… légitimée par la « vedette médiatique » du PHTK néo-duvaliériste Nesmy Manigat
— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —
Comparable à une micro–milice de tontons-macoutes en col blanc, le Parti haïtien tèt kale (PHTK) occupe les allées du pouvoir depuis onze ans en Haïti. Mis sur pied par les caïds d’une nébuleuse autoproclamée de « bandits légaux », le PHTK fonctionne sur le mode du gangstérisme politique dont se sont publiquement réclamés ses chefs de file, notamment Michel Martelly et Laurent Lamothe auxquels s’est tôt associé l’économiste Nesmy Manigat. Véritable cartel politico-mafieux, le PHTK se caractérise principalement par la criminalisation du pouvoir d’État adossé au démantèlement des institutions de l’État. Au PHTK, la criminalisation du pouvoir d’État s’exerce dans la continuité de la fabrique du consentement politique dont le rôle central est l’« invisibilisation » de la corruption » afin qu’elle soit, par la captation de la « rente financière d’État » et diverses formes de rapine, efficiente et rentable à tous les étages de l’édifice social. Les mécanismes d’« invisibilisation » de la corruption » font appel à plusieurs « ressources logistiques », entre autres la « notoriété » de certains universitaires idéologiquement apparentés ou placés sous contrat « pour services rendus ». Promouvoir l’image d’une Haïti où règnerait l’État de droit et servir de caution intellectuelle à l’« invisibilisation » de la corruption » sont les deux principales missions dévolues à plusieurs universitaires haïtiens, entre autres à l’historien Weibert Arthus, actuel ambassadeur d’Haïti au Canada, et au sociologue Fritz Dorvillier, ex-consul général d’Haïti à Montréal et auparavant laudateur grassement rémunéré chargé de promouvoir, dans les médias haïtiens, les « miracles » accomplis par Nesmy Manigat dans le système éducatif national. Fritz Dorvillier a été « démissionné » de son poste de consul, en 2022, à l’instigation du gouvernement fédéral du Canada, dans une obscure affaire d’achat de blindés qui n’auraient pas été livrés à la Police nationale d’Haïti.
Le plus emblématique « missionnaire » sous contrat des « bandits légaux » est incontestablement le sociologue Louis Naud Pierre, figure intellectuelle de premier plan du PHTK. À l’instar des intellectuels au service de la dictature de François Duvalier –les frères Paul et Jules Blanchet, l’autoproclamé « historien » Rony Gilot, laudateur de la dictature duvaliériste, l’idéologue noiriste-raciste René Piquion, Gérard Daumec, Clovis Désinor, le proto-nazi Gérard de Catalogne, admirateur de Pétain et de Maurras et responsable éditorial des « Œuvres essentielles » de François Duvalier–, Louis Naud Pierre joue un rôle essentiel dans le dispositif narratif, idéologique et politique du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Il est en effet attesté que Louis Naud Pierre est le principal rédacteur de la pseudo « Constitution » de janvier 2021 que Jovenel Moïse et le PHTK ont en vain tenté de faire adopter par un référendum illégal. Ce référendum a été annoncé mais n’a pas été tenu en raison de la forte opposition de la société civile haïtienne, de plusieurs juristes et constitutionnalistes haïtiens ainsi que de la Fédération des Barreaux d’Haïti. (Sur la criminalisation du pouvoir d’État voir l’article de Jean-François Gayraud et Jacques de Saint-Victor, « Les nouvelles élites criminelles. Vers le crime organisé en col blanc », revue Cités 2012/3, no 51 ; voir aussi « La criminalité en ‘’col blanc’’, ou la continuation des affaires… », Le Monde diplomatique, mai 1986 ; voir également l’éclairant article de l’économiste Thomas Lalime, « Haïti : la gangstérisation de la politique ou la politique de gangstérisation ? », Le Nouvelliste, 14 mai 2019.) Phénomène politique et social aujourd’hui profondément imbriqué dans la société haïtienne tout entière, la criminalisation du pouvoir d’État, qui sert également de paravent opérationnel à la sous-culture de l’impunité, a été étudiée par le sociologue Laënnec Hurbon. Directeur de recherches au CNRS (Paris) et enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, Laënnec Hurbon est l’auteur, sur la problématique du « banditisme légal » et de la criminalisation du pouvoir d’État, d’un article fort éclairant, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti » paru dans Médiapart le 28 juin 2020. (Sur la notion de « bandits légaux », voir aussi l’article de Jhon Picard Byron, enseignant-chercheur, Université d’État d’Haïti » : « Haïti : Comment sortir de la terreur criminelle et aveugle instaurée par les “bandits légaux” ? », AlterPresse, 29 août 2022). Pour sa part, le politologue Frédéric Thomas du CETRI, le Centre tricontinental basé à l’Université de Louvain, est l’auteur d’un article de grande facture analytique, « Haïti, État des gangs dans un pays sans État » (CETRI, 7 juillet 2022). Dans cet article Frédéric Thomas précise de manière fort pertinente que « Pour qualifier la situation, le Réseau national de la défense des droits humains (RNDDH) parle de « gangstérisation de l’État comme nouvelle forme de gouvernance ». (…) Ce banditisme d’État jette une lumière crue, non seulement sur le pouvoir haïtien, mais aussi sur la diplomatie internationale ; sur son soutien sans faille aux gouvernements de Jovenel Moïse, hier, et d’Ariel Henry, aujourd’hui. À rebours du mythe d’un pays « sans État », il met en évidence la confiscation des instances et fonctions étatiques – y compris la police – par une élite corrompue, et l’aspiration frustrée de la majorité des Haïtiens et Haïtiennes à bénéficier d’institutions publiques, qui les représentent et soient à leur service ». (NOTE — En ce qui a trait à la sous-culture de l’impunité, voir l’article « Justice : le sociologue Laënnec Hurbon dénonce une pérennisation de l’impunité en Haïti » paru en Haïti le 2 octobre 2017 sur le site AlterPresse. Voir également le rigoureux et fort bien documenté « Mémoire du Collectif contre l’impunité et d’Avocats sans frontières Canada portant sur la lutte contre l’impunité en Haïti – 167e audience de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme » daté du 2 mars 2018.)
La mission dévolue par la micro-milice de tontons-macoutes en col blanc, le PHTK, à certains universitaires dans le dispositif de l’« invisibilisation » de la corruption » renvoie aux caractéristiques actuelles de l’État haïtien. Il est essentiel d’en prendre toute la mesure pour bien situer et bien comprendre l’expansion de la corruption dans le système éducatif haïtien et le rôle qu’y a joué l’ex-ministre de facto de l’Éducation nationale Nesmy Manigat.
Nature et principales caractéristiques de l’État haïtien : une brève synthèse
L’État haïtien tel qu’on le connaît aujourd’hui n’est pas tombé du ciel. Sur le plan social, économique et politique, il est né de la confluence de facteurs endogènes en lien avec des facteurs exogènes, et peu après 1804 il a emprunté le chemin d’une dérive autoritaire puis dictatoriale dont l’épicentre est la dictature trentenaire des Duvalier (1957-1986). Les caractéristiques structurelles de l’État haïtien renvoient aux mécanismes de « l’exclusion et [de] la marginalisation de larges couches sociales des attributs de la citoyenneté, les pratiques criantes d’exploitation, les rapports sociaux inégalitaires, le modèle d’accumulation excluant, la concentration et la centralisation des pouvoirs au service de l’Exécutif lié à l’oligarchie, la dépendance [aux] grandes puissances, les injustices criantes de toutes sortes ayant trait à l’économique, au politique, au social et au culturel » (voir l’article de Fritz Deshommes, « La longue marche vers la refondation », revue Relations, dossier « Haïti, le choc de la réalité », février 2011). Pour sa part le sociologue Laënnec Hurbon rappelle avec clarté de quelle manière des chercheurs ont caractérisé l’État haïtien : « Presque tous ont focalisé leur attention sur l’État qui, au-delà des caractérisations généralement admises jusque-là, prend des qualificatifs divers selon l’angle de vue de chaque auteur : État faible (Corten, 1989), État duvaliérien ou État contre la nation (Trouillot, 1986), État prédateur (Lundahl, 1992), État contre les paysans du pays en dehors (Barthélemy, 1989), et plus récemment État néo-patrimonial (Étienne, 2007) » (voir le livre collectif « Genèse de l’État haïtien (1804 – 1859) », sous la direction de Laënnec Hurbon et Michel Hector, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2018). Laënnec Hurbon note, dans ce livre, que « Cette perspective [celle de la caractérisation de l’État] d’un héritage provenant à la fois de la dictature des Duvalier et de la tradition de despotisme des deux derniers siècles » a fait l’objet d’une réflexion approfondie de Michel Rolph Trouillot dans un ouvrage paru dès la chute de Duvalier et qui porte un titre suggestif, « Les racines historiques de l’État duvaliérien » [Imprimerie Deschamps, 1986 ; C3 Editions, 2016]. Laënnec Hurbon précise que Michel Rolph Trouillot fait la démonstration que « l’État haïtien a toujours été autoritaire, mais qu’avec la dictature de Duvalier une limite a été franchie, il s’est produit une transformation de l’État autoritaire traditionnel en État totalitaire » (ibid. : 174) ». Toujours dans le même ouvrage, Laënnec Hurbon met en lumière une caractérisation plus contemporaine et plus structurelle de l’État haïtien consignée dans la thèse de doctorat de Sauveur Pierre Étienne parue sous le titre « L’énigme haïtienne » (Presses de l’université du Québec à Montréal, 2007) : « La véritable nature de l’État [haïtien] est celle d’un État néopatrimonial au sens de Max Weber, aucune fiscalité rationalisée ni système administratif formalisé n’ayant pu fonctionner durant les deux derniers siècles. Il rejoint le point de vue de Trouillot quand il déclare que la dictature de Duvalier est un cas limite par rapport aux dictatures traditionnelles et mériterait d’être définie plutôt comme un État néo-sultaniste (…) ». Pour sa part, dans un article fort éclairant, « Héritage de l’État duvaliérien » (Le National, 23 septembre 2023), l’historien Alain Saint-Victor nous enseigne que « Le fonctionnement politique du régime PHTK s’inscrit dans le cadre de cet héritage de l’État duvaliérien : la soumission des institutions (même si maintenant il s’agit plutôt de la destruction de ces institutions, faute de pouvoir les domestiquer), le contrôle et la dilapidation des biens de l’État, le clientélisme, la totale indifférence vis-à-vis des problèmes socio-économiques, la terreur entretenue par les bandits armés, etc. Certes, le régime de facto actuel ne peut plus reproduire l’idéologie de couleur qui a joué un rôle constitutif de l’État duvaliérien, même si certains adeptes du duvaliérisme mettent toujours de l’avant cette idéologie mystificatrice pour « expliquer » la crise actuelle. »
En 2024, l’État haïtien se caractérise pour l’essentiel comme étant un État néo-patrimonial en faillite et profondément kleptocratique, un système oligarchique-monopolistique ayant modélisé la corruption au service de la reproduction de la « rente financière d’État », un État où le démembrement des institutions républicaines conforte la mal-gouvernance du pays, bref, un État ayant atteint le stade ultime de sa décomposition interne mais qui survit à travers un conglomérat de divers clans affairistes oeuvrant à sa reproduction structurelle et politique : c’est l’État mafieux aujourd’hui dirigé par le cartel néo-duvaliériste du PHTK. C’est cet État, ainsi caractérisé, que certains intellectuels et universitaires haïtiens ont choisi, par conviction et/ou par intérêt, de soutenir à visière levée et de servir aussi bien sur le sol national que dans la sphère de la diplomatie. (Sur la mission confiée par le PHTK à certains universitaires dans le dispositif de l’« invisibilisation » de la corruption », voir l’article « L’intellectuel du PHTK « en service commandé » : faussaire, illusionniste ou avocat-plaideur d’une cause indéfendable ? Les dits et les non-dits », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, Paris, 6 septembre 2022.)
Court survol de la nature du cartel politico-mafieux du PHTK
En embuscade depuis 1986 sous le nom de « Front social de concertation » (FSC) renommé en 1990 « Parti pour l’avancement intégral du peuple haïtien » (PAIPH), le PHTK (« Parti haïtien tèt kale ») est issu d’une nébuleuse politique dénommée « Repons peyizan ». Celle-ci a été à la manœuvre dès août 2010 dans la saga magouillante ayant conduit Michel Martelly à la présidence du pays. Cette nébuleuse prendra en 2012 le nom de PHTK pour amplifier le soutien de l’extrême-droite haïtienne à un clown porteur d’un discours haineux envers les femmes et ouvertement néo-duvaliériste, Michel Martelly. « Repons peyizan »/PHTK a conquis le pouvoir il y a onze ans avec un très faible taux de participation électorale (environ 22,87%) et surtout grâce aux manœuvres et malversations persistantes du Département d’État américain et du clan Clinton (sur les élections de 2010, voir l’analyse du juriste Eric Sauray, « Haiti-Élections : lectures des résultats du scrutin du 28 novembre 2010 », AlterPresse, 17 décembre 2010 ; à propos des élections législatives de 2015, voir le « Rapport préliminaire sur le premier tour des élections législatives partielles, 25 août 2015 », par le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), le Conseil national d’observation électorale (CNO) et le Conseil haïtien des acteurs non étatiques (CONHANE) ; voir aussi « Haïti en route vers une nouvelle farce électorale », par Leslie Péan, AlterPresse, 15 mars 2015). En termes de configuration sociale, le PHTK –qui n’a pas de véritables assises populaires et qui occupe aujourd’hui le pouvoir de manière inconstitutionnelle–, amalgame des individus aux ramifications sociales aussi disparates que l’industriel Charles Henri Baker, Michel Martelly, Liné Balthazar, Bochitt Émond, Dore Guichard, Laurent Lamothe, les frères Mayard-Paul, Ann Valérie Timothée Milfort, Marie Yanick Mézile, Jean Renel Sanon, Renald Luberice, Mathias Pierre, Ariel Henry, Guy Lafontant ainsi que Danièle St-Lot, ancienne présidente de l’organisation « Femmes en démocratie », propagandiste et porte-parole du PHTK en 2014, etc. Sous la houlette du Core Group et du Département d’État américain, des affairistes (des « brasseurs d’affaires » », des « gran manjè ») de la petite et moyenne bourgeoisie, liés au secteur mafieux de la bourgeoisie commerçante et industrielle, ont constitué un cartel informel mais puissant, véritable détenteur du pouvoir exécutif, en une sorte d’alliance stratégique destinée principalement à la reproduction du système oligarchique-monopolistique haïtien. Cartel néo-duvaliériste, notamment dans sa conception hyperprésidentialiste du pouvoir, le PHTK se réclame ouvertement du « duvaliérisme historique » et compte en son sein divers « héritiers naturels » et « ayant-droit » du duvaliérisme. Parmi eux figure en bonne place l’« historien » révisionniste Rony Gilot, ancien député-tonton macoute, laudateur de l’« héritage » duvaliériste et auteur de plusieurs ouvrages à la gloire des figures marquantes du duvaliérisme. Ainsi, Rony Gilot est l’auteur entre autres de « François Duvalier le mal-aimé – Au gré de la mémoire » (1989) [2007, 2012], de « Roger Lafontant ou la destinée tragique d’un fauve politique » (2013), de « Jean-Claude Duvalier ou l’ingénuité captive » (2010), de « Jean-Claude Duvalier ou la chance galvanisée » (2011). Il est essentiel de ne pas perdre de vue que Rony Gilot a été le directeur de cabinet d’un Gary Conille qui, éduqué dès son adolescence dans un environnement ouvertement duvaliériste et allié naturel du PHTK néo-duvaliériste, a été propulsé au poste de Premier ministre par Michel Martelly (5 septembre 2011 – 16 mai 2012). Rony Gilot est l’auteur de « Gary Conille ou le passage d’un météorite » (livre édité à compte d’auteur, 2012). Vieux routier du duvaliérisme, Rony Gilot, docteur en médecine et chirurgien, a été député de la circonscription de Thiotte-Grand-Gosier et Anse à Pitre (1973-1986), ministre de la Coordination et de l’information (1978-1979), secrétaire général du parti Action démocratique pour bâtir Haïti (ADEBHA) de 2000 à 2004, consultant au Conseil électoral provisoire (CEP) de 2001-2004, conseiller politique spécial du président du Sénat de 2001 à 2004, puis en 2006, directeur du cabinet du président de la Chambre des Députés (2006-2011), directeur de cabinet du Premier ministre Gary Conille (2011-2012); membre du cabinet du président du Sénat (2012-2014); secrétaire général du Sénat (avril 2014 jusqu’à sa mort) ; en détachement secrétaire général adjoint de la présidence de février 2016 à février 2017. (NOTE — Sur l’héritage duvaliériste inscrit dans l’ADN du PHTK, voir la série de quatre articles de Leslie Péan, « Haiti : gouvernance occulte, gouvernance inculte, gouvernance superficielle », AlterPresse, juin 2014. Leslie Péan est également l’auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la problématique de la corruption en Haïti, notamment « Haïti / Économie politique de la corruption – L’ensauvagement macoute et ses conséquences (1957-1990) », tome IV, Éditions Maisonneuve et Larose, 2007 ; voir aussi Pierre Fournier, « Haïti, contextes social, historique, économique et le phénomène de la corruption », Barreau de Montréal, 2016.) Et tel que nous l’avons auparavant mentionné, le PHTK-cartel-mafieux se caractérise également par la ganstérisation/criminalisation du pouvoir d’État hérité de la dictature duvaliériste, couplée à la dislocation des institutions républicaines de l’État et à la promotion/valorisation de pratiques mafieuses dans toutes les couches sociales du pays. Il est ainsi avéré que le PHTK-cartel-mafieux est lié à tous les étages de l’édifice social aux gangs armés dont il n’a pas le contrôle exclusif mais qui ont déjà la mainmise de facto, par kidnappings et rançons quasi quotidiens, sur une partie de la capitale et de certaines villes de province (voir la rigoureuse et éclairante analyse de Roromme Chantal, enseignant-chercheur à l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton, « L’ONU, le PHTK et la criminalité en Haïti », Le Nouvelliste, 8 août 2022 ; sur le thème de l’« enfumage académique » et de « l’axiomatique de l’indigence », voir l’article d’Erno Renoncourt, « Rayonnement académique par endettement éthique », Médiapart, 14 août 2022 ; du même auteur, voir aussi la fort pertinente analyse contenue dans « Le temps des universitaires faussaires » parue sur le site elsienews.com le 21 septembre 2020).
Éclairage terminologique sur la notion de « corruption »
La Convention des Nations Unies contre la corruption a été adoptée à New York le 31 octobre 2003.
« La corruption peut être définie et classée de différentes manières. Les catégories ou les types de corruption les plus courants sont la corruption du côté de l’offre et la corruption du côté de la demande, la grande corruption et la petite corruption, la corruption traditionnelle et la corruption non traditionnelle, ainsi que la corruption publique et la corruption privée. Il existe d’autres catégories de corruption ou façons de la décrire, comme la corruption « systémique » et la corruption « individuelle » ou « isolée », la corruption par « commission » et la corruption par « omission », selon le degré de contrainte exercé pour que l’acte illicite soit commis et le type d’avantage offert » (« Définitions de la corruption – Résumé de recherche no 48 », Sécurité publique Canada, 2022).
La Banque mondiale (2020) définit la corruption comme un « abus d’une fonction publique pour un profit personnel ». Selon cette définition, les actes de corruption se limitent au secteur public. C’est le cas d’un agent public qui fait commerce de sa fonc- tion, qui pourtant est de protéger l’intérêt général. Pour sa part, Transparency International donne une définition plus large de la corruption, soit « un abus de pouvoir à des fins d’enrichissement personnel » (Bibliothèque du Parlement, 2020). Selon cette ONG internationale, la corruption peut être perpétrée dans toutes les organisations, qu’elles soient publiques ou privées. Cette définition comprend « tout abus d’un pouvoir obtenu par délégation, et donc aussi la corruption dans le secteur privé, par exemple lorsqu’un directeur général commet un abus de confiance à l’égard des actionnaires qui lui ont fait confiance » (Les bases conceptuelles de la lutte contre la corruption : manuel de formation », Conseil de l’Europe, 2014).
Haïti et la Convention des Nations Unies contre la corruption
Il est attesté qu’au pays peu de gens savent qu’« Haïti a signé la Convention des Nations Unies contre la corruption le 10 décembre 2003 et a déposé son instrument de ratification auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies le 14 septembre 2009 ». [En Haïti] « Les principaux organes de lutte contre la corruption sont l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), la Commission nationale des marchés publics (CNMP), l’Inspection générale des finances (IGF), l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF), le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), l’Ordre des comptables professionnels agréés, la police judiciaire (en particulier son Bureau des affaires financières et économiques), le ministère de la justice et le Parlement. En 2012, le Gouvernement a établi un comité interinstitutionnel composé de l’ULCC, de l’UCREF, de l’Administration générale des douanes (AGD), de la Direction générale des impôts (DGI) et des autorités de poursuite. Ce comité est chargé de combattre la corruption, la contrebande, la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux » (Conférence des États parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption, Vienne, 19-23 juin 2017).
Survol de l’état des lieux de la corruption dans l’Administration publique haïtienne
L’apparition, la métastase et le mode de fonctionnement de la corruption dans l’Administration publique haïtienne ont été auscultés par plusieurs chercheurs, entre autres par Jean Abel Pierre, auteur de « Sociologie critique de la corruption. Comment Haïti est pris au piège de la pauvreté » (Trust Press, Fort Lauderdale, Floride, 2022). Jean Abel Pierre est également l’auteur de « Sociologie économique de la corruption : vers une étude de l’implémentation des politiques publiques de lutte contre la corruption en Haïti » (thèse de doctorat en sociologie, Université Paris-Sorbonne – Paris IV, 16 septembre 2014). Au troisième chapitre de sa thèse, Jean Abel Pierre expose les « Données publiques sur la corruption en Haïti » en procédant (section I) à l’examen de la « Corruption : description et formes dans l’Administration publique ». Il en éclaire les modalités : « Corruption par les PCR : fondement empirique des recherches récentes » [PCR = perceptions/croyances/représentations], « Formes courantes de la corruption au sein de l’Administration publique », en particulier « Les pots-de-vin », « Les évasions fiscales », « Les détournements de fonds », « Le phénomène de racket » et « Les chèques zombis ». Par l’éclairage fort bien documenté et rigoureusement analysé de l’« invisibilisation » de la corruption » en Haïti, Jean Abel Pierre, au chapitre six de sa thèse, étaye les « Propositions sur les mécanismes et les PCR de la corruption ». Ainsi ausculte-t-il « Les réseaux de la corruption dans l’administration publique », notamment « Les réseaux de la petite corruption administrative », « Les réseaux de la grande corruption politico-administrative » et « Les mécanismes de la machine corruptive en Haïti ». L’un des plus rigoureux enseignements consignés dans la thèse de doctorat de Jean Abel Pierre figure à la page 272, au chapitre « Les mécanismes de la machine corruptive en Haïti ». En voici un extrait : « Les pratiques continuelles de corruption contrastent, comme nous l’avons vu, [avec] la désirabilité sociale de la démocratie exprimée inlassablement depuis le soulèvement contre le régime dictatorial. Ces pratiques remettent en cause les valeurs et les normes démocratiques. Pour fournir un cadre complet d’explication à ce paradoxe, nous proposons un déchiffrage synthétique des mécanismes à l’œuvre dans la mise en place des pratiques de corruption. Comme nous l’avons indiqué, ces mécanismes entretiennent entre eux un rapport d’interdépendance et de leur enchevêtrement découle une machine corruptive sociale bien huilée fortement résistible aux tentatives cosmétiques de désintégration. Loin de toute prétention à l’exhaustivité, nous croyons que le phénomène de la corruption en Haïti s’échafaude sur deux grands mécanismes bien emboîtés. Ils intègrent des paramètres contextuels essentiels à la perpétuation du phénomène de corruption ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO]
En guise d’illustration chiffrée et documentée des mécanismes de la corruption dans l’Administration publique haïtienne, Jean Abel Pierre précise, dans sa thèse de doctorat, que « Selon une étude publiée en 2004 par la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti (CCIH), sous le thème « Corruption un obstacle au développement et à la démocratie », la contrebande et la fraude douanière font perdre au trésor public haïtien plus de 200 millions de dollars américains chaque année. Ce chiffre s’élèverait à plus d’un quart du budget de la République pour l’année 2003-2004 (ULCC, 2011). Plus récemment, en octobre 2012, un rapport publié par le Comité interinstitutionnel de lutte contre la corruption fait mention d’un montant de 20 milliards de gourdes, soit l’équivalent de 500 millions de dollars américains annuellement détournés des recettes fiscales et douanières via des courroies illicites. Un tel manque à gagner – généré par l’Administration générale des douanes (AGD) et la Direction générale des impôts (DGI) – pour le trésor public résulte de pratiques telle la contrebande, le blanchiment d’argent, la fraude fiscale (ULCC, 2012) ». [Le souligné en gras est de RBO]
C’est dans le cadre général de la corruption systémique au pays des « bandits légaux » et de la criminalisation du pouvoir d’État qu’il faut situer le PSUGO et le Fonds national de l’Éducation.
Le PSUGO et le Fonds national de l’Éducation (FNÉ), deux vastes entreprises de corruption dans le système éducatif haïtien légitimées par l’ex-ministre de facto de l’Éducation nationale Nesmy Manigat
Le PSUGO (Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire) a été lancé en 2011 par le PHTK. Plusieurs enquêtes de terrain amplement documentées attestent qu’il a été, à l’échelle nationale, une vaste opération de gabegie administrative, de corruption et de détournement de fonds publics au bénéfice des ayants droits, des supplétifs du PHTK néo-duvaliériste et d’un nombre indéterminé de directeurs d’écoles corrompus. En novembre 2021, le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, pourtant bien imbu des constantes critiques publiques formulées par les associations d’enseignants et en dehors de tout audit attesté, a reconduit le PSUGO en lien avec la réactivation de ses « 12 mesures » administratives prétendument destinées à « moderniser » la gouvernance du système éducatif national. Cette reconduction fut unanimement dénoncée par les enseignants et de nombreux secteurs de la société civile en Haïti. Les associations d’enseignants, les directeurs d’écoles et les regroupements de parents d’écoles ont en effet publiquement dénoncé les malversations systémiques qui ont lieu au PSUGO, comme en font foi plusieurs articles issus d’observations de terrain et parus dans la presse en Haïti : « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (parties I, II et III) – Un processus d’affaiblissement du système éducatif », Ayiti kale je (Akj), AlterPresse, Port-au-Prince, 16 juillet 2014. Voir aussi sur AlterPresse la série d’articles « Le PSUGO, une catastrophe programmée » (parties I à IV), 4 août 2016. Voir également l’article fort bien documenté « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », par Charles Tardieu, Port-au-Prince, 30 juin 2016 ; voir aussi l’article « Le système éducatif haïtien à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO » (par Robert Berrouët-Oriol, Le National, Port-au-Prince, 24 mars 2022).
Selon un rapport réalisé en 2015 par l’Union des parents d’élèves progressistes haïtiens (UPEPH), « le PSUGO subventionne plus de 2 500 écoles fantômes. Ces dernières sont créées par des délégués départementaux, des députés du Bloc pour la stabilité et le progrès (PSP), des sénateurs pro-gouvernementaux et des partis du gouvernement. Le rapport indexe en des termes pour le moins cinglants Kenston Jean-Baptiste, député du Cap-Haitien, qui a pistonné 44 écoles du Nord comptabilisant 812 bénéficiaires. Dans le Sud, poursuit le rapport, sur les 79 établissements privés subventionnés par le PSUGO, 73 sont référencés par des députés. « Il y a six départements du pays où les parlementaires sont beaucoup plus impliqués dans les cas de fraude du PSUGO : la Grande-Anse, le Sud, le Nord, l’Artibonite et le Nord-Ouest » indique le document. » [Le souligné en italiques et gras est de RBO]
Pour mémoire, il y a lieu de rappeler que le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, a une fois et pour la galerie publiquement dénoncé le PSUGO pourtant mis sur pied par ses mentors et parrains politiques Michel Martelly et Laurent Lamothe, les deux grands caïds en chef du PHTK. Mais renouant avec son profond attachement au PHTK, dès son retour, en novembre 2022, à la direction du ministère de l’Éducation nationale, le même Nesmy Manigat a vite fait de reconduire le décrié PSUGO qu’il ne s’était pourtant pas privé auparavant de dénoncer. La presse en avait alors fait état à travers divers articles. Ainsi, « Dans le cadre du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) seules les écoles publiques sont autorisées (sauf dérogation formelle du MENFP) à accueillir la nouvelle cohorte en première année fondamentale 2014-2015. Les enfants déjà en cours de scolarisation à travers le PSUGO poursuivent normalement leur parcours d’études » (voir l’article « Nesmy Manigat reprend les rênes du ministère de l’Éducation nationale », Le Nouvelliste, 26 novembre 2021). Cette décision de reconduire le PSUGO doit être mise en perspective au creux des déclarations antérieures de l’allié de facto du cartel politico-mafieux du PHTK : « Le ministre de l’Éducation Nationale, Nesmy Manigat, affirme que les 85 directeurs d’écoles récemment épinglés pour corruption dans le cadre du PSUGO ne représentent qu’une infirme partie des détournements de fonds publics dans le secteur éducatif. » Et sans identifier les mécanismes institutionnels de ces détournements de fonds publics, il a précisé que « Plusieurs centaines d’écoles sont impliquées dans ces détournements, (…) rappelant que les directeurs corrompus ont des connexions au sein du ministère de l’Éducation » (voir l’article « Important réseau de corruption au sein du PSUGO », Radio Métropole, 13 juillet 2015). [Le souligné en italiques et gras est de RBO] L’on a observé qu’en dépit de ce constat dressé par le ministre de facto de l’Éducation nationale Nesmy Manigat, les directeurs d’écoles épinglés et leurs zélés « correspondants » au sein du ministère de l’Éducation nationale n’ont pas été traduits en justice et ils ont bénéficié de l’obscure impunité qui gangrène le corps social haïtien ainsi que les institutions du pays.
Une recherche documentaire approfondie atteste que le site officiel du ministère de l’Éducation nationale ne fournit aucun bilan statistique exhaustif sur la totalité des sommes reçues par le PSUGO entre 2011 et 2024. Il ne fournit pas non plus le moindre bilan statistique exhaustif sur les sommes totales attribuées par le PSUGO aux écoles à travers le territoire national entre 2011 et 2024. Toutefois, une enquête de terrain conduite par Ayiti Kale Je (Akj) lève le voile et révèle que « 329 écoles nationales auraient été créées dans le cadre du PSUGO, selon le MENFP. Pour 2013–2014, le coût total de la subvention s’élève à 1 935 463 082 gourdes et pour 2014–2015 à 1 492 592 322 gourdes » (voir l’article « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (I), AlterPresse, 16 juillet 2024).
Quant à lui, le tsunami que constitue le Fonds national de l’éducation (FNÉ) dépasse de loin la saga du PSUGO. Pour exposer et analyser les mécanismes de la corruption au FNÉ, en avril et mai 2024 nous avons publié deux articles amplement documentés sur ce Fonds : « Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste » (Rezonòdwès, 20 avril 2024), et « La corruption au Fonds national de l’éducation en Haïti : ce que nous enseignent l’absence d’états financiers et l’inexistence d’audits comptables entre 2017 et 2024 » (Madinin’Art, 3 mai 2024).
Dans ces articles, nous avons rappelé que, fonctionnant à ses débuts sans cadre légal, le Fonds national de l’éducation (FNÉ) a été formellement créé par la Loi du 17 août 2017 à l’initiative des deux principaux caïds du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Michel Martelly et Laurent Lamothe. Nous avons également fait état d’une donnée essentielle, à savoir que le Fonds national de l’éducation, vaste structure gangstérisée de « pompage » des ressources financières de l’État, n’a jamais été inscrit au Budget officiel de l’État haïtien. Il est donc une institution de l’État échappant à tout audit du Parlement haïtien, institution de contrôle de l’action du gouvernement et qui a été atrophiée et frappée de caducité par le PHTK. Il est également attesté que le FNÉ n’a pas fait l’objet, de 2017 à 2024, du moindre audit comptable réalisé par la Cour supérieure des comptes (nous reviendrons là-dessus). Cette absence d’audit administratif et comptable s’observe dans le contexte où la corruption endémique est un sujet majeur de société aussi bien en Haïti qu’à l’échelle internationale comme en témoigne Transparency International dans son imposante étude intitulée « La corruption dans le secteur éducatif / Document de travail » (avril 2007). La corruption systémique dans l’éducation préoccupe également l’UNESCO qui, à travers son Institut international de planification de l’éducation, offre depuis septembre 2020 une formation en ligne intitulée « Transparence, redevabilité et mesures de lutte contre la corruption dans l’éducation ».
Pour mémoire il est utile de rappeler que « Le Fonds national de l’éducation (FNE) est un organisme autonome de financement de l’éducation placé sous la tutelle du ministère chargé de l’Éducation nationale créé par la Loi du 17 août 2017 (Le Moniteur n° 30, vendredi 22 septembre 2017). Le FNE jouit de l’autonomie financière et administrative. Il est doté de la personnalité juridique et sa durée est illimitée » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation). Selon les lois haïtiennes en vigueur, un organisme placé sous la tutelle d’un ministère relève, en termes de hiérarchie administrative, de la responsabilité administrative première du ministre de tutelle comme nous le précisons plus bas.
De manière statutaire, « le Fonds national de l’éducation a pour mission de participer à l’effort de l’éducation pour tous et de gérer les fonds destinés au financement de l’éducation. (…) [Le FNÉ] intervient dans plusieurs domaines, notamment la construction d’infrastructures, la rénovation des bâtiments scolaires, l’appui au Programme de cantines scolaires, le paiement des frais de scolarité, le paiement des frais pour les enseignants, la dotation d’équipements scolaires, le financement de projets éducatifs, l’appui aux études supérieures. (…) La présidence du conseil [d’administration du FNÉ] est assurée par le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle [conformément à l’article 7 de la Loi du 17 août 2017], la vice-présidence par celui de l’Économie et des finances » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation). [Le souligné en italiques et gras est de RBO] L’expansion généralisée de la prévarication au Fonds national pour l’éducation, au creux de la structuration de la corruption dans l’ensemble du système éducatif haïtien, est un sujet majeur de société et comme tel ce « Fonds » a fait l’objet de diverses analyses. Il y a lieu de mentionner l’éclairage analytique de Jesse Jean consigné dans son « Étude de l’aide internationale pour la réalisation de l’éducation pour tous en Haïti » (thèse de doctorat, Université Paris-Est Créteil Val de Marne, 13 janvier 2017). Dans cette thèse de doctorat, Jesse Jean précise que « Le Projet de loi portant création, organisation et fonctionnement du Fonds national pour l’éducation (FNÉ) n’a jamais été ratifié par le Parlement haïtien. Ainsi, l’utilisation du FNÉ n’est toujours pas légale et les taxes sont prélevés tous les jours par l’État haïtien [sont elles aussi illégales] ». De surcroît, « (…) en 2013, soit deux ans après la création du Fonds national pour l’éducation, les montants collectés par exemple sur les appels téléphoniques étaient évalués, d’après les chiffres indiqués par le Conseil national des télécommunications (le CONATEL) à 58 066 400 dollars américains. Et les taxes prélevées sur les transferts d’argent entrants et sortants s’élevaient à plus de 45 238 095 dollars US » (Jesse Jean, op. cit., page 132).
La création du Fonds national pour l’éducation a été aveuglément et complaisamment saluée par l’UNESCO. Ainsi, dans l’article « Haïti : l’UNESCO salue la création d’un Fonds national pour l’éducation », il est dit que « La Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Irina Bokova, s’est félicitée mardi de la création d’un Fonds national pour l’éducation (FNE), lancé par le Président d’Haïti récemment élu Michel Martelly. L’objectif de ce fonds, dont la création a été annoncée le 26 mai [2011], est de mobiliser les ressources financières afin de scolariser les enfants les plus défavorisés. Doté de 360 millions de dollars sur une période de cinq ans, ce fonds est le plus important jamais créé pour les enfants non scolarisés. Le FNE est un consortium multisectoriel qui réunit le gouvernement haïtien, le secteur privé, les institutions financières internationales et les organisations non gouvernementales (ONG). Il est financé majoritairement par le prélèvement de 0,05 dollar sur les appels internationaux entrants et de 1,5 dollar prélevé sur chaque transfert international de fonds ». (Source : ONU Info, 14 juin 2011 ; les italiques et gras sont de RBO). À ce chapitre, il ne faut pas perdre de vue que le FNE, consortium multisectoriel regroupant notamment les institutions financières internationales, n’est pas inscrit au budget de la République d’Haïti et n’est pas de ce fait soumis au contrôle du Parlement : il ne rend compte qu’au pouvoir politique détenu frauduleusement depuis onze ans par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste…
Vaste structure de corruption et de pillage des ressources financières de l’État haïtien, le Fonds national de l’éducation a été l’objet de nombreuses dénonciations citoyennes. Ainsi, « Depuis sa création, le Fonds national de l’éducation a (…) fait l’objet de vives critiques notamment pour sa gestion occulte. En effet, PERSONNE NE SAIT AVEC PRÉCISION LE MONTANT TOTAL DES SOMMES COLLECTÉES, DE 2017 À 2024, AU NOM DU FONDS NATIONAL DE L’ÉDUCATION PAR LA BANQUE CENTRALE ET LE CONATEL (Conseil national des télécommunications). L’absence de transparence dans la gestion du FNÉ a même suscité l’inquiétude de certains secteurs de la société civile. À ce propos, voici ce que le dirigeant de l’initiative de la société civile (ISC) Rosny Desroches eut à déclarer le 7 aout 2012 : « L’orientation que prend ce Fonds nous inquiète en tant que citoyen, car elle va dans le sens de la concentration des pouvoirs aux mains de l’Exécutif, de l’affaiblissement du Ministère et de la négation des principes démocratiques de participation, de contrôle, de transparence, d’équilibre des pouvoirs » (…) Initialement, lorsque le chef de l’État [Michel Martelly] a lancé le Fonds national de l’éducation, il projetait de collecter au moins 180 millions de dollars sur les appels téléphoniques et le même montant sur les transferts pendant une période de cinq ans. Ce qui revient à dire qu’il voulait collecter un montant de 360 millions de dollars sur cinq ans pour scolariser 1, 5 million de jeunes haïtiens privés d’éducation. Et selon les calculs faits par le pouvoir, quand il combine les deux taxes, celles-ci devraient rapporter au moins 8 millions de dollars par mois pour alimenter le FNÉ. (…) Le 30 septembre 2011, le principal conseiller de Michel Martelly en éducation, George Mérisier (…) a annoncé que 28 millions de dollars US avaient déjà été collectés dans le cadre du financement du Fonds national de l’éducation. (…) Le vrai scandale éclatera lorsque, le 7 janvier 2012, dans un article du New York Times, Denis O’Brien, fondateur de la Digicel, a déclaré que sa compagnie avait déjà versé 11.1 millions de dollars américains au CONATEL. Il a indiqué également qu’il en avait parlé au président Martelly des rumeurs concernant les 26 millions de dollars manquants et qu’il allait en faire une affaire personnelle. Il réclame un audit. Dans une note rendue publique le 10 janvier 2012, la compagnie confirme les déclarations du patron et annonce que le virement des frais de décembre se ferait le 20 janvier pour un montant de 1.945 million de dollars américains. Ce qui porte à 13 millions de dollars américains le montant total des frais versés seulement par la Digicel au CONATEL sans compter les autres opérateurs téléphoniques présents sur le marché haïtien » (source : New York Times, 7 janvier 2012, cité dans l’article « Où est l’argent du Fonds national de l’éducation ? », Haïti liberté, 29 janvier 2013). Toujours au chapitre des recettes amassées par le Fonds national de l’éducation, Joseph Frantz Nicolas, le directeur général sortant du ministère de l’Éducation, a publiquement déclaré « qu’avec un peu plus de 7 milliards 521 millions de Gourdes versées dans ce Fonds, plus de 5 milliards 513 millions ont été investis de 2018 à 2021 dans divers chantiers et programmes résumant l’utilisation de ces fonds durant ses 3 ans en poste » (voir l’article « Haïti – Éducation : Fonds national de l’éducation, 5 milliards 1/2 investi en 3 ans », Haïti liberté, 22 décembre 2021). Joseph Frantz Nicolas n’a toutefois fourni aucune information documentée sur un éventuel audit comptable de l’utilisation de ces énormes recettes qui, faut-il encore le rappeler, ne sont pas inscrites dans le Budget de l’État haïtien et ne sont l’objet d’aucun contrôle du Parlement. L’on observe que l’absence avérée du moindre audit comptable des recettes et des dépenses du Fonds national de l’éducation, de 2017 à 2024, contribue puissamment à la STRATÉGIE D’INVISIBILISATION de la corruption et du détournement des ressources financières du secteur de l’éducation en Haïti.
Sur le registre de la reddition des comptes que la société haïtienne a le droit d’exiger des administrateurs du Fonds national de l’éducation et au chapitre des responsabilités administratives statutaires de celui qui a été jusqu’à tout récemment son ministre de tutelle, l’économiste Nesmy Manigat, nous avons effectué une consultation méthodique du site officiel du Fonds national de l’éducation, en particulier à la sous-rubrique « Financement de l’éducation ». Nous avons constaté que cette sous-rubrique ne présente aucun tableau récapitulatif de la totalité des interventions présumées du FNÉ au chapitre du financement de l’éducation de 2017 à 2024. Or l’on observe que c’est précisément à ce chapitre que se nouent toutes LES STRATÉGIES D’INVISIBILISATION de la corruption et du détournement des ressources financières du secteur de l’éducation en Haïti : RENDRE INVISIBLES ET NON TRAÇABLES LES DIVERSES OPÉRATIONS DE DÉTOURNEMENT DES RESSOURCES FINANCIÈRES DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION CONSISTE À LES MAQUILLER, À LES RENDRE INDISPONIBLES, À LES SOUSTRAIRE À DES AUDITS COMPTABLES… Sur le site officiel du Fonds national de l’éducation, la sous-rubrique « Financement de l’éducation » a souvent recours à des « reportages » de divertissement, aux « promenades » d’inspection des chantiers effectuées par le directeur du FNÉ plutôt qu’à l’exposé documenté et analytique de la gestion financière de la totalité des interventions présumées du FNÉ de 2017 à 2024… C’est précisément en cela que réside l’opacité managériale du Fonds national de l’éducation, c’est sur ce registre que son « système dilapidateur » trouve son ancrage le plus… payant. En clair, c’est précisément au chapitre des STRATÉGIES D’INVISIBILISATION de la corruption et du détournement des ressources financières du secteur de l’éducation en Haïti que se situe la responsabilité politique et administrative de l’ex-ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, ainsi que celle de Patrick Boisvert, ex-ministre de facto des Finances et vice-président du Conseil d’administration du Fonds national de l’éducation. Selon les lois haïtiennes actuellement en vigueur, l’Unité de lutte contre la corruption et la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif ont l’obligation de s’auto-saisir du dossier de la corruption au PSUGO et au Fonds national de l’éducation : selon leurs chartes constitutives, elles disposent de toutes les provisions légales pour interpeller l’économiste Nesmy Manigat, l’ex-ministre ministre de tutelle de ces deux organismes du secteur de l’éducation. Pareillement, l’ULCC et la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif disposent de toutes les provisions légales pour interpeller Patrick Boisvert puisqu’il a été vice-président du Conseil d’administration du Fonds national de l’éducation.
Néanmoins, il faut prendre toute la mesure que la combinaison de relais légaux et de relais invisibles et intraçables au Fonds national de l’éducation est couverte, dans la Loi du 17 août 2017, par l’inexistence de mesures contraignantes de contrôle des états financiers du FNÉ. En effet, au chapitre 2 (article 10.(o), Section I) de cette loi, il est stipulé que « Le Conseil d’administration a pour attributions « (…) d’examiner le rapport du vérificateur externe, [de] faire le suivi des avis émis par ce dernier et [de] faire publier le rapport d’audit dans les six mois suivant la clôture de l’exercice ». Pareille formulation ne comprend d’évidence aucune mesure contraignante et aucun document consigné sur le site officiel du Fonds national de l’éducation n’atteste que cette attribution a été respectée de 2017 à 2024. Il est à cet égard hautement significatif que le site officiel du Fonds national de l’éducation ainsi que celui du ministère de l’Éducation nationale ne consignent aucun document attestant que, de 2017 à 2024, l’ex-ministres de l’Éducation nationale et l’ex-ministre des Finances aient sollicité et obtenu un audit comptable de la totalité des sommes reçues et des sommes dépensées au Fonds national de l’éducation. L’absence d’audit comptable au Fonds national de l’éducation, de 2017 à 2024, constitue un élément majeur de la combinaison des relais invisibles et intraçables ancrés au cœur d’une chaîne systémique de corruption dans l’ensemble du système éducatif national. L’ex-Président du Conseil d’administration du FNÉ, Nesmy Manigat, ainsi que l’ex-Vice-président du FNÉ, Patrick Boisvert, en se soustrayant aux obligations énoncées au chapitre 2 (article 10.(o), Section I) de la Loi du 17 août 2017, contribuent directement à l’expansion et à la consolidation de la corruption dans le système éducatif national. À ce compte et tel que mentionné auparavant, l’ULCC et la Cour supérieure des comptes ont l’obligation de s’auto-saisir du dossier de la corruption au Fonds national de l’éducation pour la période allant de 2017 à 2024.
C’est sans doute cet ensemble de motifs d’ordre juridique qui est au fondement de la récente perquisition de l’ULCC au Fonds national de l’éducation : « Des enquêteurs de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) ont perquisitionné les locaux du Fonds national de l’éducation (FNE) ce mardi 4 juin 2024. « Oui, j’ai donné un ordre de perquisition aux enquêteurs de l’ULCC ce matin concernant le FNE. L’ULCC a reçu plusieurs signalements, plaintes et dénonciations sur d’éventuels faits importants de corruption », a confié à Le Nouvelliste le directeur de l’ULCC, Me Hans Ludwig Joseph. « Cette perquisition, a-t-il poursuivi, fait partie d’une série d’actes d’enquête en cours. Les enquêteurs, dont des investigateurs numériques, sont sur les lieux pour collecter des données informatiques, faire la saisie de documents comptables et administratifs et auditionner des personnes indexées et tous autres concernés », a indiqué Me Joseph » (voir l’article « Des enquêteurs de l’ULCC ont perquisitionné le FNE », Le Nouvelliste, 4 juin 2024). L’enquête ouverte par l’ULCC « sur d’éventuels faits importants de corruption » au Fonds national de l’éducation revêt une importance majeure : il faudra à très court terme déterminer si cette enquête visera l’ex-Président du Conseil d’administration du FNÉ, Nesmy Manigat, ainsi que l’ex-Vice-président du FNÉ, Patrick Boisvert qui, en se soustrayant aux obligations énoncées au chapitre 2 (article 10.(o) section I) de la Loi du 17 août 2017, contribuent directement à l’expansion et à la consolidation de la corruption dans le système éducatif national. Cette dimension judiciaire de l’action de l’ULCC « sur d’éventuels faits importants de corruption » au Fonds national de l’éducation est d’autant plus incontournable que Nesmy Manigat et Patrick Boisvert n’ont à aucun moment reçu « décharge » de la tutelle administrative qu’ils ont exercée au Conseil d’administration du FNÉ. Les juristes dont nous avons sollicité l’éclairage précisent que la « décharge » consiste, pour l’institution de contrôle des comptes publics, à constater qu’aucune irrégularité n’a été commise dans la gestion des deniers publics par un comptable public ou un ordonnateur et à tirer comme conséquence qu’aucune charge ne pèse sur l’intéressé. Il n’a aucun remboursement à faire au Trésor public ni amende à payer. S’il y a irrégularité, il y a mise en débet de l’intéressé qui est tenu de rembourser le manquant de ses propres deniers et peut encourir des poursuites pénales s’il y a eu corruption. La Cour supérieure des comptes est compétente dans le cas des comptables publics (relevant du ministère des Finances) et des ordonnateurs non-ministres (directeurs généraux, maires, etc.). »
L’on observe toutefois que les provisions légales dont disposent l’ULCC et la Cour supérieure des comptes peuvent être contestées et/ou déclarées inopérantes en raison de ce qui s’apparente à des stratégies légales de camouflage contenues dans des lois qui parfois se contredisent : la législation haïtienne comprend en effet des dispositions qui d’une part mettent certains ordonnateurs des finances de l’État (ministres, hauts fonctionnaires) à l’abri de poursuites légales, et d’autre part autorisent de telles poursuites (voir plus haut les obligations énoncées au chapitre 2 (article 10.(o), section I) de la Loi du 17 août 2017).
Sur le registre des stratégies légales de camouflage, l’on observe que l’article 37-1 du Décret du 17 mai 2005 ne peut être appliqué dans l’actuelle conjoncture en Haïti puisque le Parlement a été mis hors circuit par le PHTK qui n’a organisé aucune élection législative depuis 2015. Cet article dispose que « Le ministre est aussi personnellement responsable de la politique sectorielle relevant de sa compétence. À cet effet, il répond par-devant le Parlement de tout fait et acte du Ministère, des Services techniques déconcentrés du Ministère et des Organismes autonomes placés sous sa tutelle » (« Décret portant organisation de l’administration centrale de l’État », 17 mai 2005). Dans la mesure où le Parlement, dès 2015, a cessé de fonctionner faute d’élections, le mécanisme de comparution des ministres par-devant cette instance législative –prévu à l’article 158 de la Constitution de 1987–, est devenu inopérant. De 2015 à 2024, aucun des ministres du PHTK n’a donc eu à rendre des comptes au Parlement, ce qui de facto les a mis à l’abri de toute poursuite judiciaire pour d’éventuels actes de corruption et leur a conféré par défaut une immunité politique de facto. Les responsabilités politico-administratives et financières de Nesmy Manigat et de Patrick Boisvert à la présidence du Conseil d’administration du Fonds national de l’éducation n’ont donc jamais été soumises à l’évaluation et à la sanction du Parlement, ce qui signifie, au plan juridique et constitutionnel, qu’ils n’ont toujours pas rendu compte de leur gestion au Fonds national de l’éducation et qu’ils n’ont reçu aucune « décharge » les autorisant à occuper de nouvelles fonctions ministérielles. À cet égard, et en stricte lecture des prescrits de la Constitution de 1987, Nesmy Manigat est hors-la-loi et Gary Conille est lui aussi hors-la-loi, sur plusieurs registres et y compris lorsqu’il a nommé l’ex-ministre de l’Éducation nationale Directeur de cabinet avec rang de ministre : aucun des deux n’a obtenu une quelconque « décharge » de leur gestion ministérielle passée au service du PHTK néo-duvaliériste. Cela s’éclaire du fait, comme nous l’avons mentionné au début de cet article, qu’Haïti, sous la férule du PHTK néo-duvaliériste, est depuis onze ans le haut-lieu du gangstérisme politique, de la criminalisation du pouvoir d’État, de la corruption et de la sous-culture de l’impunité.
La problématique que nous désignons par l’expression stratégies légales de camouflage dans la législation haïtienne est repérable dans l’article du juriste Sonet Saint-Louis, « Les hauts fonctionnaires de l’État sont-ils intouchables sous le régime de la démocratie et de l’État » (Le National, 17 septembre 2021). Il expose que « L’égalité des citoyens devant la loi, ce principe témoin de l’État de droit, est consacré à l’article 18 de la Constitution [haïtienne de 1987]. Dès lors, il n’y a pas une procédure pour les grands fonctionnaires et une pour le citoyen ordinaire, l’application de la loi étant la même pour tous. En vertu de ce principe, personne ne peut être juge ou interprète de sa propre cause. C’est la fin de l’absolutisme ». (…) Le juriste précise par ailleurs que « L’article 90 du Code pénal qui fait injonction au juge de demander l’autorisation du Président en ce qui concerne la comparution des hauts fonctionnaires de l’État devant la justice ordinaire n’a pas sa place puisque nous sommes dans une nouvelle perspective : on est passé de la justice du Président à celle encadrée par l’État de droit. Autrement dit, la force du Président ou celle du Roi a été [remplacée] par celle de l’État de droit démocratique. Les hauts fonctionnaires de l’État ne sont plus responsables devant le Roi, mais leur sort relève de la Constitution et [de] la loi. Le Premier ministre et les membres de son cabinet ministériel sont responsables devant le Parlement (art. 158 de la Constitution). La Constitution a établi un mécanisme par lequel les membres du pouvoir exécutif et les autres grands commis de l’État sont justiciables (art. 185 et suivants). La Haute Cour de justice n’efface pas le tribunal de droit commun : elle ne prononce que la sanction politique et administrative à l’encontre des hauts fonctionnaires de l’État. Elle est la mise œuvre de la fonction juridictionnelle du Parlement, destinée à sanctionner les hauts fonctionnaires de l’État coupables de délits et de crimes dans l’exercice de leurs fonctions ».) [Le souligné en italiques et gras est de RBO]
Corruption, impunité, immunité, décharge : lorsque LE politique a préséance sur LE juridique et LE constitutionnel
Pour sa part, le juriste Samuel Madistin aborde la question de l’immunité parlementaire dans une entrevue accordée à AlterRadio, « L’immunité parlementaire, une entrave à la lutte contre la corruption en Haïti, selon Samuel Madistin de la Fondasyon Je Klere » (AlterPresse, 13 novembre 2018). Dans cette entrevue, Samuel Madistin expose que « L’immunité parlementaire représenterait une entrave à la lutte contre la corruption en Haïti », selon le président de la Fondasyon Je Klere (Fjkl), Samuel Madistin, dans une interview accordée à AlterRadio. Des parlementaires qui possèdent des firmes sont impliqués dans le dossier de dilapidation (présumée) des fonds Petro-Caribe. Ils ont aussi des explications à fournir à la justice haïtienne. Mais, la question de l’immunité peut tout faire chambarder », pense-t-il. Il souhaite une articulation des lois haïtiennes avec les conventions internationales dans le traitement éventuel de grands dossiers de corruption. Dans un rapport en date du 5 novembre 2018, la Fondasyon Je Klere a exhorté le gouvernement et le Parlement à adopter une loi, appelée à lever les obstacles à la réalisation du procès PetroCaribe, notamment les immunités. Plusieurs anciens hauts fonctionnaires de l’État, dont deux anciens Premiers ministres, ainsi que des responsables de firmes de construction, impliquées dans des appels d’offres suspects, ont été pointés du doigt dans la dilapidation de plus de 3 milliards de dollars américains (…) dans la gestion du programme d’aide vénézuélienne PetroCaribe ».
L’on a bien noté toutefois que le « Décret portant organisation de l’administration centrale de l’État » du 17 mai 2005 consigne plusieurs obligations dévolues aux hauts fonctionnaires membres du gouvernement. Ainsi, l’article 38 de ce décret fait obligation aux ministres, au terme de l’exercice fiscal, d’adresser au Premier ministre un bilan des activités financières de leurs ministères. L’article 38-1 dispose que « le bilan financier des ministres est intégré au Rapport financier complet que le gouvernement adresse à la Cour supérieure des comptes ainsi qu’au Parlement pour permettre aux membres du gouvernement d’obtenir décharge de leur gestion ». Et de manière cohérente, l’article 137-8 du Décret de mai 2005 expose clairement une obligation impartie aux membres du gouvernement, celle d’« Avoir reçu décharge de sa gestion si on a été comptable des deniers publics » (nous reviendrons là-dessus). L’obtention de la décharge est donc le lieu d’âpres tractations sinon de magouilles politiciennes lorsqu’il s’agit d’instituer l’« invisibilisation » de la corruption » que nous avons évoquée au début de cet article. Ainsi, les institutions de la société civile haïtienne, les juristes et la Fédération des Barreaux d’Haïti ont été sidérés lorsque le Président « pope twèl », Jovenel Moïse, zélé homme de main du PHTK néo-duvaliériste, a en vain fomenté un obscur et magouillant « coup d’État juridique » en publiant l’Arrêté du 4 juillet 2021. Illégale et foulant aux pieds le principe de la hiérarchie des Lois, cette décision était destinée à accorder –par l’émission d’un simple « Arrêté » et en violation de la Constitution de 1987–, l’immunité totale aux ministres et hauts fonctionnaires de l’État ayant été en poste de 1991 à 2017. Cette inconstitutionnelle et intrigante irruption du politique dans le champ juridique est adéquatement auscultée dans l’article « Que dit la Loi ? Des décharges pour les comptables des deniers publics » (Haïti progrès, 31 juillet 2017). L’on y lit que « Par un simple arrêté, le 4 juillet 2021, Jovenel Moïse a pris [la] décision d’accorder décharges pleines et entières à un ensemble de hauts fonctionnaires de l’État, tous ayant été ministres, de 1991 à 2017. (…) La décharge étant un acte administratif libérant un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire de tout doute qui pourrait exister concernant sa gestion des affaires de l’État, au cours d’une période bien définie, la Constitution prévoit les procédures selon lesquelles elle est accordée. (…) À l’exception des ministres qui sont soumis au contrôle du Parlement, tous les autres fonctionnaires sont soumis à la décision de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif. L’article 200 de la Constitution [dispose que] « La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif est une juridiction financière, administrative, indépendante et autonome. Elle est chargée du contrôle administratif et juridictionnel des recettes et des dépenses de l’État, de la vérification de la comptabilité des entreprises de l’État ainsi que de celles des collectivités territoriales ». (…) tous les gestionnaires des fonds publics sous soumis au contrôle de la Cour supérieure des comptes. Cependant, pour les ministres, nos constituants ont su partager cette tache entre la Cour et le Parlement. Et c’est l’article 233 de la Constitution qui [le] dit : « En vue d’exercer un contrôle sérieux et permanent des dépenses publiques, il est élu au scrutin secret, au début de chaque session ordinaire, une commission parlementaire de quinze membres dont neuf députés et six sénateurs, chargée de rapporter sur la gestion des ministres pour permettre aux deux Assemblées de leur donner DÉCHARGE ». (…) Il est clair que la seule instance habilitée à accorder décharge à un ancien ministre, c’est le Parlement. Toute décision de la part d’un autre organe pour donner décharge à un ministre, est nulle et non avenue ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO] Il faut donc prendre toute la mesure, sur ce registre, que le président de la République, les ministres, les juges de la Cour de cassation, les conseillers à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif relèvent d’abord de la Haute Cour de justice en vue d’être soumis à une procédure de destitution et mis à la disposition des juridictions pénales pour jugement et éventuelle condamnation. L’article 185 de la Constitution en fixe les fondements juridiques et constitutionnels.
La tentative de « coup d’État juridique » fomentée par le Président « pope twèl » Jovenel Moïse via l’émission de l’Arrêté du 4 juillet 2021 est particulièrement symptomatique de la gouvernance instituée en Haïti par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste : une gouvernance arrimée à la criminalisation du pouvoir d’État, foncièrement inconstitutionnelle, qui ne respecte pas les Lois de la République et qui foule aux pieds le principe de la hiérarchie des normes dans l’appareillage juridique du pays.
NOTE relative au principe de la hiérarchie des normes — L’ordre juridique n’est (…) pas constitué d’un ensemble de normes placées au même rang. Certaines normes sont supérieures à d’autres. L’ordre juridique obéit donc à un schéma pyramidal. Les sources du droit, les différents types de normes juridiques sont hiérarchisées. La norme inférieure ne peut déroger à la norme supérieure. Il y a une exigence de cohésion. Le non-respect de cette hiérarchie normative est sanctionné par des mécanismes établis à cet effet. La manière dont les normes sont classées dans la hiérarchie varie en fonction de l’espace et du temps. Ainsi, la hiérarchie n’est pas forcément la même d’un pays à l’autre ou, à l’intérieur du même pays d’une époque à une autre. En effet, elle est établie dans les règles constitutionnelles en vigueur.
L’ordre juridique haïtien correspond également à cette configuration.
La Constitution peut être appréhendée selon une conception matérielle ou selon une conception formelle. La première range sous l’appellation de constitution toutes les normes portant sur l’organisation des pouvoirs publics et assurant la protection des droits des gouvernés. Nous retenons ici la conception formelle en vertu de laquelle la Constitution est un ensemble de normes dont les procédures d’adoption et de révision diffèrent par leur solennité de la procédure législative ordinaire.
Souvent qualifiée de loi fondamentale, la Constitution se situe donc au sommet de la hiérarchie des normes. Elle pose les règles fondamentales d’organisation et de fonctionnement de l’État et de la société. Elle assure également la garantie des droits de la personne principalement contre les abus susceptibles d’être commis par la puissance publique, détentrice du monopole de la contrainte organisé. Son importance dans la hiérarchie des normes explique, comme susdit, la solennité de son adoption et de ses procédures de modification. La constitution présentement en vigueur en Haïti est celle adoptée par voie référendaire le 29 mars 1987. Toutes les autres normes sont soumises à une exigence de conformité par rapport à la Constitution. (Sur la notion de « hiérarchie des normes, voir Jérôme Aubert, « La hiérarchie des normes », dans « L’essentiel de l’introduction au Droit », Éditions Ellipses, 2018 ; voir aussi Raphaël Roger, « La hiérarchie des normes : un système de limitation des pouvoirs », Contrepoints, 2 octobre 2021 ; voir également Éric Millard, « La hiérarchie des normes », Revus, 21 | 2013 ; voir enfin Pierre Brunet, de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, « Les principes généraux du droit et la hiérarchie des normes », ResearchGate, octobre 2006.)
Le mode de gouvernance kleptocratique de l’État haïtien se donne à voir dans le récent « choix parachuté » de la « vedette médiatique » du PHTK, Nesmy Manigat, au poste de Directeur de cabinet de Gary Conille avec rang de ministre. Comme nous l’avons auparavant mentionné, il est attesté qu’avant sa nomination à titre de Directeur de cabinet du Premier ministre Gary Conille avec rang de ministre, Nesmy Manigat n’a pas obtenu l’obligatoire « décharge » et le Premier ministre Gary Conille –qui lui non plus n’a reçu aucune « décharge » pour les actes administratifs et financiers qu’il a posés lorsqu’il était le Premier ministre PHTKiste de Michel Martelly–, n’a pas évoqué publiquement un quelconque audit comptable de la gestion de Nesmy Manigat à la direction du ministère de l’Éducation et encore moins à la présidence du Conseil d’administration du Fonds national de l’éducation… L’observation objective des faits atteste que le Premier ministre Gary Conille a procédé à la nomination de Nesmy Manigat, à titre de Directeur de son cabinet avec le statut de ministre, en dehors de la moindre « décharge » et en l’absence de tout audit comptable de son administration à l’Éducation nationale. Et la société civile haïtienne a bien enregistré que la nomination de Nesmy Manigat consacre l’arrivée en force du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste au plus haut niveau de l’actuel Exécutif, ce qui conforte la prévisible « consanguinité politique » entre les deux administrations, celle des caïds attitrés du PHTK (Claude Joseph, Joseph Jouthe, Jovenel Moïse, Ariel Henry) et celle aujourd’hui conduite par Gary Conille. Il est invraisemblable que Gary Conille –vieux routier de la haute Administration publique haïtienne–, « ignore » les prescrits légaux et constitutionnels relatifs à la « décharge ». Il est tout aussi invraisemblable qu’au moment de nommer la « vedette médiatique » du PHTK néo-duvaliériste Nesmy Manigat au poste de Directeur de cabinet, Gary Conille ait « oublié » de tels prescrits légaux et constitutionnels.
Le Premier ministre Gary Conille est donc en contravention flagrante avec la Loi et la Cour de cassation dispose de provisions légales pour invalider la nomination de Nesmy Manigat à titre de Directeur du cabinet de Gary Conille. Sous réserve d’un avis motivé de la Fédération des Barreaux d’Haïti, nous assumons qu’il est juridiquement fondé de poser que la Cour de cassation dispose de provisions légales pour invalider toutes les autres décisions politico-administratives prises par le Premier ministre Gary Conille… Le fait que l’actuelle gouvernance politique du pays ait été lourdement imposée à la population haïtienne par l’International à travers une structure de « poker menteur » —le « Conseil présidentiel de transition »–, ne saurait en aucun cas consacrer dans la durée et encore moins « légitimer » une transition politique parfaitement inconstitutionnelle et illégale… En l’espèce, nous sommes en présence d’une transition politique tout à fait illégale et inconstitutionnelle où chacune des « parties prenantes » s’efforce de faire croire qu’elle agit « exceptionnellement » mais de manière… légale : résoudre la crise politique haïtienne devrait donc nécessairement passer par des mesures « exceptionnellement » illégales et inconstitutionnelles… Il est aisé de constater qu’aucun des éternels « pays amis » d’Haïti, aucun des membres de la CARICOM n’a une seule fois fabriqué de toute pièce une structure de « poker menteur » –à l’instar du « Conseil présidentiel de transition »–, pour résoudre une crise politique majeure dans leurs pays respectifs… Les éternels « pays amis » d’Haïti et les membres de la CARICOM n’ont pourtant pas hésité à imposer une « solution miracle » à Haïti, une structure de « poker menteur » à géométrie variable –le « Conseil présidentiel de transition »–, qu’ils n’oseraient même pas imaginer pouvoir installer dans leurs pays respectifs…
Dans une dépêche intitulée « De la retraite gouvernementale : Garry Conille fixe les règles du jeu » datée du 22 juin 2024, le site Gazettehaiti expose que « Le Premier ministre Garry Conille a clôturé ce samedi 22 juin 2024 la retraite gouvernementale, deux journées qui lui ont permis de fixer les règles du jeu pour son gouvernement. Dans son discours de clôture, Conille s’est félicité des résultats obtenus ». (…) Le site Gazettehaiti révèle que « Le premier ministre a demandé la suspension des collectes de fonds non fiscalisées au sein des différents Ministères et a insisté pour que ceux-ci travaillent en étroite collaboration avec le ministère de l’Économie et des finances ». Le site Gazettehaiti ne précise toutefois pas si, en formulant cette « demande », le Premier ministre Gary Conille aurait (1) ordonné, par l’émission d’un décret d’application immédiate, « la suspension immédiate des collectes de fonds non fiscalisées au sein des différents Ministères » —source de corruption et de détournements massifs des ressources financières de l’État, et (2) si le Premier ministre aurait « oublié » que « La présidence du conseil [d’administration du Fonds national de l’éducation est assurée par le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, la vice-présidence par celui de l’Économie et des finances » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation) : les deux ex-ministres Nesmy Manigat et Patrick Boisvert sont pourtant comptables et imputables des deniers publics aux termes de la Loi du août 2017 portant création du Fonds national de l’éducation. Mais il est peu vraisemblable que cette donnée majeure de la gestion administrative et financière de l’État –consignée dans la Loi du août 2017 portant création du Fonds national de l’éducation–, ait échappé à Gary Conille puisqu’il est familier des arcanes de la gouvernance aux sommets olympiens de la haute administration d’organisations internationales… Une question demeure toutefois ouverte à laquelle devront répondre les juristes haïtiens, les constitutionnalistes et la Fédération des Barreaux haïtiens : un Premier ministre par intérim, lui-même nommé inconstitutionnellement, dispose-t-il de provisions légales l’autorisant à émettre un décret d’application immédiate ordonnant « la suspension immédiate des collectes de fonds non fiscalisées au sein des différents Ministères » ? En clair, Gary Conille a-t-il le droit sinon l’obligation, selon les lois haïtiennes, d’ordonner à la CONATEL et à la Banque de la République d’Haïti de suspendre tout transfert de fonds en direction du Fonds national de l’éducation et du PSUGO et de placer les sommes visées dans un compte « gelé », en fidéicommis, en attendant un rapport d’audit comptable exhaustif de la gestion financière du Fonds national de l’éducation et du PSUGO ? En toute rigueur et de manière plus essentielle, l’on doit prendre toute la mesure que Gary Conille n’a pas émis un quelconque décret d’application immédiate ordonnant à la Banque de la République d’Haïti –qui dispose de toutes les statistiques spécifiques relatives à toutes les recettes de l’État–, de révéler (1) le montant total des sommes collectées pour le Fonds national de l’éducation entre 2017 et 2024, et (2) le montant total des dépenses effectuées à partir de ces fonds entre 2017 et 2024. Au moment où nous écrivons cet article, l’on ne sait toujours pas le montant total des sommes collectées pour le Fonds national de l’éducation entre 2017 et 2024 ni par qui ces sommes ont été dépensées et/ou détournées… Et de manière liée, Gary Conille, depuis son arrivée à la Primature, n’a pas non plus émis un quelconque décret d’application immédiate ordonnant de geler les dépenses non fiscalisées de toutes les sociétés d’État qui engrangent habituellement de très fortes recettes non fiscalisées –entre autres l’Autorité portuaire nationale (APN), l’Électricité d’Haïti (ED’H), la TÉLÉCO/NATCOM, l’Administration générale des douanes, etc.
La plus récente « profession de foi » de Gary Conille en matière de transparence et de lutte contre la corruption se donne à voir au creux d’un article fort pertinent publié par AlterPresse le 21 juin 2024, « Haïti-Crise : « Tolérance zéro » contre les agent-e-s de corruption, dixit Garry Conille ». Alterpresse rapporte que « Le nouveau premier ministre de la transition en Haïti, Dr. Garry Conille, promet, d’un ton tranchant, d’appliquer une tolérance zéro contre la corruption qui gangrène l’Administration publique en Haïti, en conférence de presse le jeudi 20 juin 2024, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse. (…) Une série de dispositions structurelles immédiates vont ệtre prises, en vue d’éradiquer le phénomène de la corruption au sein de l’administration publique en Haïti, en tenant compte de la réalité du moment, annonce le chef du gouvernement de transition. (…) Il faut également interdire [aux] Administrations de mettre sur pied des systèmes parallèles de collectes de fonds publics, non fiscalisés et non budgétisés, pour des paiements d’urgence, en contrepartie d’un service public ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO] Comme pour le Fonds national de l’éducation, comme pour le PSUGO et comme pour toutes les sociétés d’État qui engrangent habituellement d’énormes recettes non fiscalisées –entre autres l’Autorité portuaire nationale (APN), l’Électricité d’Haïti (ED’H), etc.–, nous sommes une fois de plus sur le registre de l’apparence, du déclaratif et de la mise en scène d’un régime politique qui prétend vouloir et pouvoir « faire du neuf avec du vieux »… Il est invraisemblable qu’un Exécutif politique dirigé par des « bandits légaux », au cœur d’un véritable cartel politico-mafieux principalement caractérisé par la criminalisation du pouvoir d’État adossé au démantèlement des institutions de l’État, puisse mettre en application la « tolérance zéro » contre les agent-e-s de corruption » annoncée par le Premier ministre Garry Conille le 20 juin 2024. Cette « vertueuse » déclaration de lutte « contre la corruption qui gangrène l’Administration publique en Haïti », depuis qu’elle a été émise, n’a en effet été suivie d’aucune mesure d’application, identifiable et mesurable, comme d’ailleurs c’est le cas de la lutte contre l’insécurité et la violence des gangs armés…
La nomination illégale et inconstitutionnelle d’un « Premier ministre bis » en la personne de Nesmy Manigat au poste de Directeur de cabinet du Premier ministre avec rang de ministre est incontestablement une clause de continuité politique donnant-donnant entre différentes factions néo-duvaliéristes encore actives sur le terrain et à l’échelle du pays tout entier. Sanglé dans ses neufs habits de vertueux et efficace fonctionnaire international, Gary Conille s’est attelé à rendre crédible une transition politique dont les modalités d’exécution ont été décidées par l’International à travers la pieuse et œcuménique médiation d’un impuissant et mutique cartel régional dénommé la CARICOM… Mais l’International, grand expert en stratégies transnationales, a placé aux côtés de Gary Conille, donc au sommet du nouvel Exécutif et avec l’assentiment du noyau dur du PHTK, son propre « expert » en gestion des affaires politiques de l’État : Nesmy Manigat, brillant et vertueux ex-fonctionnaire du Partenariat mondial pour l’éducation…
En définitive, l’expansion de la corruption dans le système éducatif haïtien légitimée par la « vedette médiatique » du PHTK néo-duvaliériste Nesmy Manigat se trouve confortée par la configuration sociale et économique du pays, par les caractéristiques de la criminalisation du pouvoir d’État accaparé par les différents clans du PHTK néo-duvaliériste et par l’intrusion impériale constante du Département d’État américain dans les affaires d’un pays, Haïti, ayant perdu tous les attributs politiques et constitutionnels de la souveraineté. Mais en dépit des actions violentes des gangs armés plus ou moins liés au PHTK, aux partis politiques et au secteur mafieux de la bourgeoisie compradore, la société civile haïtienne est loin d’avoir baissé les bras. En 2018, elle a pris le chemin du combat citoyen solidaire lorsque huit organisations ont décidé de faire cause commune pour s’attaquer aux problèmes de la corruption et de la gouvernance en Haïti. Après diverses rencontres et discussions autour de la question, ces organisations ont décidé de former une association dénommée Ensemble contre la corruption (ECC).
Les organisations fondatrices l’ECC sont les suivantes :
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RNDDH (Réseau national de défense des droits humains)
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CONHANE (Conseil haïtien des acteurs non étatiques)
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PAJ (Plateforme pour une alternative de justice)
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CARDH (Centre d’analyse et de recherche en droits humains)
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CE-JILAP (Commission Episcopale Justice et Paix)
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CEDH (Centre œcuménique des droits humains)
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CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement)
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SKL (Sant Karl Lévêque).
Montréal, le 13 août 2024