Assassinat de Dariush Mehrjui : le destin tragique du cinéaste iranien et de son épouse Vahideh Mohammadifar

L’Iran est en deuil suite au double assassinat du célèbre cinéaste Dariush Mehrjui et de son épouse, Vahideh Mohammadifar, dans leur domicile de Karaj, près de Téhéran. Cette tragédie a plongé le pays dans la perplexité, alimentant les spéculations sur les circonstances entourant leur mort. L’enquête est toujours en cours, mais les signes d’un possible meurtre politique ne peuvent être ignorés.

La vie et la carrière de Dariush Mehrjui

Dariush Mehrjui était une icône du cinéma iranien, reconnu pour ses réalisations en tant que cinéaste, producteur et scénariste, s’étalant sur six décennies. Né à Téhéran en 1939, il a étudié la philosophie aux États-Unis avant de retourner en Iran, où il a lancé une revue littéraire et a réalisé son premier film, « Diamant 33 », en 1966, une parodie des films de James Bond. Cependant, c’est « La Vache », en 1969, qui le propulsa sur la scène internationale. Ce film, pionnier de la Nouvelle Vague iranienne, remporta le prix du jury à la Mostra de Venise en 1971.

L’œuvre de Mehrjui a souvent été marquée par une forte dimension sociale, abordant des thèmes tels que la vie des villageois iraniens (« La Vache »), les problèmes sociaux (« Monsieur le naïf », « Le Cycle », « Les Locataires »), et des portraits de femmes (« Sara », « Pari », « Leila »). Bien qu’il ne se soit jamais engagé directement dans la politique, ses films avaient une dimension politique intrinsèque, critiquant la société iranienne de manière subtile.

 

La lutte contre la censure

La carrière de Dariush Mehrjui a été marquée par des confrontations récurrentes avec la censure, sous le régime du chah pré-révolutionnaire, mais également sous la République islamique d’Iran établie en 1979. « La Vache » a été interdit dans son pays pendant trois ans en raison de sa représentation de la vie rurale traditionnelle, qui était en contradiction avec le message de modernité promu par le régime. Plus tard, l’œuvre devint le film préféré de l’ayatollah Khomeini, qui le considéra comme un modèle de film en accord avec les valeurs traditionnelles de l’Iran.

Néanmoins, après une période de grâce initiale, Mehrjui a de nouveau fait face à la censure sous la République islamique, entraînant des interdictions et des blocages de plusieurs de ses films, dont « Le Cycle », qui abordait le trafic de sang humain, et « L’École où nous allions ». Cette lutte constante contre la censure a marqué sa carrière, bien qu’il ne se soit jamais considéré comme un opposant déclaré du régime.

Morts suspectes et climat de répression

L’assassinat de Dariush Mehrjui et de son épouse rappelle d’autres décès suspects d’opposants iraniens au cours des derniers mois. Le réalisateur Kiumars Pourahmad est décédé dans des circonstances mystérieuses en avril 2023, sa famille rejetant la version officielle du suicide. Cette série de décès rappelle les « meurtres à la chaîne » de 1998, où de nombreux opposants avaient disparu, dont le couple Dariush et Parvaneh Forouhar.

Le climat actuel en Iran, marqué par la répression à la suite des manifestations de l’automne 2022, est similaire à cette période sombre. Depuis la mort en garde à vue de la jeune Mahsa (Jina) Amini en septembre 2022, le milieu du cinéma iranien s’est mobilisé de manière inédite en signe de solidarité avec le mouvement de contestation à travers le pays.

Les spéculations sur le meurtre de Mehrjui

Bien que le gouvernement iranien ne soit pas directement incriminé dans le meurtre de Dariush Mehrjui et de son épouse, les spéculations sur la possibilité d’une implication politique subsistent. Des vidéos récentes du cinéaste montrant son désaccord avec la censure et le régime ont suscité des inquiétudes quant à sa sécurité.

Le modus operandi des assassins soulève des doutes sur leur origine. Pour certains, il pourrait s’agir de groupes ultras internes luttant pour le pouvoir, tandis que d’autres estiment que le régime iranien pourrait être derrière ces meurtres. Cependant, aucune preuve concrète n’a encore été présentée.

Le décès de Mehrjui : une perte pour le cinéma

Le décès tragique de Dariush Mehrjui laisse un vide dans le monde du cinéma iranien. Son héritage cinématographique perdurera, rappelant sa créativité, son engagement et sa lutte contre la censure. Ses films ont été reconnus à l’échelle internationale et ont contribué à la renommée du cinéma iranien.

L’assassinat de Dariush Mehrjui souligne les défis auxquels sont confrontés les artistes qui osent défier le régime en place. Sa mort tragique pose également des questions sur la liberté d’expression et de création artistique en Iran. Alors que l’enquête se poursuit, les regards restent tournés vers l’avenir du cinéma iranien et l’héritage laissé par ce géant du cinéma.

M’A