Cinq responsables syndicaux appellent le gouvernement à renoncer à la dernière réforme budgétaire de l’assurance-chômage
Alors que la négociation assurance-chômage s’est terminée depuis moins de trois mois, le gouvernement a déjà annoncé une nouvelle réforme pour en durcir les effets. Ce serait la cinquième depuis 2017, soit quasiment une tous les ans. Aucune d’entre elles n’a pu faire l’objet d’évaluations sérieuses. A l’heure où la simplification est à la mode, force est de constater que ce principe ne vaut pas pour les demandeurs d’emploi, dont les droits sont de plus en plus illisibles.
Les multiples réformes combinées ont fait plonger le montant moyen des allocations de 17 % par rapport à 2019 et la durée d’indemnisation de 25 %. Désormais, seuls 36 % des inscrits à France Travail (anciennement Pôle emploi) sont indemnisés, niveau qui n’a jamais été aussi faible
! Quarante-cinq pourcent des allocataires sont passés sous le seuil de pauvreté — un chiffre qui a doublé —, en grande majorité des jeunes, des femmes à temps partiel ou des seniors en fin de droits, sur qui plane maintenant la menace de suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS). Ces baisses de droits entraînent des excédents annuels à l’Unédic que l’Etat s’empresse de ponctionner, à hauteur de 12 milliards en trois ans.
Et le chômage repart à la hausse…
Les déclarations incessantes de l’exécutif sont en totale contradiction avec le principe, prétendument « de bon sens », brandi en février 2023 : la « contracyclicité » de l’assurance-chômage. « Quand la conjoncture économique s’améliore, on peut limiter les droits des chômeurs, quand elle se dégrade, il faut améliorer les protections. » Un an plus tard, demi-tour toute !
Marché de dupes
L’impact positif des réductions successives de droits à l’assurance-chômage sur le marché de l’emploi n’est pas prouvé. Au contraire. Ce que les études montrent, c’est que les chômeurs sont contraints d’accepter des emplois plus précaires et que l’insertion n’est pas durable. Le but, non assumé par le gouvernement, est bien sûr de faire des économies — les baisses de droits déjà réalisées correspondent à 3 milliards d’économies par an —, pas de créer de l’emploi.
Un marché de dupes qui, au lieu d’améliorer les conditions de travail, les salaires ou les horaires des
- métiers en tension », oblige les travailleuses et les travailleurs à accepter des conditions dégradées. Une hérésie aussi pour les employeurs, qui ne pourront compter sur le maintien des qualifications au sein de leurs entreprises : dès qu’ils et elles auront une meilleure proposition de travail, ces salariés iront voir ailleurs. Quel est donc le problème avec les chômeurs ? Les changements de pied du gouvernement seraient ridicules si les conséquences humaines n’étaient pas si graves.
Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, six millions d’hommes et de femmes sont sans emploi en France. Six millions de salariés, dont nous pourrions tous être. Six millions de personnes qui ne se satisfont pas de leur situation, contrairement aux clichés si souvent véhiculés. S’il faut trouver des sources d’économies, conditionnons enfin les 200 milliards d’aides publiques dont bénéficient actuellement les entreprises, soit plus d’un tiers du budget de l’Etat, à plus de transparence sur leur utilisation et à des objectifs en matière d’emploi.
Nous appelons solennellement le gouvernement à renoncer à cette réforme budgétaire qui rognera à nouveau les droits à l’assurance-chômage et supprimera l’ASS. Il faut cesser la stigmatisation populiste des chômeurs. Au contraire, pour relancer l’économie et la demande intérieure, il faut que les entreprises partagent mieux la richesse créée, augmentent les salaires pour que chacun et chacune puisse se loger, se nourrir et vivre dignement. Pour renouer avec le pacte social, affronter la transition écologique et les enjeux de modernisation, il faut enfin investir dans la formation, les compétences et les qualifications. C’est sur ces enjeux importants que nous attendons le gouvernement.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
François Hommeril, président de la CFE-CGC
Cyril Chabanier, président de la CFTC
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT
Source : Le Monde