Le cinéma syrien : des images pour la révolution

 

Ils sont cinéastes, syriens et filment leur pays au péril de leur vie

Entretien | Avec les moyens du bord, ces opposants au régime d’El Assad bravent la mort pour témoigner de leur lutte. Le Forum des images à Paris invite Hala Alabdallah, réalisatrice syrienne en exil.

Mathilde Blottière

Depuis l’arrivée au pouvoir du parti Baas, le cinéma syrien est muselé. Condamné à la propagande ou à l’inexistence. Diffusé au Forum des Images, dans le cadre du festival Un Etat du monde, Un cinéma muet, de Meyar Al-Roumi montre comment l’ONC (organisation nationale du cinéma, organe d’Etat fondé en 1963) a réduit les plus grands réalisateurs au silence ou à l’exil. La révolution a changé la donne. Grâce à Internet et aux technologies numériques, toute une génération témoigne, avec courage et dans l’urgence, de la réalité de leur pays en guerre. Quand aux documentaristes professionnels, ils sont à pied d’œuvre, prêts à incarner la renaissance du cinéma syrien. Exilée en France depuis les années 80, la réalisatrice et productrice syrienne Hala Alabdallah nous parle de ces réalisateurs, amateurs ou professionnels, qui filment la Syrie d’aujourd’hui au péril de leur vie. Elle est l’invitée du festival Un état du monde… et du cinéma au forum des image vendredi 8 décembre 2012.

Quelles sont les dernières nouvelles de vos amis et de vos proches restés en Syrie ?
Avec les coupures Internet et électriques de ces derniers jours, la situation est devenue encore plus confuse. Des rumeurs circulent, on dit que Bachar est tombé, que l’aéroport de Damas est aux mains de l’armée syrienne libre… On n’arrête pas de recevoir des nouvelles, ça bouge beaucoup mais on reste dans le brouillard. Nous ne pouvons nous empêcher d’espérer tout en craignant que le régime acculé redouble de violence. On s’imagine des tas de scénarios… Une chose est sûre : nous sommes en train de vivre le dernier paragraphe de l’inéluctable déclin de Bachar El-Assad. Le pire serait que la situation s’éternise.

Etes-vous en contact avec des réalisateurs ou, tout simplement, des citoyens qui filment actuellement en Syrie ?
Depuis le début de la révolution, deux types d’images nous arrivent de Syrie. Leur vraie différence tient à leur provenance : d’un côté, les vidéos tournées par des manifestants, souvent jeunes, de l’autre, des films réalisés par des documentaristes professionnels. Les uns et les autres risquent leur vie de la même façon. Les jeunes opposants font un travail remarquable ; ils ont pris l’initiative de filmer ce qui se passait autour d’eux en sachant que brandir un téléphone portable dans une manif syrienne revient à s’afficher une cible dans le dos. Spontanément, un peu partout en Syrie, ces citoyens s’exposent aux balles et exposent leurs images au monde. Les premières vidéos trahissent une ignorance technique presque totale mais au fil du temps, leurs auteurs ont appris à cadrer et à monter. En vingt mois de conflit, ils ont réussi à se procurer un matériel plus perfectionné : les téléphones portables sommaires ont même parfois cédé la place aux petites caméras digitales. Malgré les circonstances, Ils ont trouvé le moyen d’améliorer la qualité et la résolution des images postées sur les réseaux sociaux ou YouTube. A mes yeux, ils réalisent aujourd’hui de vrais documentaires d’auteur, avec un point de vue choisi et assumé.

Le 05/12/2012 à 00h00

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