La vie chère avec des prix de plus en plus faramineux promet -t-elle une rentrée explosive aux Antilles ?

— Par Jean-Marie Nol, économiste —

La situation socio-économique en Martinique et en Guadeloupe est marquée par une montée des tensions autour de la question des prix à la consommation, qui ne cesse d’aggraver le malaise social. Les Antilles françaises, en proie à des disparités économiques persistantes, se trouvent au bord d’une rentrée explosive, alimentée par un ressentiment croissant contre la cherté de la vie. Une vidéo virale circulant sur les réseaux sociaux a récemment mis en lumière cette frustration en appelant les acteurs de la grande distribution à harmoniser leurs prix avec ceux de la métropole. Ce message, présenté comme émanant du peuple martiniquais, fixe un ultimatum au 1er septembre 2024, menaçant de mouvements de colère si rien n’est fait pour remédier à cette situation.Le coût de la vie en Martinique et en Guadeloupe est notoirement plus élevé qu’en France hexagonale, en particulier en ce qui concerne les produits alimentaires. Les vacanciers, souvent peu préparés à cette réalité, sont frappés par la différence de prix lorsqu’ils font leurs courses dans les supermarchés locaux. Cette prise de conscience se traduit par des réactions d’étonnement, voire de stupeur, face à des factures d’épicerie qui dépassent largement leurs attentes. Pour ces visiteurs, les séjours aux Antilles deviennent rapidement synonymes de dépenses imprévues, ajoutant un fardeau financier supplémentaire aux coûts déjà élevés de l’hébergement, des activités touristiques, et des restaurants.Les témoignages de vacanciers ne manquent pas pour illustrer l’ampleur du problème. Les prix vertigineux des denrées de base, comme une simple pastèque à 12 euros le kilo, suscitent colère et incompréhension. Le coût de produits aussi essentiels que les yaourts est jugé scandaleux, avec des prix qui peuvent être deux à trois fois plus élevés qu’en métropole. Ce constat ne se limite pas aux visiteurs : pour les habitants permanents des îles, la situation est d’autant plus préoccupante. Vivre au quotidien avec des prix aussi élevés implique des sacrifices considérables, en particulier pour les foyers les plus modestes, qui risquent de tomber dans le surendettement pour simplement se nourrir. Entre le 1er janvier et le 31 mai 2024, le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès du secrétariat de la commission de Guadeloupe a déjà atteint 232, soit une augmentation de 14 % par rapport à la même période de 2023 (202 dossiers).

Le problème des prix élevés ne se cantonne pas aux produits alimentaires mais touche également les produits manufacturés comme les télé,les réfrigérateurs,les machines à laver et surtout tout le petit électroménager. Les coûts du fret maritime et de transport, en particulier le prix des billets d’avion, ajoutent une couche supplémentaire de difficultés pour ceux qui souhaitent se rendre dans l’archipel ou en revenir. Pour une famille d’Île-de-France, par exemple, le coût total d’un voyage en Guadeloupe s’élève à environ 4000 euros pour quatre personnes, un montant qui dépasse largement ce que les mêmes touristes pourraient dépenser pour des vacances dans le sud de la France. Ce coût prohibitif fait du tourisme aux Antilles un luxe que peu de familles peuvent se permettre, contribuant à la baisse de fréquentation des hôtels, restaurants et gîtes pendant la basse saison.La Guadeloupe, en particulier, est au cœur de ce problème de vie chère. Parmi les cinq départements et régions d’Outre-mer (DROM), elle détient le triste record des écarts de prix avec la métropole. Les produits alimentaires y sont en moyenne 42% plus chers qu’en France hexagonale, un chiffre qui témoigne de l’ampleur des disparités économiques entre les deux régions. Cette situation est d’autant plus intenable que les explications traditionnelles invoquées, telles que l’octroi de mer ou les coûts logistiques, sont de plus en plus rejetées par la population, qui y voit des justifications insuffisantes pour une situation qui ne fait qu’empirer.L’économie du tourisme, un secteur vital pour les Antilles, souffre également de cette cherté. Les vacanciers, découragés par les prix élevés, hésitent à choisir les Antilles comme destination, surtout en basse saison, où l’affluence est déjà limitée. Cette baisse de fréquentation a des répercussions directes sur les revenus des professionnels du secteur, accentuant encore les difficultés économiques de la région.La situation aux Antilles est donc à la fois symptomatique des inégalités persistantes entre la métropole et les Outre-mer, et révélatrice d’un mécontentement profond qui pourrait bien déboucher sur une rentrée explosive. À moins d’une intervention rapide et efficace pour réguler les prix et améliorer le pouvoir d’achat des Antillais, la menace de mouvements sociaux en septembre 2024 semble de plus en plus probable. La vie chère, avec ses prix de plus en plus faramineux, pourrait bien être la mèche qui enflammera un climat social déjà sous prochaine tension avec les difficultés financières des filières canne et BTP .

 » Chakmoun sav sa i ka bouyi an kannari a-y. »  

– traduction littérale : Chacun sait ce qui cuit dans son canari.

– morale : Nul ne  connaît le prix douloureux des choses aux Antilles mieux que soi-même.

Jean-Marie Nol, économiste