— Par Roland Sabra—
On se souvient des conditions, honteuses pour leurs auteurs, dans lesquelles Josiane Cueff, alors directrice du CMAC avait été « remerciée » pour le travail accompli à la tête de la Scène nationale de Martinique en 2011 et 2012. Si le court bilan de la Directrice pouvait et devait faire l’objet d’un débat tout à fait légitime les manières de faire utilisées pour se défaire de sa présence soulevaient et soulevent encore, rien qu’à les évoquer, des haut-le-coeur. Il est des moyens, des méthodes qui déshonorent ceux qui y ont recours. Une cabale, menée par un groupe d’artistes dépités de ne pouvoir se hisser au niveau des exigences artistiques d’une scène nationale et organisée en sous-main par un groupe d’oligarques colonisant à son profit l’encadrement de la structure, avait conduit à l’éviction de la directrice. Des arguments martinico-lepenistes avaient été avancés, des procédures dignes de patron-voyou avaient mises en œuvre. Et tout cela bien sûr par des hommes et des femmes de « gôche », de progrès.
Les voilà aujourd’hui condamnés par le Conseil des prud’hommes de Fort-de-France pour licenciement abusif.
Ils ont eu beau tenter d’invoquer l’incompétence du Conseil, soulever une exception d’irrecevabilité, faire croire, au mépris du Code du Travail, qu’il s’agissait d’un contrat de travail à durée déterminée, rien n’y a fait : « les prescriptions de l’article L242-12 du Code du Travail ont été violées. »
Il est cocasse de voir des soi-disant défenseurs des travailleurs, favorables à la stabilité de l’emploi, au Contrat de travail à durée indéterminée se faire les chantres de l’insécurité, de l’intérim en réclamant à corps et à cris de la justice qu’elle requalifie de CDD ce qui de toute évidence est un CDI. Double langage, double disours de qui a une ethique élastique, caoutchouteuse.
Bien sûr ils vont faire appel. Ils l’ont déjà fait. Cela ne leur coûte rien : leur dignité d’homme de progrès ils s’assoient dessus tous les matins. L’argent de la procédure, les honoraires d’avocats etc. ? Il ne sort pas de leur poche, juste de celle des contribuables.
Pour quel résultat ?
Alors que le Ministère a maintenu sa subvention, sans la justifier par un quelqconque cahier des charges, jamais la programmation du CMAC n’a été aussi miséreuse. Où va l’argent? On assiste à une privatisation de missions qui relèvent du service public. La partie cinéma, qui en termes de programmation tente de sauver la mise, a été en grande partie délocalisée vers une société privée : triple avantage, économie de billetterie, économie de personnel, économie de fonctionnement ; avec cet effet pervers qui consiste à montrer qu’une salle commerciale peut avoir, de façon marginale certes, une programmation de qualité et que le label Scène nationale n’est pas une nécessite, qu’il peut disparaître. C’est d’ailleurs ce que souhaitaient les meneurs de la cabale, prêts qu’ils étaient, et qu’ils sont toujours d’ailleurs, à se passer du label en plaidant pour la thématique créée et développée par les Le Pen, père et fille, à savoir « à compétence égale, préférence régionale (nationale) ». Et ce, au mépris du bloc de constitutionnalité cher aux républicains. (Voir le parallèle sur : Le site du Front National et La lettre ouverte des artistes martiniquais).
Le licenciement de la directrice d’origine caucasienne a-t-il libéré la création artistique martiniquaise jusqu’alors « bridée, même soutenue par les subventions » ? (Voir le montant des subventions versées depuis 1998). Le travail de production des arts de la scène martiniquais frôle le coma dépassé. Quand la salle du CMAC se remplit c’est en faisant appel à de vieux chevaux sur le retour. On n’est jamais tombé aussi bas. La future Direction, devra passer, avec l’assentiment des représentants du Ministère de la Culture, toujours prêts à tout céder, sous les fourches caudines d’une martiniquité attestée depuis au moins trois générations et érigée en condition sine qua non de « compétences » « artistiques »! Espérer un sursaut de dignité d’une Délégation (Régionale) des Affaires Culturelles qui se complait à couvrir d’un voile bureaucratique les turpitudes du CMAC, en piétinant le principe de transparence nécessaire au fonctionnement de la démocratie, relève du rêve. Il est vrai que Le CMAC nous a fait réver, mais c’était il y a si longtemps…
Fort-de-France le 12/01/2014
Roland Sabra
D’après un dessin de FAUJOUR