— Contribution à titre personnel de Mireille Pierre-Louis —
1. Si la TVA nationale était le problème, plutôt que la solution ? 2
2. Une fiscalité locale bridée par la TVA nationale & Un déclin inéluctable des Antilles 3
3. Des communes antillaises laissées pour compte 3
5. L’octroi de mer : le dernier rempart avant l’abîme 5
6. La crise budgétaire actuelle un prétexte pour l’assaut final de Bercy? 6
7. Pistes de travail sur une discrimination structurelle 8
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Si la TVA nationale était le problème, plutôt que la solution ?
Il est étonnant de parler de la « vie chère » aux Antilles sans évoquer la TVA nationalei, qui existe aussi à la Réunion, au bon vouloir de l’Etat, mais pas en Guyane et à Mayotte.
Écouter l’interview de Mireille Pierre-Louis sur Martinique1ère
Même en France hexagonale, régulièrement des voix s’élèvent pour réclamer une baisse des taux de la TVA.
Mais dans les DOM, la TVA est transparente et sans reproches, contrairement à l’Octroi de mer au lourd passé colonial (taxait-il le bois d’ébène ?), le coupable idéal aujourd’hui de la « vie chère » pour les consommateurs, la « bête noire » de Bercyii, fermement résolu à le transformer en TVA nationale pour réduire le déficit public.
Mais si la TVA nationale était le problème, plutôt que la solution ?
En Martinique, le rebond de la TVA a été deux fois plus élevé que celui de l’Octroi de mer en 2022, et par rapport à 2021, l’Etat a engrangé près de 80 millions d’euros de plus au détriment des consommateurs.
Or, les DOM n’étant pas concernés par la rigide directive TVA de l’Union européenne, l’Etat a toute latitude d’y abaisser les taux de la TVA.
Mais il ne le fait pas parce qu’il sait parfaitement que diminuer les taux représente une perte de recettes importante, sans le moindre impact sur les prix. La TVA était passée de 20% à 5% dans la restauration sans impact notable sur les prix, les restaurateurs ont seulement augmenté leurs marges. Et s’agissant de l’Octroi de mer, le ministère des finances lui-même avoue qu’une baisse des taux n’aura pas d’incidence sur les prix :
« J’attire l’attention de la Cour sur le fait qu’à l’instar des taux de TVA, il n’existe aucun mécanisme pour imposer que la baisse de ces taux [de l’Octroi de mer] se traduise par une baisse corrélative du niveau des prix sur ces produits ». Réponse du ministre des finances, Bruno Lemaire au rapport de la Cour des comptes sur l’Octroi de mer, 2024)
Alors pourquoi régulièrement pousser les collectivités à abaisser les taux d’Octroi de meriii, si ce n’est pour mettre celui-ci sous pression en vue de sa refonte en TVA nationale afin notamment d’ouvrir le marché local à la concurrence des groupes français qui feraient baisser les prix. Et aussi afin de canaliser la colère sociale vers les prix, seulement les prix et rien que les prixiv…l’arbre qui cache la forêt …
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Une fiscalité locale bridée par la TVA nationale & Un déclin inéluctable des Antilles
La coexistence de la TVA, au taux de 8.5%, ne permet pas d’envisager une augmentation des taux de l’Octroi de mer aux Antilles (9% en moyenne) pour faire face aux besoins croissants des territoires.
Déjà en 2006, le cabinet « Ressources-Consultant-Finances » tirait la sonnette d’alarme, l’Octroi de Mer, plafonné de fait, était à bout de souffle en Martiniquev.
Le déclin vertigineux des Antillesvi, sans moyens de retour (au sens propre ! ) devrait être suffisant pour remettre en cause, non pas l’Octroi de mer, mais la TVA nationale.
Aujourd’hui, les 542 millions d’euros nets que l’Etat prélève aux Antilles (la Cour des comptes prétend ne pas connaître ce chiffrevii) font cruellement défaut aux territoires.
Ils pourraient expliquer à eux seuls la situation désastreuse de la Martinique et de la Guadeloupe, en bridant l’économie et en privant notamment les communes, marginalisées dans le budget de l’Etat, de moyens pour enrayer la crise sociale structurelle. Avec des communes sinistrées financièrement, les Antilles sont vouées au chaos.
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Des communes antillaises laissées pour compte
Dès les années 2000, l’Etat avait entrepris un ensemble de réformes pour concentrer ses dotations sur les territoires les plus défavorisés. Mais ces réformes n’ont pas concerné les DOM, discriminés dans des quoteparts dites de « solidarité nationale », plus défavorables que le droit communviii.
Il avait fallu attendre 2020 pour, qu’exsangues, l’Etat commence à s’intéresser à leur sort avec un rattrapage de leurs dotations de 60 millions d’euros (malgré un retard de 200 millions d’euros par an ). Mais le mal était déjà fait : non seulement les milliards d’euros perdus au fil des ans, mais aussi la baisse des dotations de l’Etat, dont les communes pauvres de l’Hexagoneix ont été préservées grâce à la péréquation nationale. Aux Antilles, la baisse des dotations a mis le feu aux poudres, avec des populations laissées pour compte et des délais de paiement insoutenables pour les entreprises.
Et le coupable idéal a été vite trouvé : la « mauvaise gestion locale » x, d’où la procédure de révocation à l’encontre de l’ancien maire de Pointe à Pitre, puis un encadrement maximal des budgets locaux par l’AFD… mais toujours pas de dotations équitables…seulement des prêts …(une manière d’aide au développement ?)
Au surplus, les communes des Antilles ont été globalement privées du rattrapage de leurs dotations en 2020. En effet, l’enveloppe étant limitée, pour obtenir un effet de levier, il fallait la concentrer sur les DOM les plus pauvres.
Les Antilles sont donc vouées au chaos. Et, cela l’Etat le sait. C’est la raison pour laquelle il avait récemment débloqué 5 milliards d’euros en faveur de la ville de Marseille, un soutien massif axé en priorité sur la jeunesse ( réhabilitation d’écoles, subventions aux associations…) et les investissements structurants (transport…).
Car face à l’urgence sociale, sécuritaire et sanitaire, l’Etat « a le devoir d’intervenir » pour aider les populations, indépendamment de la qualité de la gestion localexi que l’on nous oppose dans les DOM.
Si les communes de la banlieue d’île de France grâce aux dotations de péréquation peuvent présenter des charges de personnel très supérieures à la moyenne sans obérer leurs investissements, pour les DOM il faudra dorénavant choisir, et l’Etat a tranché : ce sera les investissementsxii. Et sous la houlette de l’AFD, dont les crédits explosent, la priorité est au développement durable avec des prêts ciblés, car la planète ne peut pas attendre.
La jeunesse antillaise quant à elle peut-elle attendre ? A cet égard, signalons que dans le projet de budget pour 2025, le ministère des outremer, avec… celui de l’Aide au développement, sera l’un des plus impactés par les économies de l’Etat.
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Une poudrière sociale
Faut-il le rappeler, dans les régions particulièrement touchées par le chômage, « la fonction publique territoriale joue un rôle régulateur sur le marché du travail par l’intermédiaire des emplois aidés ». En France, dès que le chômage augmente en cours d’année d’un ou deux points, comme durant la pandémie de COVID, l’Etat lance immédiatement une nouvelle vague de contrats aidés afin de contenir les effets de la crise sociale. Or, en raison de leurs graves difficultés financières, les contrats aidés représentent moins de 3% des emplois dans les collectivités antillaises contre 20% dans les autres DOM, d’où le fait que ces îles, particulièrement la Martinique, sont prêtes à s’embraser à la moindre étincelle (chlordécone, affaire Pinto, « vie chère »…)xiii.
Et malgré la révolte de 2021, d’une violence/désespérance inédite, l’Etat ne change pas le cap vis-à-vis des communes antillaises, bien au contraire. Pourtant, après des soulèvements populaires, des réponses avaient été apportées aux autres DOM, principalement Mayotte et Guyane (plans d’urgence de 2.5 milliards d’euros au total, recentralisation du rSa, rétrocession aux communes de l’octroi de mer départemental, subventions exceptionnelles à la CTG…), où de surcroît, il ne prélève pas de TVA, laissant plus de marges de manœuvre fiscales aux collectivités locales.
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L’octroi de mer : le dernier rempart avant l’abîme
L’octroi de mer n’étouffe pas les territoires, mais représente leur sauvegarde à l’inverse de la TVA qui se retrouve directement dans les caisses de l’Etat et représente la plus grande menace aujourd’hui pour les DOM avec l’objectif de Bercy de refondre l’Octroi de mer dans la TVA, avec un gain potentiel pour l’Etat de 3.7milliards d’euros.
L’heure est GRAVE, et cibler l’Octroi de mer comme étant la mère de tous les maux des DOM, c’est fragiliser davantage les communes et aggraver l’effondrement des Antilles.
Une telle catastrophe impose une action énergique de l’Etat, notamment la rétrocession aux collectivités de tout ou partie de ses recettes de TVA, marges abusives, prélevées dans ces territoires, où l’assimilation se fait au niveau des impôts mais pas au niveau des droits, y compris le droit à la compensation de handicaps irréductibles qui passent par une continuité territoriale soutenue, des allègements fiscaux pérennes ou encore des dotations équitables.
Bercy s’est bien délesté de près de 80 milliards d’euros de recettes fiscales en 10 ans sans réel retour sur investissement. Les 542 millions d’euros rétrocédésxiv aux Antilles représenteraient une part infime du déficit de l’Etat, mais constitueraient un puissant levier pour sauver du chaos des territoires entiers.
Au surplus, l’Etat en 2022, alors que son budget était déjà critique s’était privé de 3 milliards d’euros de recettes que lui rapportait la Contribution à l’audiovisuel public.
Autre mesure à envisager, la TVA taxe l’Octroi de mer, de manière illégale pour plus de 100 millions d’euros par an. L’Etat le sait, mais les logiciels de la douanexv ne permettraient pas de remédier à ce problème. Eh bien que cette somme payée de façon indue par les consommateurs antillais et réunionnais à l’Etat s’en retourne dans ces territoires, sous la forme de subventions aux opérateurs locaux, avec effet rétroactif sur 10 ans pour faire face aux urgences (problème de l’eau en Guadeloupe, plan d’urgence pour la jeunesse, …)!
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La crise budgétaire actuelle : un prétexte pour l’assaut final de Bercy?
Au lieu de prendre les mesures de sauvegarde qui s’imposent pour les DOM, et singulièrement les Antilles, l’Etat qui a procédé à des allègements fiscaux massifs, d’où sa quasi-faillite actuelle, cherche donc à les compenser en s’attaquant en priorité aux allègements fiscaux dans les DOM pour plus de 6 milliards d’euros (dont 3.7 Milliards en transformant l’Octroi de mer en TVA), sans compter la prime de vie chère (1.5 Md€) et les allègements de cotisations sociales des entreprises, en plus des économies de droit commun, dont les effets seront décuplés dans les DOM, en particulier si l’on considère les économies demandées aux collectivités (qui soutiennent l’activité économique) ou les réformes du rSa et du chômage qui vont concerner près de la moitié de la population et… déstabiliser les DOM « en profondeur ».
Un tel programme pour redresser les comptes de la France, après des transferts de compétences abusifs et des économies fiscales ciblées depuis de longues années (pour quel montant ?), ceci porte un nom : la Pwofitasyon.
Et si l’on n’y prend garde, la crise budgétaire actuelle, peut être un prétexte pour Bercy d’accélérer ce mouvement de suppression des allègements fiscaux destinés aux DOM (idem pour les 40%), tout comme la crise du Covid avait été utilisée par l’Etat, à l’inverse pour accorder des allègements fiscaux de 20 milliards d’euros aux grandes entreprises et fragiliser encore plus son budget et celui des collectivités qui percevaient la CVAE.
Liste des dépenses fiscales de l’État dans les DOM
Non applicabilité provisoire de la TVA en Guyane et Mayotte |
200 |
TVA à 8.5 et 2.1 aux Antilles et à la Réunion |
3150 |
Exonération de matières premières et produits pétrolier |
190 |
Non application de la TIPP (carburant) |
1700 |
Défiscalisation des investissements productifs |
440 |
Abattement IR |
353 |
Défiscalisation du logement social |
42 |
Total |
6075 |
Données 2022
Les économies fiscales envisagées à terme par l’Etat dans les DOM, reviendraient à l’échelle de la France, pratiquement à doubler les taux de la TVA (!). Ceci révèle une violence institutionnelle inouïe, celle-la même qui conduit aujourd’hui à l’effondrement des Antilles.
En prétendant lutter contre la « vie chère », l’Etat en réalité va réduire drastiquement le pouvoir d’achat des ménages.Il sera bientôt quasiment impossible pour les ménages ultramarins « les plus fragiles », de vivre et travailler chez eux, à cet égard la réforme du rSa sera un puissant levier pour le départ vers l’Hexagone.xvi
Tels sont les enjeux aujourd’hui.
Au final, une révolte sociale, telle qu’elle se profile aujourd’hui en Martinique, est l’expression d’une profonde détresse, pas seulement matérielle, mêlée à de la colère qui concerne toutes les couches de la population, comme en Guyane en 2017. « Vie chère » d’un côté ou « Insécurité » de l’autre, le motif de la révolte cache un mal plus profond qui mérite une approche systémique.
Et, tant que les réponses structurelles ne seront pas apportées par l’ Etat aux Antilles, tel un ressac, la révolte sociale s’en reviendra sans fin…les mêmes causes produisant les mêmes effets…mais de plus en plus violentes…d’où l’augmentation incessante des moyens de répression de l’Etat …
Des solutions existent pour enrayer ce cycle infernal et sortir les DOM, et les Antilles en particulier de l’impassexvii.
Mais le pire est à venirxviii puisque la situation globale de la France empire. Et, plus elle empire, plus l’Etat ne s’intéresse à ses (ex) colonies que pour y puiser puissance et subsides.
« Les colonies diffèrent autant des provinces de France que le moyen diffère de la fin. L’administration n’en affectionne le sol que dans la vue de la consommation qu’il opère et il faudrait plutôt l’abandonner s’il cessait de remplir cette destination »xix.
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Pistes de travail sur une discrimination structurelle
A l’heure où l’Etat évalue ses politiques publiques afin de supprimer ses dépenses « inefficaces » , les outremer, sont, pour une fois, en première ligne (« Les derniers seront les premiers »). Pourquoi ?
Parce que toutes les dépenses qui concernent les outremer, sont par nature suspectes. Attardons nous par exemple sur le récent rapport d’évaluation de l’Octroi de mer de la Cour des comptesxx.
Ce rapport pourrait s’intituler « Le dernier conte de la Cour des comptes », tant il repose sur des constructions, des chiffres biaisés, tel le dynamisme excessif de l’octroi de mer, « qui n’incite pas à la maîtrise des dépenses publiques » et motive sa suppression aujourd’hui. Ainsi, pour démontrer que l’Octroi de mer est trop dynamique, la Cour compare le montant de l’Octroi de mer des communes des 4 DOM historiques en 1998, avec le montant de l’Octroi de mer des communes et de l’octroi de mer régional des 5 DOM en 2022 ( !) : le dynamisme de la taxe est artificiellement multiplié par deux !
Évolution de l’Octroi de mer entre 1998 et 2022 selon la Cour des Comptes en M€
Année |
Détail |
Montant |
Évolution |
1998 |
OM 4 DOM |
466 |
1178 |
2022 |
OM+OMR 5 DOM |
1644 |
Sources: Cour des comptes et Rapport Luard 2004, calculs Cour des comptes
Correction de l’évolution de l’Octroi de mer entre 1998 et 2022 en M€
Année |
Détail |
Montant |
Évolution |
1998 |
OM 4 DOM |
466 |
663 |
2022 |
OM 4 DOM |
1129 |
Sources: Cour des comptes et Rapport Luard 2004, calculs Mpl
Or, dès 2015, le cabinet Lengrend avait réalisé, pour le compte du ministère de l’Outremer, une évaluation de l’octroi de mer, autrement plus rigoureuse, où il évoquait un essoufflement de l’octroi de mer depuis 2009, source des difficultés financières des communes. Nous avons par ailleurs démontréxxi, en réalisant un travail comparatif (que ne fait pas la Cour des Comptes) qu’en dehors de la récente période inflationniste, sur une longue période l’Octroi de mer est la taxe locale la moins dynamique. L’on ne peut dès lors pas conclure que le dynamisme de l’Octroi de mer soit une spécificité ultramarine, qui conduit à une autre spécificité ultramarine, la « mauvaise gestion ».
S’agissant de la Martinique, où les communes sont le plus en difficulté, entre 2008 et 2018, la croissance de l’Octroi de mer a été nulle. Ce n’est pas le dynamisme de l’Octroi de mer qui les a mises en difficulté, mais l’inverse.
Par ailleurs, comment prôner une transformation de l’Octroi de mer en TVA nationale, sans évaluer l’impact de la TVA nationale dans les 3 DOM où elle est déjà appliquée ? Pourquoi ne s’intéresser qu’à l’Octroi de mer « en soi » ?
Parce que tout ce qui abonde les budgets locaux outremer, sont par nature soit « inefficaces » soit « pervers », mêmes les dotations de l’Etat y sont versées avec parcimonie.
Or, c’est le regard de ces institutions nationales (de la base au sommet) qui est perverti, et c’est cette même perversion que l’on nous reproche in fine. Cette perversion du regard porte un nom : le racisme systémique ( Voir la déclaration A/78/317 de l’assemblée générale des Nations Unies, le 8 aout 2023) qui peut aller très loin comme l’illustrent les évènements récents en Nouvelle-Calédonie.
Ce racisme systémique, avec son pendant la discrimination structurelle (par exemple les quoteparts des dotations de péréquation), explique que tout ce que la population de Guyane compte comme personnes valides avait dû descendre dans la rue en 2017 pour dire à l’Etat « Nou bon ké sa ! » pour qu’enfin ce dernier daigne lui accorder quelque écoute, quand pour Marseille, il a suffi d’indicateurs alarmants pour qu’il agisse avec un fonds d’urgence de 5 milliard d’euros.
Autrement dit, face à la véritable « descente aux enfers » des Antilles, les indicateurs ne seront jamais suffisants pour faire réagir l’Etat (sauf pour affirmer son autorité)… et puisqu’ils ne seront pas suffisants, nous devrions nous délester de la prime de vie chère et de l’Octroi de mer qui seraient à l’origine de tous nos maux… Et puisque ce ne sera toujours pas suffisant, nous devrions faire place nette pour que s’installent, comme le recommandait la « directive Mesmer », d’autres qui n’auront pas la mauvaise fortune d’être nés descendant d’esclaves…
De sorte que pour les populations natives, l’Assimilation est un leurre.
Les anciennes colonies de la France qu’elles prennent le chemin de l’Assimilation ou de l’Indépendance (qui n’est pas une solution en soi, vu les anciennes colonies africaines indépendantes depuis cinquante années et qui sont en train de se débattre pour trouver une voie car il s’agit de sortir du filet de la civilisation occidentale, ce qui demande une plus large compréhension des choses) se trouvent dans une « nasse ».
Pour l’heure, s’agissant du sujet qui nous préoccupe, la vision pervertie des administrations centrales considère toute solution (comme l’Octroi de mer par exemple pour le budget des communes) comme un problème. De sorte que ce sont elles le véritable problème qui a lourdement contribué à la situation actuelle des Antilles. Le problème, c’est que nous-mêmes nous nous voyons avec le regard de l’Autre, et participons à cette œuvre destructrice, en considérant que nous sommes le problème.
Tant que la question du racisme systémique ne sera pas clairement posée en France, comme cela se fait dans d’autres pays occidentaux qui ne se targuent d’être la Patrie des Droits de l’Homme et du Citoyen, les outremer seront dans une impasse et les Antilles ne pourront se relever. Si elles n’y prennent gardent, leur avenir est derrière elles.
NOTES
iFace au mouvement social contre la vie chère en cours, d’un seul coup, les autorités et les opérateurs se préoccupent de la TVA nationale.
iiLa fin de l’Octroi de mer a été annoncée en grande pompe dans le CIOM de juillet 2023, une réunion de tous les membres du gouvernement pour se pencher sur le sort des outremer face à la « vie chère ».
iiiDepuis le début du mouvement social, il n’est plus question d’abaisser les taux de l’Octroi de mer, mais ceux de la TVA (!). Pour quelle raison ? Bercy tranchera.
ivUne étude menée à la Réunion a montré que la « vie chère » y est expliquée à 20% par les Prix et à 80% par les revenus.
vOr, à la même période, l’Etat transférait aux collectivités de lourdes compétences .
viLa Réunion commence à enclencher la trajectoire démographique des Antilles.
viiDans le rapport d’évaluation de l’Octroi de mer de la Cour des comptes paru en mars 2024, celle-ci affirme ne pas disposer des chiffres de la TVA pour les DOM.
viiiLes institutions nationales considèrent que les difficultés financières des communes ultramarines relèvent plus d’une mauvaise gestion que d’un manque de ressources et qu’au contraire un afflux d’argent risquerait plus d’augmenter leurs difficultés que de les régler, d’où la solution radicale aujourd’hui de leur enlever l’Octroi de mer, une fiscalité aux « effets pervers ».
ix18 millions d’habitants
xCf. le rapport de la Cour des comptes sur les délais de paiement dans les DOM (2019).
xi« On ne va pas créer un précédent, sinon tous les maires de France vont me dire ‘moi aussi' », avait mis en garde le Président de la République, refusant « une prime à ceux qui font mal ». « En même temps, je n’ai pas le droit de vous laisser perdre du temps parce que ce sont les enfants (…) les premières victimes », avait-il ajouté.
xiiContrairement aux idées reçues, dans les DOM, les investissements des collectivités sont supérieurs à la moyenne nationale, plus faibles pour les communes et nettement supérieurs pour les grandes collectivités grâce aux fonds européens. C’est donc une aberration que de vouloir orienter un part plus grande de l’octroi de mer des communes vers l’investissement, cela limite leur capacité à soutenir les populations et également leur capacité d’investissement, car l’ingénierie et les intérêts de la dette sont financés par la section de fonctionnement. Cette orientation est fondée sur un postulat qui est faux, à savoir le dynamisme exceptionnel de l’Octroi de mer et son corollaire, la richesse des communes des DOM.
xiiiLes contrats aidés servent aussi à favoriser un retour au pays des jeunes après leurs études ou formations, en attendant de trouver un véritable emploi.
xvOu une explication autre.
xviQuand un mouvement de migration inverse est encouragé.
xviiLes solutions consistent par exemple à mettre fin à la Pwofitasyon de l’Etat et à réparer les mesures dévastatrices de ces dernières années qui seront financées à partir des économies abusives réalisées dans les DOM : rétrocession des recettes de la TVA nationale, rattrapage des dotations des communes, compensation de la baisse des dotations, exempter les DOM (à l’égal des COM) de toute nouvelle contribution au redressement des finances publiques en raison des lourdes compétences déjà transférées, recentralisation du rSa, non application de la réforme du rSa et des allocations chômage dans les DOM, plan jeunesse, plan vieillesse, restauration de l’abattement de l’impôt sur le revenu (à partir de 2018, l’Impôt sur le revenu des DOM a augmenté deux fois plus vite que dans l’Hexagone) majoration des retraites et autres prestations sociales (contrairement aux idées reçues, en €/hab les prestations sociales sont deux fois faibles que dans l’Hexagone) …
xviiiLe budget 2025 est la menace majeure pour les DOM aujourd’hui, non seulement l’Etat a annoncé vouloir s’attaquer à l’Octroi de mer et aux allègements des cotisations sociales des entreprises ultramarines, mais les DOM seront, comme les Antilles après les révoltes sociales à Mayotte et en Guyane, sans compter la départementalisation de Mayotte, utilisés comme variables d’ajustement privilégiés pour les dépenses générées par le chaos installé en Nouvelle Calédonie. Au surplus, les DOM seront assujetties aux économies de droit commun drastiques que l’Etat imposera à tous y compris les collectivités qui portent l’économie dans les DOM.
xixChoiseul.
xx« L’Octroi de mer, une taxe à la croisée des chemins » Cour des comptes, 2024
xxiDans le document 3.1 intitulé, « Les effets pervers de l’Octroi de mer : une construction »,
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V 9/9/2024