— Par Sarha Fauré —
L’écrivain albanais Ismaïl Kadaré, une figure monumentale de la littérature moderne, est décédé lundi matin d’une crise cardiaque à l’âge de 88 ans. Son décès, survenu à Tirana, a été confirmé par l’hôpital où il avait été transporté sans signe de vie. Les médecins ont tenté de le réanimer, mais il a été déclaré mort à 8 h 40 locales (6 h 40 GMT).
Ismaïl Kadaré, souvent comparé à Dante Alighieri et Ossip Mandelstam, était reconnu pour son exploration incisive des mythes et de l’histoire de l’Albanie, qu’il utilisait pour dénoncer les maux du totalitarisme. Son œuvre, comprenant une cinquantaine de livres traduits en une quarantaine de langues, comprend des romans, des poèmes, des mémoires, des essais et du théâtre. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent « Le Général de l’armée morte », « Le Palais des rêves », et « Le Crépuscule des dieux de la steppe ».
Né le 28 janvier 1936 à Gjirokastër, ville également natale du dictateur Enver Hoxha, Kadaré a grandi dans une « ville de pierres » qui a inspiré nombre de ses récits. Sa découverte de « Macbeth » de Shakespeare dans une bibliothèque familiale a éveillé sa vocation littéraire. Après des études à Tirana et à l’Institut Maxime Gorki à Moscou, il a développé un style littéraire distinct, mêlant grotesque et épique, loin du réalisme socialiste soviétique.
En 1963, il publie « Le Général de l’armée morte », roman qui lui vaut une reconnaissance internationale. Ce livre, mettant en scène un officier italien venu exhumer ses compatriotes morts pendant la Seconde Guerre mondiale, reflète l’ambiance sombre de l’Albanie stalinienne. L’impact de ce roman établit Kadaré comme un conteur moderniste et engagé.
Bien que protégé par sa renommée internationale, Ismaïl Kadaré a été critiqué pour son statut de « dissident officiel » sous la dictature. Il a toujours nié toute relation privilégiée avec le régime d’Enver Hoxha. Malgré la surveillance étatique et les menaces, il a poursuivi son œuvre littéraire en Albanie avant de s’exiler à Paris en 1990. Là, il a continué à écrire, trouvant un refuge et une nouvelle inspiration dans le café Rostand, symbole de liberté pour lui.
La chute de la dictature albanaise en 1991 a permis à Kadaré de partager sa vie entre Paris et Tirana. Bien que tenté par la politique, il a préféré faire entendre sa voix à travers la littérature, qu’il considérait comme son plus grand amour. Ses contributions à la littérature mondiale lui ont valu de nombreux prix prestigieux, mais le Prix Nobel lui a échappé.
Ismaïl Kadaré laisse derrière lui un héritage littéraire immense, témoignage de son combat contre le totalitarisme et de sa célébration de l’esprit humain. Sa disparition marque la fin d’une époque, mais son œuvre continue de résonner, offrant espoir et courage aux générations futures.