Sécheresse et distribution d’eau : Un déficit structurel annoncé face à un déni climatique et démocratique
— — — Le n° 350 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
Une histoire désagréable qui se répète pour les victimes…
La sécheresse est persistante, on la dit « exceptionnelle », quand elle n’a pourtant, rien d’une surprise. Les niveaux historiques de déficit relevés dans les principales zones de captage, sont cruellement très bas, dans ce rude carême. Est-ce toutefois une nouveauté ? Par contre, tout un chacun sait que nos gestionnaires et nos politiques n’ont pas géré ces énormes fuites d’eau dans les tuyaux de distribution allant de 30 à 40% de pertes : cela dure depuis des dizaines d’années.
Les associations (Comité Citoyen du Sud, Dlo Môn ) alertent la presse pour relayer colère, indignation, incompréhension, « coups de gueule » de la population, victime des multiples et parfois intempestives coupures d’eau etc…
Déjà en 2020, au cours de cette même période de carême et de sécheresse, la population manifestait fortement contre l’imprévoyance des gestionnaires de l’eau. Elle constatait que « la classe politique n’était pas à la hauteur ». Quatre ans après, cela n’a pas changé.
Deux des gestionnaires de l’eau (Cap Nord, Odyssi) au regard de cette eau toujours en fuite, sur un air connu (crise de 2020) font étalage sur la place publique de leurs désaccords.
Face aux dits partisans de la « responsabilité » : c’est le Préfet qui met en demeure !
Cette « situation de crise réclame des mesures d’urgence » – ce dont, en toute hypothèse, les responsables (Cap Nord, Cacem, Espace Sud et la CTM ne seraient pas en mesure faire – le Préfet, le 14 mai, excluant les médias et les représentants des associations (usagers, écologiques) convoque tout ce monde , y compris le président d’Odyssi, et dans la nuit du 16 mai, publie son arrêté et ses « arbitrages ».
Odyssi (distributeur) est condamné à continuer à acheter, à la SME et au prix fort, l’eau qu’il distribue aux usagers du centre où la démographie des abonnés est plus importante, et où sont concentrées en grand nombre les principales institutions de santé et les entreprises.
Pour mémoire, la SME, filiale de la multinationale française SUEZ EAU FRANCE (3ème au niveau mondial) avec la complicité de la majorité politique de Cap-Nord, a accru à la fois son monopole sur le « marché » de la distribution de l’eau (33 communes) et , par là même son champ de captation de l’argent public, sans faire les travaux de réparation malgré les profits engrangés.
Le déni climatique ou la fiction de l’abondance
Alors que Météo France prévoit dès avril, pour le mois de mai, une baisse des précipitations de l’ordre de « 70 % inférieure à la moyenne des 30 dernières années », le Préfet se sait dans un contexte de pénurie annoncée de la ressource. Mais, il va tout de même autoriser, sans que cela choque les responsables et la presse, le «lavage des voitures et des bateaux » dans les aires équipées techniquement à cet effet donc les stations-service, pour les voitures.
Il s’agit de la première manifestation du déni d’une réalité scientifiquement attestée : sous les effets du dérèglement du grand cycle de l’eau, la terre martiniquaise, comme ailleurs ( Canada, Brésil, le Canal de Panama etc.), souffre terriblement du tarissement de sa ressource en eau. Le réchauffement climatique (1,5°C) dont personne ne prédit la baisse, est un facteur supplémentaire d’aggravation de la diminution d’une ressource indispensable à la vie et à la source de pratiquement toutes les activités !
Ce préfet Bouvier s’enferme dans la fiction de l’abondance de la ressource, d’ailleurs largement partagée par l’ensemble de la « classe politique », et par malheureusement quelques représentants des associations d’usagers. Il persiste dans le déni en autorisant de nouveaux prélèvements notamment dans une rivière à moitié asséchée (50% de débit en moins) : la Rivière Capot du Lorrain. Une fuite en avant écocidaire qui arrange les affaires de la SME en position de force depuis 2020, sur l’exploitation de la Rivière Blanche. Dans la frénésie des arbitrages, il accorde l’autorisation de nouveaux prélèvements temporaires (à la société Didier), etc.
« Solidarité territoriale » dit le Préfet ! Ah, bon ?
Une solidarité territoriale » qui n’annonce pas les moyens qu’elle se donne pour mesurer objectivement, hors les sociétés autorisées, la quantité d’eau prélevée, sans compteur, sur les terrains privés et dans les rivières comme la Falaise, par exemple ?
Que vaut une « optimisation de la production », si elle reste aveugle à la préservation des écosystèmes aquatiques et de la biodiversité environnante ?
Que vaut une « solidarité territoriale » excluant une meilleure allocation des ressources avec une population tenue dans l’ignorance de la quantité (et de la qualité) d’eau consommée par tous les usagers ? Qui consomme le plus sur le Territoire ? Pour quoi faire ? Agriculture ? Santé ? Tourisme ? Divertissement ? etc.
Quelles priorités devraient s’imposer à la société martiniquaise face à une prévision d’une baisse d’environ …18 % du volume pluviométrique dans la zone caraïbe, la plus exposée dit-on aux dégâts du réchauffement climatique ?
1O millions d’argent public investis pour un plan dit de « relance » : Ils vont pomper davantage, ils vont rénover les réseaux : vieille promesse de 2020. Au fait, quel usage a été fait des 150 millions d’euros, accordés par l’État au titre de sa contribution (tardive) à la rénovation des mêmes réseaux ? Pour le moment aucune réponse institutionnelle, officielle et publique.
Oui à la création d’une « autorité unique de l’eau » ! Mais, seront-ce encore les « climato-sceptiques » à la tête des centres de décision liées à l’eau, ou les chapelles a-critiques dont la possible nocivité est un frein au progrès ?
Demain, il sera encore plus socialement et écologiquement coûteux, notamment aux classes populaires, de laisser au représentant local d’un État, condamné pour inaction climatique et qui ne cherche pas à s’amender, loin de là, le monopole des arbitrages concernant fondamentalement, notre existence.