— Par Marcel Lienafa —
Nos ancêtres esclaves, negmawon doivent se retourner dans leurs tombes et se dire : « Tout ça pour ça ! Tant de souffrances pour ça ». Aujourd’hui bien loin de former un peuple, nous avons juxtaposé des intérêts de communautés pour en faire une Martinique balbutiante d’un avenir incertain.
Tant de larmes, tant de sang versés pour avoir aujourd’hui oublié nos racines et agir contre nous-mêmes, en arguant la fierté du déni de l’insensé. Malheureusement, tout ça pour ça !
Pour nous retrouver enfermés dans nos propres contradictions, dans notre incapacité à choisir notre voie. Englués dans nos chamailleries, dans nos revirements, nous ne parvenons pas à déployer nos ailes, à nous élever et prendre notre envol. Un jour pour l’article 73 et contre le 74, le lendemain contre le 73 et pour le 74, sans évènement ou raison particulière, si ce n’est le changement à la tête de la gouvernance des collectivités, et des exemples foisonnent dans le même sens. Nous ne sommes pas invités à suivre le chemin de l’émancipation de notre territoire, mais à vivre selon celui qui se trouve à la tête de la collectivité. Nous ne sommes pas invités à être un membre, si ce n’est le corps de notre destin, mais à agir comme des moutons ballotés par les atermoiements de nos élus.
Et à force de différer, de rejeter les nécessaires adaptations et (ou) changement, arrive ce qui devait arriver. Nous nous retrouvons face au mur des réalités, pas encore « en butée », mais déjà bien contraints par les difficultés de la situation.
Depuis plus de 20 ans on nous sert la nécessité d’un changement de paradigme, si la Martinique veut faire face aux défis de ce siècle. Depuis 20 ans que s’est-il passé ? On a rejoué la partition avec les mêmes instruments, les mêmes musiciens…
Le discours a évolué, mais seuls les actes comptent, et là, force est de constater que bien loin d’avoir fait évoluer les choses, les actions nous ont conduits dans une forme de régression sociale, économique, sociétale.
Nous avons atteint des taux de pauvreté bien au-dessus de ceux de la France hexagonale, touchant toutes les tranches d’âge de notre pays.
Besoin de faire peuple
Notre économie n’arrive pas à se régénérer, à innover, et les secteurs d’activité sont en perte de vitesse, et se trouvent sous perfusion depuis plusieurs décennies déjà. Notre société ne parvient pas à retenir ses jeunes, à leur donner des perspectives d’avenir et même ceux qui tentent de rester et d’aller au bout de leurs études en Martinique finissent par quitter le territoire. Quant à nos ainés, j’en ai les larmes aux yeux, les réponses qu’on leur apporte alimentent le fatalisme qui aura accompagné bon nombre d’entre eux durant toute leur existence de dur labeur. Nous avons besoin plus que jamais de faire peuple, de nous unir pour être en mesure de créer le nouveau modèle que nous appelons tous de nos vœux. Nous avons besoin de rêver, de susciter l’espoir, d’innover. Soyez en mesure d’injecter dans la société de la confiance, de la bienveillance, et de l’unité.
Pour cela nous devons sortir de ces réflexes stupides qui laissent l’affect prendre le dessus sur le rationnel. Dans les affaires du pays, sortons des cercles fraternels, amicaux, familiaux, pour aligner les recrutements sur les bons profils pour donner à nos luttes les bonnes armes, et en passant rééquilibrer les chances de chaque diplômé pour l’obtention d’un poste à sa juste valeur.
Dans l’avènement de cette nouvelle voie, je caresse le doux rêve que le principal paramètre du choix des projets de la part des décideurs ne soit pas l’argent (peu importe les noms donnés, trésorerie, préfinancement…), mais sans discrimination, sa capacité à accompagner le développement équilibré de notre pays, dans le cadre du nouveau paradigme établi en consultation large du peuple.