— Par Jean-Marie Nol, économiste —
La géopolitique et l’anthropologie ont, comme tout le monde le sait ou suppose, des conséquences politiques, économiques, pour les Antilles, et qui même pour les experts de Bercy restent difficiles à évaluer.
Multipolaire il y a peu, notre environnement est désormais bipolaire, à savoir Sud contre Nord.
De l’invasion ukrainienne à la guerre Israëlo- palestinienne, et la montée des périls entre les États-Unis et la Chine sur la question de Taïwan, en passant par la crise migratoire de l’Europe : les enjeux géopolitiques sont majeurs actuellement.
Les tensions géopolitiques sont en train de s’installer dans la durée et déboucheront vraisemblablement sur une redistribution globale des cartes de l’économie mondiale. Quels seront les nouveaux rapports de force et nouvelles lignes de fractures qui en seront issus ? Va-t-on déboucher sur un nouvel ordre économique mondial avec un déclin de l’occident et un avantage comparatif économiquement parlant des pays du Sud global, ou simplement faire évoluer l’existant ? Quels seront les perdants et les gagnants du nouvel épisode historique de la cinquième révolution industrielle et technologique de l’intelligence artificielle ?
Comment alors la Guadeloupe et la Martinique peuvent -elles élaborer une stratégie fiable de développement économique solide dans un monde volatile et donc incertain ?
C’est justement parce que nous vivons un moment géopolitique assez exceptionnel que les décisions qui sont prises par le gouvernement français et les présidents des collectivités auront des répercussions considérables sur la vie des gens en France hexagonale et aux Antilles. En ce sens, nous considérons la différenciation institutionnelle prônée par le gouvernement français comme une nouvelle impasse pour l’Outre Mer.
La Martinique est déjà entrain de s’enfermer dans ce piège du fait d’un trop plein de radicalité politique.. Cette dichotomie d’une pensée pourtant unilatérale de l’exécutif de la CTM sur la question statutaire sera, à n’en point douter, néfaste à terme pour la Martinique. Dans ce cadre de référence, la prudence des responsables politiques et économiques Guadeloupéens semblent de bon aloi et marquée ao coin du bon sens.
En réalité, toutes ces facettes de notre histoire politique permettent de tisser des liens entre l’avant et l’aujourd’hui, et ainsi mieux comprendre l’origine de notre déterminisme considéré comme radical sur le plan politique et laxiste quant à la préhension de la sphère économique.
Trouver dans le vécu de nos ancêtres les sources de nos angoisses existentielles et de nos attitudes comportementale de complaisance à l’égard de l’assistanat sont et reste une gageure. Alors, c’est le pari de la neuro-psycho-généalogie, qui devrait devenir une nouvelle approche de l’histoire atavique oubliée des peuples des Antilles françaises. En dressant l’arbre généalogique des Guadeloupéens et Martiniquais en dénichant d’éventuels drames historiques et familiaux, l’on pourrait prétendre à trouver l’origine de leurs maux actuels en retraçant les traumatismes vécus par leurs ancêtres. Or cette nouvelle méthode d’analyse de l’histoire d’un pays d’inspiration psychanalytique s’appuie, non pas sur des bases historiques livresques, mais sur des bases anthropologiques.
L’analyse anthropologique dont je fais référence porte à conséquence sur notre perception de la gestion de l’économie. Selon nous, les traumatismes vécus par nos ancêtres et qui se transmettaient inconsciemment de génération en génération nous ont mis hors du champ de l’économie moderne.
Un héritage inconscient qui se manifesterait par des troubles émotionnels chez nous leurs descendants. De quelle manière se ferait cette transmission?
En fait, le canal serait tout bonnement les neurones. Notre cerveau est composé de deux types de cellules : les neurones et les cellules gliales. Dans cette première famille de cellules cérébrales, « La réponse motrice, la mémoire, la perception sont produits dans le cerveau à partir de la communication des cellules neuronales ».
Selon les idées communes, ce type de cellules est plutôt tourné vers une « fonction métabolique et mémorielle du système nerveux » et ce à contretemps de la génétique.
C’est cette mémoire héritée par les contemporains qui est circonscrite dans un espace de relations politiques conflictuelles, d’attitudes entrepreunariales velléitéres, dans un temps donné, celui d’un axe biographique couvrant quelques générations. Se reconnecter à ses émotions, à ses vécus, à sa vérité, est un processus essentiel pour sortir du discours condescendant de résilience répété à foison par » la mère patrie ».
Cette nouvelle science humaine qu’est la neuro-psychogénéalogie apporte une compréhension, une remise en perspective de l’histoire de nos pays. Ainsi, comme nous avons pu le voir à travers une brève présentation du comportement atypique et d’un certain déterminisme des Antillo/Guyanais qui fait tâche par rapport aux autres pays de l’Outre Mer français, la neuro-psycho-généalogie ne relève pas seulement d’une analyse transgénérationnelle basée sur la personne, mais n’est autre, selon nous, qu’une méthode d’analyse collective à usage thérapeutique et de caractère mémorielle, qui vise à apaiser le mal-être d’un peuple en se proposant d’analyser la généalogie dont il est issu pour mieux comprendre la place et les missions qui lui ont été légué inconsciemment par les générations antérieures. La neuro-psychogénéalogie établit donc un pont entre la neurologie, la psychologie et la généalogie.
La neuro-psychogénéalogie accepte l’idée qu’il y a transmission d’inconscient à inconscient et que les non-dits traumatiques continuent d’œuvrer dans l’inconscient des descendants tant qu’ils n’ont pas trouvé le moyen de se représenter de façon juste, que ce soit par la parole, l’écriture, la musique, la manifestation d’émotions, la représentation culturelle et artistique et surtout la capacité d’entreprendre …
C’est là, la seule manière d’appréhender dans le futur un nouveau paradigme de modèle économique et s’investir avec succès dans la création d’un nouveau modèle économique et social.
Pour ce faire, un retour en arrière s’impose pour mieux comprendre les enjeux du futur.
La crise économique globale corrélée à la spirale inflationniste, qui frappe actuellement, s’est déroulée en trois actes pour l’instant et deux autres pourraient suivre. Le premier acte commence avec la pandémie de Covid-19 lorsque le monde confine,( notamment la Chine) entraînant la fermeture de nombreux sites de production dans les pays et des ruptures d’approvisionnements dans de nombreux secteurs d’activité, c’est le choc de l’offre. La propagation du virus en France hexagonale et aux Antilles conduit ensuite au deuxième acte de cette crise, le choc de la demande, au moment de l’instauration du confinement qui a eu pour effet de fragiliser nombre de secteurs de l’économie notamment le tourisme. La poursuite de la circulation du virus et les risques de nouvelles crises bancaires et financières créent ensuite une incertitude suffisamment grande pour peser sur la reprise des économies avec en sus la flambée du pétrole et plus généralement de l’énergie. Les relations entre les grandes puissances ont alors évolué d’un système de collaboration et de coopération vers une configuration plus bipolaire dans laquelle les économies des États-Unis et de l’UE se désengagent de la Chine, et vice versa. c’est le choc de confiance et le troisième acte de cette crise. L’avenir reste incertain, mais il est fort probable qu’avec la politique monétaire de la BCE de resserrement du crédit et la flambée des taux d’intérêt que la France entre en récession dès la fin de l’année 2023, soit le quatrième acte. À plus long terme, tant les déséquilibres mis en évidence par cette crise aux multiples facettes, que les conséquences liées à une augmentation sans précédent des dettes publiques et privées préparent la ou les prochaine(s) crises financière, économique, sociale ou même sociétale.. Le temps de la mondialisation heureuse, inéluctable, s’est donc achevé. Momentanément ? L’histoire n’est pas écrite. En attendant, à la libéralisation des échanges s’est substitué leur encloisonnement.
En cause, une dynamique géopolitique qui a pris le pas sur les considérations économiques dans les décisions et les stratégies commerciales. A cette volatilité géopolitique accrue s’ajoutent des perspectives économiques et financières à moyen terme incertaines, comme le montre notre précédente analyse « Quelle Guadeloupe dans cinq ans ?
Sur ce point, gageons que les développements géopolitiques continueront probablement d’influencer les stratégies de la chaîne d’approvisionnement, ( fret maritime et aérien plus cher ) de modifier les destinations des investissements et d’augmenter encore les coûts pour les entreprises.Quoiqu’il en soit de ces futurs risques, la première priorité : serait de s’attaquer aux changements climatiques, la menace existentielle qui surpasse toutes les autres.
Pour cela, nous devons de toute urgence engager des actions à la hauteur de nos ambitions. Pour accélérer la transition verte avec une approche globale combinant d’une part, fabrication du bioéthanol à partir de la canne et investissement dans les énergies renouvelables surtout l’hydrogène, ainsi que d’autre part, indemnisation accélérée des populations les plus durement touchées par les Sargasses et la multiplication des intempéries, notamment les agriculteurs et pêcheurs.
Il est indéniable que nous avons tous trop tardé à agir alors que notre tissu économique productif basée sur l’agriculture s’effilochait. Désormais , la seule indication de la future feuille de route de l’évolution du champ économique des Antilles /Guyane demeure l’instauration d’un grand marché économique régional avec au centre l’émergence forte d’une industrie agroalimentaire digne de ce nom. C’est la seule voie possiblement viable pour l’avenir de nos pays à notre sens.
Mais si les pays Guadeloupe et Martinique parviennent à innover politiquement et aussi bien à s’entendre sur cette question de l’évolution institutionnelle vers une grande collectivité territoriale Antilles- Guyane avec 3 assemblées distinctes ayant à leur tête chacune un président élu par l’assemblée et un conseil exécutif réunissant les 3 présidents, qui transcendent les frontières et nous touchent tous, nous pouvons commencer à réduire la fragmentation politique, et à renforcer de concert la coopération économique tournée d’abord vers l’Amérique du Nord et du Sud et après seulement débouchant sur inter-caraibe. Il y aura ainsi des raisons d’espérer de l’avenir !
« Chak bèt à fé ka kléré pou nanm’ay «
: Chaque luciole éclaire sa propre âme
Jean marie Nol économiste et chroniqueur