— Par Selim Lander —
Estelle Andrea a participé comme assistante de William Mesguich à la mise en scène d’« Une tempête » de Césaire, un projet de l’atelier théâtre de Fort-de-France qui ouvrit en beauté la saison 2023-2024 du TAC. Elle revient dans ce même théâtre avec une pièce musicale, à nouveau dans la mise en scène de William Mesguich, comme autrice-compositrice et membre de la distribution.
Le tableau de Mona Lisa par Léonard de Vinci est baptisé la Joconde comme chacun sait. Pour mémoire, le modèle du tableau était, d’après l’avis à peu près général, une certaine Lisa Gherardini, d’où « Mona Lisa » parce que ma donna Lisa, madame Lisa. Quand à « la Joconde », ce nom lui vient de son époux Francesco del Giocondo, Giocondo comme joyeux. Le sourire de la Joconde a fait couler beaucoup d’encre. Est-elle « joyeuse » sur son portrait ? Ce n’est pas certain. Celle qui l’est, par contre, sans aucun doute, c’est la Mona Lisa de la pièce. Et les autres sont à l’unisson.
Une Mona Lisa joyeuse ne peut pas rester prisonnière du cadre d’un tableau sous les regards de 20 000 visiteurs quotidiens. Elle a besoin de s’évader. Heureusement, une magie lui permet de déserter le Louvre et de rejoindre à volonté, à nouveau bien vivante, la Florence de son époque. Une nuit, donc, après la fermeture du musée, elle déserte comme elle en a l’habitude mais, cette fois, elle amène avec elle grâce à la même magie Lisa, une admiratrice, apprentie peintre qui a le privilège de rester dans le musée après la fermeture et Léo, le frère de Lisa. « Lisa » comme Mona Lisa, « Léo » comme Léonard. De là à penser que ces deux-là sont les réincarnations des deux personnages célèbres, il n’y a qu’un pas que chacun est libre d’accomplir. Toujours est-il que le trio se retrouve bientôt à Florence dans l’atelier du grand Léonard.
De leurs aventures qui jouent sur le décalage entre les deux époques on ne dira pas un mot de plus. Encore faut-il parler de tout le reste et par exemple du décor, réaliste, d’abord la salle du Louvre où le tableau de la Joconde trône comme il se doit, au centre du plateau, puis l’atelier de Léonard de Vinci, qui est encore son bureau, meublé en bois brut, là où il imagine ses nombreuses inventions, par exemple une panoplie d’homme-oiseau dont s’harnachera – sans succès évidemment – une Mona plus audacieuse dans la pièce que cette grande bourgeoise a pu l’être dans sa vraie vie.
Mais la pièce séduit avant tout par la musique, le jeu et les voix des comédiens-chanteurs. La musique, entraînante, sert de support à des chansons rimées où l’humour domine. Parmi les voix on remarque surtout le mezzo de Magali Paliès (Mona) et le baryton de Julien Clément (Vinci). Mais les deux autres, Estelle Andrea (Lisa) et Oscar Clark (Léo) ne sont pas vraiment en reste et le second qui s’accompagne à la guitare campe un beau personnage comique.
Une pièce à recommander sans hésitation à tous les publics.
Fort-de-France, Théâtre municipal, 25-27 janvier 2024