— Par Pierre Alex Marie-Anne —
Le 19 mars 2024, Serge Letchimy déclarait dans le journal France Antilles : «Pour s’occuper du quotidien des martiniquais, il faut changer les textes». Cet aveu d’impuissance et d’incapacité de celui qui s’était fait élire en juin 2021 sur un mirobolant programme de 207 actions, articulées autour de 12 axes majeurs, aurait dû le conduire, s’il avait un tant soit peu le sens de l’honneur, à remettre immédiatement sa démission au Préfet pour revenir devant le peuple s’excuser de s’être lourdement trompé, en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes. Il n’en a rien été et, bien loin de céder la place à ceux qui savent faire et ne se laissent pas rebuter par les difficultés, l’autonomiste à tous crins qu’il prétend être s’est métamorphosé en petit quémandeur épistolier de l’Élysée, à qui il soumet désormais tous les problèmes qui le dépassent. Le dernier en date est relatif au foncier qui défraie ces jours-ci la chronique. À la base se trouve l’imprévoyance des familles martiniquaises qui ne se soucient pas, en temps opportun, de faire régulariser, par acte notarié, le partage de leurs biens entre leurs différents héritiers, ce qui ouvre la porte à toutes sortes de manœuvres plus ou moins dolosives..La première initiative qui s’impose si on veut que les choses changent, c’est d’entreprendre une vaste opération de communication et de sensibilisation en direction de la population, avec la mobilisation active des maires et des notaires, directement concernés.
La CTM n’a pas besoin de la permission de Macron pour ce faire, il suffit de le vouloir ;de même que rien ne s’oppose par ailleurs, à ce que “la belle endormie du plateau Roy” engage une réflexion sur le moyen d’inciter ( intéressement ?) les parties concernées à régulariser leur situation ; rien, si ce n’est l’engourdissement intellectuel dont semblent être frappés les responsables de cette institution. Si au final dans le cadre de cette action de sensibilisation de grande ampleur, des carences devaient apparaître dans le fonctionnement de certains services de l’État,il reviendrait aux responsables politiques locaux et nationaux, dont c’est le rôle, d’entreprendre les diligences nécessaires pour les faire cesser. Ce n’est pas dans la rue ni dans la démagogie populiste d’associations ultra-politisées que ces questions peuvent et doivent trouver une solution. Nous voyons par là que ce qui constitue la véritable autonomie est aux antipodes des théories fumeuses dont on nous rebat sans cesse les oreilles ; c’est celle du concret qui consiste à faire usage de toutes les possibilités qu’offre la législation actuelle pour résoudre les problèmes et conflits qui, agitent la société. Une condition préalable cependant c’est de s’extirper résolument du marécage idéologique, à fort relent de victimisation identitaire, dans lequel pataugent les hypothétiques et mirifiques revendications de changements institutionnels.
Autre exemple des difficultés pour ne pas dire des souffrances qu’endure la population au quotidien du fait de la passivité d’élus qui ne prennent pas leurs responsabilités : le transport et singulièrement ces jours-ci le transport maritime dans la baie de Fort-de-France ; il aura fallu plus d’un mois de tergiversations et une saison touristique en partie gâchée, pour entrevoir une solution que le caractère de service public de cette desserte imposait de toute manière. Quant au transport terrestre, dont l’organisation défaillante et le fonctionnement par à-coups font subir aux citoyens les plus modestes une véritable pénitence, on peut prédire, sans risque de se tromper, qu’il sera le prochain Golgotha du rondouillard président de Martinique Transport. Le même constat d’attentisme et du défaussement généralisé sur autrui (État, EPCI, communes, et l’Europe bien sûr!) peut être dressé s’agissant de ces questions primordiales que sont:l’eau ( les tours d’eau sont de retour!), la transition énergétique, les déchets,la démographie, les risques naturels, l’emploi et la digitalisation numérique, sans oublier le domaine central du social et de la culture, fort négligé bien qu’il constitue le cœur de l”institution. Mais pour prendre la mesure de l’impéritie des dirigeants de cette dernière, il faut élargir le champ de vision au-delà de ses seules compétences. S’agissant de la collectivité territoriale majeure de l’île, cela lui crée des obligations d’une toute autre ampleur: non seulement elle représente la Martinique vis-à-vis des tiers,mais de plus elle se doit, sauf à trahir sa mission, d’intervenir en amont de tous les problèmes susceptibles d’affecter le territoire.
Il ne s’agit pas en l’occurrence d’exiger qu’elle se mette à statuer au-delà de ses compétences propres, mais bien qu’elle serve d’aiguillon à toutes les autres collectivités et entités publiques et privées, État compris,pour aider à identifier les problèmes potentiels et dégager les solutions les mieux adaptées. Autrement dit, la CTM se doit d’être,en sus de son domaine réservé, la collectivité du “faire-faire”. Le fondement de cette fonction œcuménique est la défense des intérêts généraux du territoire, consacrée par sa compétence générale de Planification du Développement économique et sociale de la Martinique, Elle ne saurait donc se dérober à cette mission qui revêt un caractère impératif. Il n’est nul besoin d’une quelconque modification de texte pour cela car personne ne peut lui dénier ce droit, qui est consubstantiel à sa nature même de collectivité majeure du territoire. (un droit naturel en quelque sorte!); encore faut-il qu’elle l’exerce, qu’elle en ait la volonté affirmée en s’appuyant sur l’expertise du Conseil économique,social, environnemental,de la culture et de l’éducation de la Martinique(CESECEM), à renforcer dans cet esprit.
Ce qui frappe l’observateur attentif, c’est hélas la profonde apathie des dirigeants de la CTM dont le réflexe conditionné est de toujours s’en remettre à l’État,qu’ils n’arrêtent pas de conspuer par ailleurs, pour le moindre souci (allo papa bobo! ). Aucune initiative hardie et constructive, aucune anticipation des changements géostraégiques majeurs qui se profilent à l’horizon, rien que le train-train le plus ras de terre et la rengaine sans fin de l’éternelle litanie de l’esclavage et de la colonisation, qui leur tient lieu de pensée et en font, tels des dinosaures contemporains, les victimes désignées du nouveau monde en gestation. L’alternative est des plus claires: continuer à vivre dans les ténèbres d’un passé révolu ou se tourner résolument vers l’avenir pour en affronter les défis ; il faut choisir, car Demain ne fera pas grâce aux retardataires invétérés.
Pierre Alex MARIE-ANNE