— Par Roland Sabra —
Le court métrage fantastique de Nicolas Polixène et Sylvain Loubet dit Bajol était présenté en avant-première ce samedi 13 avril à Tropiques Atrium. La salle Frantz Fanon était au bord de l’engorgement tant le public, varié, divers de tous âges se pressait pour l’évènement. L’élision de l’article défini dans le titre du film ne fait pas illusion très longtemps, exit la préposition et l’adverbe. Il s’agit bien de l’au-delà dont il est question dans le propos du film qui semble s’attacher à répondre à la fameuse question d’André Breton dans Nadja : « Est-il vrai que l’au-delà, tout l’au-delà soit dans cette vie ? »
Un couple séparé par la mort de l’un des deux, elle en l’occurrence. Ils s’aimaient. Lui n’a pas fait son deuil, comme on dit. Elle l’occupe, comme une armée occupe un pays. Elle est en lui. Un soir elle revient. Elle sort de la baie du Diamant, marche difficilement sur la plage, en zombie devenue, et se dirige vers leur magnifique demeure. Il a préparé le dîner, dressé la table, mis le couvert, éclairé avec douceur la pièce. Ils ne se retrouvent pas. Rien ne les a jamais séparé, pas même le passage de l’autre côté du monde. Et d’abord c’est quoi la mort ?
Nicola Polxène et Sylvain Loubet dit Bajol, se jouent à l’infini de l’opposition binaire qu’ils déclinent à l’écran dans une tentative de dépassement. Une atmosphère de clair-obscur, entre jour et nuit, un homme et une femme, un vivant(?) et une Zombie, un homme plus âgé et une femme jeune, l’une, femme très belle, malgré le maquillage, et l’autre plus quelconque, une aisance discursive et un mutisme, une démarche fluide et une gestuelle saccadée. Où est la vie, où est la mort ? « Miracle des voyelles, il semble que la mort est la sœur de l’amour » écrivait Jean-Roger Caussimon. La caméra du chef opérateur est bienveillante dans son art de capter le jeu des comédiens notamment à l’égard de Danielly Fancisque, qui sous et malgré le maquillage, n’est jamais laide. Par exemple la focale de la prise de vue portera sur la plaie supposée, un surplus de peau, l’isolant du reste du visage, et de ce fait la déréalisera, ou plus exactement la dépersonnalisera.
Il y a peut-être, au-delà(!) d’une systématisation binaire récurrente qui souvent frôle la surdose, un franchissement des limites, dans une scène de trop, un moment d’infantilisation de la femme, difficilement supportable. Contrairement à lui, maître des arts de la table bien sûr, elle n’aurait jamais su tenir ne serait-ce qu’une fourchette. Elle aurait toujours mangé « salement ». Il, Gary Cadenat, dans un jeu en général plutôt réfléchi, mais dans cette scène très « paternant », pour ne pas dire paternaliste, lui noue une serviette autour du cou, la réduisant au rôle de sale petite gamine mal élevée ! Mais bon Nicolas Polxène et Sylvain Loubet dit Bajol n’ont sans doute pas envisagé d’inverser les rôles. Ce ne sont que des hommes après tout!
Sans divulgâcher la fin du film, on peut évoquer une ultime pirouette, une bascule magistrale, qui de façon définitive brouille les pistes et laisse, fort heureusement pour le spectateur, sans réponse la question, quelque peu spinozienne(?) 😛 , d’André Breton. Un court-métrage à voir et à revoir.
Mis en ligne à 9h50, modifié à 15h20.
« Au-delà » un court métrage de Nicolas Polixène et Sylvain Loubet dit Bajol avec Gary Cadenat et Daniely Francisque