoquée par certains observateurs, bien que cette perspective soit largement rejetée par les élites haïtiennes qui y voient une forme de recolonisation. Pourtant, la situation actuelle, marquée par une culture généralisée de la corruption, semble inexorablement conduire le pays vers un chaos plus profond, avec la menace grandissante de groupes criminels armés prenant le contrôle.

Alors que les tensions au sein du gouvernement haïtien atteignent un point critique, avec des divergences entre le Conseil présidentiel et le Premier ministre par intérim, l’avenir du pays paraît de plus en plus incertain. La réunion prévue pour tenter d’apaiser les tensions politiques pourrait difficilement suffire à endiguer cette spirale de dégradation qui engloutit lentement Haïti.

M’A