Le 3 décembre 2023 à 19 h au Centre Leonardo Da Vinci à Montréal
— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —
L’annonce du spectacle musical du(8370 Boulevard Lacordaire, Montréal) a retenu l’attention des mélomanes montréalais. L’on peut déjà anticiper que le public, nombreux, se pressera aux portiques du Centre Leonardo Da Vinci pour écouter et applaudir l’exceptionnel Beethova Obas et les trois talentueux artistes invités : Rebecca Jean, Jean Jean Roosevelt et Emmanuel Obas. Les mélomanes ont certainement hâte de redécouvrir « Yon dènye mo » qui figure sur le premier album de Beethova Obas, « Le chant de liberté » (1990). Pour mémoire, la chanson « Yon dènye mo » est dédiée à l’immense artiste-peintre Charles Obas, le père de Beethova Obas, disparu dans la mortifère nuit de la dictature des Duvalier. Les mélomanes redécouvriront également la fameuse chanson « Gen de jou » de Rebecca Jean, une exceptionnelle adaptation créole de « Hier encore » de Charles Aznavour et qui figure sur l’album « Amoureuses des mots ». Ils revisiteront avec ravissement « Lage l » magnifiquement interprété par Emmanuel Obas, le frère de Beethova Obas, ainsi que « Peyi a » de Jean Jean Roosevelt.
Quel est le contexte historique sous-jacent dans lequel se déploie en majesté l’art musical de Beethova Obas, Rebecca Jean, Jean Jean Roosevelt et Emmanuel Obas ? Dans son remarquable livre de référence « Histoire du style musical d’Haïti » (Éditions Mémoire d’encrier, 2014), Claude Dauphin, musicologue, théoricien et historien des pédagogies musicales éclaire de manière fort pertinente l’évolution de la musique haïtienne depuis 1986. Ainsi, « À partir de 1986 dans la foulée du renouveau patriotique survenu avec l’effondrement de la dictature des Duvalier, on nota une réelle volonté de sortir la musique populaire haïtienne de ses ornières. Le Konkou mizik (concours musical) de Karl-Éric Boucicaut soutenait ouvertement cet idéal d’une « nouvelle chanson ». Se répandit alors ce style de chansons légèrement chaloupées, doucement indolentes qui, serpentant en une manière de bossa nova créole, témoignent d’une révolution dans la sensibilité musicale haïtienne, à l’instar de ce qu’a pu représenter, toute proportion gardée, la naissance du Cool Jazz aux États-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’influence du compositeur Gérald Merceron, musicien novateur à la lisière de la musique classique, du jazz, du pop et de la musique actuelle, n’a pas manqué d’illuminer cet effort de renouveau qui se caractérise par une recherche de sonorités lisses, nettes, de textes intelligents, poétiques, aspirant à l’expression de valeurs nobles, dépourvues d’agressivité. (…) Rien d’étonnant que cette orientation nouvelle ait pu soutenir l’ascension d’artistes remarquables comme Beethova Obas (…) et Emmeline Michel » (ibidem, p. 179-180 ; le souligné en gras est de RBO). Cette « révolution dans la sensibilité musicale haïtienne » exposée par Claude Dauphin semble caractériser l’art musical des quatre artistes qui seront sur scène le 3 décembre 2023, Beethova Obas, Rebecca Jean, Jean Jean Roosevelt et Emmanuel Obas. La présente entrevue croisée avec Beethova Obas et Rebecca Jean propose un convivial arpentage de ce que représente, à leurs yeux, cette « révolution dans la sensibilité musicale haïtienne ».
Robert Berrouët-Oriol (RBO) : L’éclairage offert par Claude Dauphin lorsqu’il ausculte l’art musical haïtien contemporain s’applique-t-il à la démarche singulière de Beethova Obas et de Rebecca Jean ?
Beethova Obas (BO) : Je suis de la génération qui a émergé après la chute de la dictature de Duvalier. Elle a bénéficié du privilège d’écouter des variétés musicales de tous les horizons. Il a fallu faire un tri et choisir le tremplin dans lequel on allait enrichir son vocabulaire musical et son langage poétique, trouver l’univers correspondant à ses desiderata pour se donner les moyens d’avancer. La musique brésilienne a enrichi mon sens de l’harmonisation, tout comme le jazz dans sa conception illimitée de l’improvisation, dans les créations ! Une sauce cubaine pour assurer la marinade, le tout sur un tapis de rythmes haïtiens pour donner naissance au CubHaBra (faisant référence à Cuba, Haïti, Brésil). Je rejoins donc Claude Dauphin quand il parle de l’influence de Gérald Merceron qui toujours nous invitait à revisiter notre culture musicale ancestrale : nos racines y sont mêlées.
Rebecca Jean (RJ) : J’ai grandi en écoutant la musique de mes parents, c’est comme ça qu’ils m’ont transmis l’amour des mots et des mélodies recherchées. Je n’ai pas été témoin des événements marquants qui ont donné naissance à cette révolution dans la sensibilité musicale haïtienne, mais je trouve très intéressante l’approche de Claude Dauphin et peux affirmer que j’ai grandement été inspirée par les artistes engagés qui se sont révélés à cette époque.
RBO : L’auteur du livre « Histoire du style musical d’Haïti », tout en évoquant quant au style « une manière de bossa nova créole », note de manière fort pertinente que depuis 1986 la musique contemporaine haïtienne s’est engagée sur la voie exigeante d’« une recherche de sonorités lisses, nettes, de textes intelligents, poétiques ». Est-il exact de dire que cette vision de la musique contemporaine haïtienne se trouve au creux de l’art musical de Beethova Obas et de Rebecca Jean ?
BO : L’auteur a bien fait de situer son analyse dans le temps, cela nous permet de la contextualiser. Il faut comprendre la période dans laquelle évoluaient les jeunes de cette génération, découvrir les problèmes qui devaient être solutionnés. Avaient-ils le droit de poser des questions, voire y répondre… ? Heureusement, notre génération avait de très bonnes influences poétiques et littéraires : Rassoul Labuchin, Franketienne, Félix Morisseau Leroy, Koralin, Antony Phelps… J’ajouterais que cette génération, la mienne, faisait prévaloir une égalité entre la mélodie et le texte, contrairement à ce que préconisait la dictature de Duvalier : le bâillonnement, la propagande, la musique dansante.
RJ : Depuis le début de ma carrière d’auteure-compositrice-interpète, j’ai évolué à travers différents styles musicaux, ce qui rend difficile de définir une constante au niveau des sonorités. Par contre, ce qui revient toujours dans mon processus créatif, c’est la volonté de nommer les choses de manière précise tout en préservant le caractère lyrique d’une chanson. Quand en bonus les gens trouvent le résultat « intelligent », je ressens de la gratitude !
RBO : De manière générale, les amateurs de musique veulent être renseignés sur le parcours musical personnel des artistes, leur entrée dans l’univers musical, les influences dont ils se réclament et l’ancrage dans leur culture. Parlez-nous de votre parcours musical personnel et des influences qui habitent votre œuvre.
BO : Élevé dans une famille protestante, la chorale, le chant et la musique ont fait partie de mes activités hebdomadaires et quotidiennes. Mon père, Charles Obas, peintre, musicien, mélomane, accordéoniste, passionné de musique classique (d’où le prénom qu’il m’a donné : dérivé de Beethoven) assassiné en 1969, sous Duvalier, nous a laissé dans son atelier deux instruments : son accordéon et sa guitare. J’ai commencé à jouer de l’accordéon, puis de la guitare. À l’âge de 15 ans, je maîtrisais relativement presque tous les accords à la guitare sans pouvoir les nommer. J’ai suivi durant une année des cours de solfège au Collège Saint-Pierre en première année secondaire et plus tard j’ai pris des cours avancés avec un ami guitariste : Tony Jean Baptiste. J’ai pris des cours avancés de musique à la IAU (Inter American University of Puerto Rico), diplômé en musique (Minor) et en administration commerciale (Bachelor).
Carrière : ça s’est opéré graduellement, et rapidement j’ai participé au deuxième concours de musique « Mwen renmen Ayiti » en 1987, et j’ai obtenu les deux premiers Prix en février 1988 : le premier, (« Lage’l ») avec la voix d’Emmanuel Obas, mon jeune frère ; le second, (« Kole zepòl ») avec la voix d’Emeline Michel, sur un texte de Pascal Jean Winer.
L’année suivante, j’ai reçu le prix de « Meilleur jeune chanteur » de « Découvertes 88 » de Radio France internationale.
En 1989 : le deuxième prix au concours IntroFesticure de Curaçao.
En 1991 j’ai été invité par le groupe Malavoi à enregistrer « Nou pa moun » sur le « Matebis », l’album qui célèbre leur trentième année de carrière. Le groupe MALAVOI m’a dirigé vers l’autoroute du succès et pendant deux années j’ai joué dans le monde entier avec eux. Durant ce parcours, j’ai fait la connaissance de leur producteur avec lequel j’ai signé les albums « Si…! » et « Pa Prese ».
Quatre autres albums et un « Very Best of » (pour célébrer mes trente ans de carrière) suivront :
« Planèt la »
–« Kè’m poze »
–« Futur »
–« Bon Bagay ».
Les mélomanes avisés ressentiront l’origine de mes influences. Je suis certain que tous ceux que j’ai écoutés m’ont positivement influencé. Cependant, à des degrés différents, je me dois de citer ceux qui, selon moi, ont marqué ma carrière : Dodophe Legros, Ti Paris, Rodrigue Milien, Boulot Valcourt, Manno Charlemagne, Joâo Gilberto pour ne citer qu’eux.
RJ : J’aime me présenter comme une « Haïbécoise ». Haïtienne née au Québec, mes deux cultures jouent certainement un rôle important dans mon identité artistique. Parmi les différents chapeaux qu’il m’a été donné de porter (compositrice, réalisatrice, directrice musicale, créatrice de programmes pour les jeunes auteurs-compositeurs, etc.) être sur scène et partager le fruit de mes pensées est, pour l’instant, ce qui m’apporte le plus de plénitude. Étant enfant, j’étais plutôt de nature réservée. Créer des chansons est rapidement devenu le moyen d’exprimer mes émotions. C’est probablement l’acte le plus intime que j’ai à offrir.
Un élément incontournable sur scène est mon piano, c’est à partir de ce dernier que je compose mes pièces et il me permet de voyager à travers des rythmes aux influences racine. J’ai commencé à faire de la musique avant de savoir lire et écrire. Ceux qui ont suivi mon parcours savent qu’à mes débuts, je chantais exclusivement en français. D’ailleurs, en m’écoutant à la radio, il était presque impossible de deviner mon « haïtienneté ». Au fil du temps, j’ai approfondi mon lien avec la culture haïtienne. C’était inévitable ; un courant invisible m’attirait et m’invitait à découvrir mon essence et ceci était impossible à faire sans d’abord renouer avec la terre de mes parents. Mes séjours en Haïti ont laissé une empreinte indélébile sur mon âme et je pense que cela se sent dans ma musique. Aujourd’hui, venir assister à l’une de mes prestations, c’est pénétrer dans un univers où toutes les influences qui m’ont forgée co-habitent.
RBO : Beethova Obas et Rebecca Jean, vous chantez en français, en créole et vous mariez ces deux langues du patrimoine linguistique historique d’Haïti dans plusieurs de vos chansons. Il y aurait donc chez vous une « conscience linguistique » fortement assumée. Est-ce exact ? Chanter en créole est-il, pour chacun de vous, un acte fondateur ?
BO : Chanter en créole, ma langue maternelle, est incontestablement un acte fondateur, d’appartenance identitaire. Nous savons qu’une langue ne vit que si elle est parlée et que maîtriser une langue de manière poétique, en avoir un vocabulaire enrichi est formidable mais ce qui est extraordinaire et même plus important est ce qui est véhiculé dans la langue. Je chante avec plaisir en francais, en anglais ou en espagnol.
RJ : Pour moi, chanter en créole est libérateur. Chaque fois, je ressens une transformation dans ma voix, une re-connexion à l’histoire de mes ancêtres. Chanter en créole, c’est un accès direct à ma force intérieure, ainsi qu’a ma vulnérabilité. C’est une revendication qui permet de me réapproprier mon identité, d’honorer le parcours des peuples afro-descendants et de transmettre à mon tour l’amour de cette langue qui selon moi, est trop souvent dévalorisée.
J’ai longtemps été réticente à l’idée d’écrire en créole. Je ne me sentais pas légitime : n’étant pas née en Haïti, n’ayant pas grandi avec la richesse de l’environnement et des situations qui donnent vie aux métaphores, j’avais peur de manquer de profondeur. Puis en 2016, lorsque j’ai réalisé la trame sonore du film Vortex de Jephté Bastien, je me suis lancée dans la composition de deux titres en créole : Adje O et la chanson thème du film, Kouray. Cela m’a donné confiance en ma capacité de naviguer dans cette langue à ma manière en puisant dans mes références et en partant de mes propres repères.
RBO : J’ai noté avec le meilleur intérêt qu’il y a une « haute parole poétique » dans les chansons interprétées par Beethova Obas et Rebecca Jean. Par exemple, sur le registre de la composition musicale et linguistique de « Kite m ri » ou de « Si » de Beethova Obas, le texte est finement ciselé et le choeur accompagnateur contribue à la fluidité d’un propos pourtant tragique, la mémoire des catastrophes migratoires des Haïtiens ou celle des désastres écologiques et sociaux dans l’ex-« perle des Antilles » :
« Si » :
« Si jodi-m pran bato
Pou-m néyé kou-w krapo
Nan mitan vag lanmè
Pou-m kabré la mizè.
Si ti moun pa grandi
Si pa menm rét péyi
Si tout bagay kwochi
Menm si-w pa janm sézi.
Si tèt mònn mwen kalé
Si-m aprann pou-m bliyé
Si-m manjé nan fatra
Si-m pran ranyon pou dra.
Si ti nèg lonjé kwi
Douvan biwo Loni
Si la vi-n sanzavni
Si Ayiti mouri.
Pour sa part, Rebecca Jean, dans « Lang lakay », une magistrale adaptation créole de la chanson « La langue de chez nous » de Yves Duteuil, tisse comme suit d’exceptionnelles harmonies :
« Lang lakay » :
« Yon lang ki pran nesans
Nan doulè nan soufrans
Sou bitasyon lanmò
Kreyòlanm boujonnen
Son sikatris sou do
Se kouray zansèt mwen yo
Yon lang ki gen listwa
Klere chimen fènwa»
Comment surgit et s’organise chez chacun de vous cette « haute parole poétique » dans de telles chansons ? Au creux d’une « métaphore parlante » qui lie composition et interprétation musicales sur le mode d’une composition picturale –par exemple « Femme à la mer » (1892) ou « La naissance » (1896) de Paul Gauguin–, comment s’effectue chez vous l’acte créateur musical ?
BO : J’aimerais citer une phrase tirée de « Kite’m Ri » que j’affectionne :
« M’pa ka ri,
Twòp fizi, nan pwen tèt ansanm
P’pa ka ri
Lè m’wè san, mwen sonje manman’m » pour simplement relater que ce texte écrit en 1992 est encore hélas d’actualité…
Pascal Jean Winer est un poète-né. Grâce au texte « Si… » il a conquis à l’unanimité le cœur des auditeurs une fois transformé en chanson par mes soins. Mon interprétation en fera le titre phare de l’album qui en porte le nom.
Pour ma part, je crée en fonction de mon ressenti et des vibrations liées aux situations de ma vie et de l’actualité qui prévaut.
Je me permets d’ajouter que pour qu’un titre soit « hautement poétique » il faut être observateur, capteur, analyste, il importe de comprendre, de trouver les mots aux maux pour transmettre l’émotion.
RJ : Chez moi, l’acte créateur répond d’abord au besoin d’extérioriser mon ressenti face aux diverses réalités dont je suis témoin en traversant l’expérience humaine. Tout commence par une vibration, une sensation que j’approfondis par la contemplation ou la méditation. Lorsque le flux incessant des pensées qui déferlent dans mon esprit se calme, cela me permet d’aller chercher des nuances et de la précision dans mes idées. C’est ce qui détermine l’angle dans lequel je vais approcher mon thème. Souvent, mon piano apporte beaucoup de clarté. C’est lui qui donne le ton, après c’est une danse entre les notes, les mots et les silences.
RBO : Beethova Obas et Rebecca Jean, vous serez conjointement sur scène à Montréal : quel regard portez-vous, chacun, sur l’art musical de celui qui interprète « Kite m ri » ou « Si » et sur l’art musical de celle qui interprète « Gen de jou » et « Haïbecoise » ? Peut-on dire qu’il y a entre vous des passerelles, des points de jonction et une communauté de vue, dans vos singulières inscriptions musicales, sur des thématiques qui nous interpellent tous ? Quel regard solidaire portez-vous sur l’art musical des talentueux Jean Jean Roosevelt et Emmanuel Obas ?
BO : Voilà une question qui ferait l’objet d’un grand débat musical voire philosophique. Pour essayer d’y répondre je me référerais à la loi de la relativité d’Einstein: E=mc2. Deux variables au carré dont l’énergie est étroitement tributaire. Les perceptions et interprétations d’un point, d’un sujet ou d’un thème peuvent varier, tout dépend de l’angle dans lequel on se tient.
J’ai expliqué dans ma deuxième réponse l’influence des conjonctures et des choix que nous faisons qui, ostensiblement, déterminent notre dessein… plus nous avons de variables, plus la possibilité d’erreur augmente.
Je découvre le talent de Rebecca, elle a un potentiel avéré et un sentier battu devant elle, le succès est au seuil de la porte et je le lui souhaite vivement. J’écoute et je découvre avec intérêt JeanJean Roosevelt. Son langage châtié est un bel atout avec lequel il dévoile son âme, implicitement celle de l’Autre. Parler d’Emmanuel Obas c’est un peu parler de moi : notre enfance et notre fraternité ont ficelé notre complicité devenue aussi musicale et scénique. Manno m’a servi de guide car grâce à sa voix j’ai pu trouver ma voie. Chez chacun de nous, déjà tout est là ; le reste dépend de cette infinie sagesse que nous ne pouvons palper, qui en tout nous dépasse et à qui, semble-t-il, revient toujours le dernier mot.
Je nous souhaite une bonne continuation en nous rappelant que chaque être a son unicité.
Ce qui est écrit dans la main de l’un est différent du message inscrit dans la main de l’autre.
RJ : Beethova est un artiste avec lequel je sens beaucoup d’affinités. Que ce soit au niveau de ses choix musicaux ou des thèmes qu’il met en lumière. Il a une manière de dire les choses avec subtilité tout en étant clair : l’équilibre parfait entre l’abstrait et le concret. Parfois quand j’y pense, je trouve bizarre que nos chemins se croisent seulement maintenant !
En toute modestie, je peux dire qu’on se rejoint à plusieurs niveaux : les valeurs véhiculées, des styles musicaux qui respirent assez pour permettre aux mots de prendre leur place et bien sûr, l’attachement aux racines, qui se fait sentir à travers la rythmique des tambours. Au-delà de son immense talent, c’est un être foncièrement généreux et humble. Je me sens vraiment privilégiée de pouvoir partager la scène avec lui le mois prochain.
Évidemment, je me réjouis aussi à l’idée de rencontrer Emmanuel Obas dont la chanson « Lage l » m’accompagne étroitement depuis des années ! Sans oublier mon ami et collaborateur JeanJean Roosevelt à qui je voue une grande admiration. Son parcours singulier m’inspire ; c’est un artiste qui a su frayer son chemin par son talent, sa constance et son sens de la stratégie. Il est aujourd’hui un incontournable dans le paysage musical haïtien ! Ce sera sans aucun doute une soirée mémorable et j’ai hâte d’y être.
RBO – Rebecca Jean et Beethova Obas, un grand merci pour vos éclairantes réponses aux questions de notre entrevue.
Complément d’information sur Beethova Obas
Beethova Obas, c’est une histoire qui ressemble à un conte plein de rebondissements. Heureux jusqu’à l’âge de cinq ans, sa vie bascule lors de la disparition de son père, l’artiste-peintre Charles Obas. Ce dernier prenait le pinceau pour dénoncer les injustices, son fils lui, prendra la guitare découverte dans son atelier quelques années plus tard. Beethova Obas c’est celui qui eut la joie d’être le gagnant du concours American Airlines en 1988. La même année il reçoit le prix RFI.
Après son premier album, « Le chant de liberté » qu’il dédie secrètement à son père disparu, (cf le titre « Yon dènye mo ») un dernier mot, tout s’enchaîne : Malavoi l’emmène en Martinique où il enregistre « Nou pa moun ». S’ensuivent, gloire et triomphe et les portes du succès lui sont ouvertes sur tous les continents. « Si… » est l’album qui le mène aux étoiles et fait de lui une star internationale.
Au Japon, où il est en concert, le public chante avec lui. En France, il participe aux émissions les plus connues telles Champs Élysées ou le Cercle de Minuit. « Envoyé spécial » lui consacre une émission et l’équipe du tournage le suit en Haïti.
Sa recette ? Garder la tête froide et être une force tranquille. Beethova continue sa route. Il a beaucoup à dire et ses messages sont forts en mélodie. Amoureux de la musique brésilienne, Jao Gilberto, Venicius de Moraes et Gilberto Gil impriment en lui des sonorités qu’il mêlera savamment à une sauce cubaine et des rythmes haïtiens. Ça y est, Beethova a inventé une musique n’appartenant qu’à lui, c’est le CUBHABRA. (Cuba, Haïti, Brasil). Les habitués diront que dès les premières notes, on le reconnaît, on est tenu en haleine.
« Pa prese », son troisième album est également une réussite. Outre ses compositions, il revisite, corse, et donne un nouvel arôme à la composition « Couleur café » de Gainsbourg. L’empreinte de Beethova est désormais indélébile.
Plus de deux décennies après la sortie de cette perle trop peu connue, les thèmes liés au respect de la planète demeurent plus que jamais d’actualité. Beethova continue à chanter les injustices, les abus de pouvoir, l’histoire de son peuple, mais la quiétude ne le quitte pas, « kè’ m poze » en atteste. Album à déguster les yeux fermés dans un silence de cathédrale pour comprendre qu’il sait où il va…il vise les hauteurs. M konn ki bò m’prale, an lè m’ap gade.
« Futur » prend naissance, par lui créé, par lui chanté, par lui imprimé. Beethova opère un véritable retour aux sources et fait appel à ses souvenirs. Un hommage émouvant, Bravo Manman, à sa mère trop tôt disparue, une femme extraordinaire dira-t-il « parce qu’elle a inculqué à ses cinq fils l’importance de l’éducation, boussole de la vie », « ledikasyon se bousòl lavi ». C’est elle également qui leur a appris l’amour du prochain, sans vengeance par-delà la douleur et le chagrin. Alors, il pense aux autres Beethova, il souffre de savoir que des sans-papiers sont traités comme des sous-hommes. Rien à cirer, claque comme une gifle : …même si les douaniers sont armés j’avancerai…
Son septième album longtemps en gestation, voit enfin le jour ! Une fois de plus Beethova a décidé de mettre l’Homme au centre du débat. Il nous invite à reprendre confiance en nous, même si le pays est décrié. Le titre de son nouvel album nous remonte le moral : « Bon Bagay » ! Oui ! Des gens bien ! [Source : site officiel de Beethova Obas]
Complément d’information sur Rebecca Jean
Rebecca Jean : auteure, compositrice, interprète, réalisatrice.
Rebecca voit le jour à Montréal. Dans la quête profonde d’un retour vers ses racines, elle renoue avec ses origines haïtiennes et intègre brillamment ces saveurs colorées à son univers créatif. Artiste polyvalente au talent raffiné, elle compte à son actif plusieurs projets signés en tant qu’auteure-compositrice-interprète et réalisatrice. Sur des textes matures et évocateurs, elle chante la profondeur de l’âme avec une poésie franche et un créneau unique; elle sait se raconter et nous raconter avec finesse et subtilité. [Source : site officiel de Rebecca Jean]
Voir aussi l’article de Robert Berrouët-Oriol paru en Haïti le 10 septembre 2021 dans le journal Le National, « Rebecca Jean, la haute voix de la musique contemporaine haïtienne au Québec ». [Source : Madinin’Art ]
Collaborations
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Dernier album de Rebecca Jean : « Antidote », paru le 29 juin 2022.