— Par Guy Pollier, simple citoyen —
Les fidèles lecteurs de France Antilles ont pu découvrir, comme moi, dans les colonnes de jeudi et vendredi, 2 sujets, qui à priori ne présentaient aucun lien. Mais à cet instant mon esprit chagrin m’a invité à faire ce papier, fatigué et déçu par le caractère hors sol des préoccupations de plusieurs élus dans une communication attrape-tout (et pas à la hauteur) qui semble être une réplique à une précédente tribune de citoyens de la société civile qui s’émouvaient d’une dérive idéologique et d’un exercice sans partage du président exécutif de la CTM, aux possibles conséquences funestes.
« Les premiers signataires », ce qui suppose qu’ils puissent être légion ? et supportés ? se laissent aller à l’écriture d’un hymne à la fierté, à l’identité, à la défense du drapeau fraichement déployé et à la demande de reconnaissance de la langue créole comme langue officielle. L’exercice aurait voulu qu’ils aillent au bout de leur logique en rédigeant à 90% cette tribune dans leur langue maternelle. Ce qui aurait peut-être aidé à une meilleure compréhension des actions revendiquées depuis le début de leur mandat. Et tant pis pour les 10%, cette minorité qui nous déshonorent à utiliser la langue de Molière pour nous faire « tomber dans le panneau… » !?
Cette petite actualité locale me fait sourire autant qu’elle me désole, tant elle est en décalage par rapport à ce qui devrait être de vraies préoccupations dont l’illustration est relayée par une actualité planétaire faite de cataclysmes, de tragédies, de mort, de désolation, de misère et de phénomènes migratoires incontrôlés, sur fond de guerre réelle, économique et financière. Dont personne ne sortira indemne. L’été de toutes les urgences écrivais-je en 2022 ! Chaque année qui passe est une chance de moins pour les générations à venir.
Les forces de l’univers
Ma deuxième lecture de la semaine est celle de la rubrique du vendredi « Mémoire Sensible » qui est un traceur de notre histoire qui devrait nous préserver des méfaits de l’oubli.
Il n’aura pas échappé aux plus éveillés que les 2 pages d’évocation des tremblements de terre en Martinique sur les 2 siècles écoulés, font écho à la tragédie que vivent mes amis marocains. Je suis personnellement bouleversé par ce drame humanitaire qui a frappé toute la région du Haut Atlas, et qui en quelques secondes a semé la mort et le désarroi de milliers de rescapés (plus de 300 000), confrontés « au jour d’après ». Plus de maison, plus de ressources, plus d’école, plus d’infrastructures, plus d’avenir. Et condamnés à vivre avec des séquelles irréversibles.
A l’écoute d’amis qui ont perdu des proches, je vous dis qu’au-delà de la sidération, de l’incompréhension, de la détresse, combien je suis ému et admiratif de l’énergie de tout un peuple en réaction qui se mobilise avec abnégation. En 4 années passées à leur côté, j’avais pu mesurer leur résilience, leur capacité à résister au mal, à vivre modestement et à traverser les épreuves du covid sans soutien « d’un quoi qu’il en coûte ». Un peuple digne, engagé et solidaire qui n’a pas besoin de « combat identitaire » pour exister.
Ils sont au rendez-vous de leur histoire, jusqu’à se soustraire dans l’urgence à l’offre d’une solidarité internationale spontanée, dont celle de la France. Notre pays si enclin à se porter, au premier rang, au secours des victimes de catastrophes. D’où, pour certains un début de polémique fondé sur une diplomatie qui sur le coup n’aurait pas été à la hauteur de nos relations humaines. Pour ma part je crois fermement que le diagnostic fait par les autorités marocaines était réaliste quant à l’absence de chance de retrouver des survivants sous des masses de gravats n’offrant aucune poche de survie. Et qu’il n’était plus nécessaire de devoir gérer le flux déferlant d’une aide humanitaire de 1ere urgence, sur des routes escarpées et encombrées, ce qui pouvait être contreproductif.
Il convient de respecter la souveraineté du royaume fort de ses 38 millions d’habitants appuyés en la circonstance par une diaspora dispersée sur la planète de 5 millions (dont 1,7 million en France) Désolé pour ceux qui ont parlé de péché d’orgueil, ou il n’y avait que de la responsabilité
Je ne doute pas que la France saura trouver sa place, dans le temps présent et futur, pour aider sans arrogance ce pays ami et aimé par beaucoup pour l’hospitalité de ses habitants.
Mes nombreux échanges, passés et présents avec des marocains, ne laissent aucun doute sur le respect qui les anime. Et en particulier des anciens qui soulignaient l’apport de la France dans la construction de leur pays. Tant dans les infrastructures lourdes de base et par la diffusion des savoirs faire, en particulier agricoles, industriels, organisationnels et en droit public. Qu’ils ont su faire prospérer jusqu’à devenir jardin et verger de l’Europe et bien plus encore. Un peuple sans pétrole, avec de la fierté et de la reconnaissance. Mais la FIERTE n’est rien sans HUMILITE et PROSPERITE.
De la bonne fierté, construite sur des réalisations concrètes, sur de la sueur et aujourd’hui des larmes. J’ose croire qu’ils puissent se relever et j’aurais aimé que cet exemple puisse nous enseigner les ingrédients à mettre en œuvre, si par malheur nos poussières d’iles venaient à être frappées.
Car 200 ans d’histoire nous ont démontré que ça n’arrive pas qu’aux autres. Et faut-il le rappeler que nous serions que 350 000 pour faire face.
L’importance des murs porteurs
Néanmoins nous avons cette chance d’avoir pu construire au fil des décennies nos infrastructures, nos maisons selon des normes drastiques. Grace à notre double appartenance à la France et à l’Europe. Ces murs porteurs que l’on trouve rigides, voire incompétents à régler nos problèmes. Alors que la mission locale serait de travailler sur le second œuvre et d’entretenir les périphériques et autres commodités : distribution d’eau, évacuation des ordures ménagères et transports (missions curieusement absentes du bilan provisoire de nos élus). Et que l’ambition de faire soit suivie d’action.
Il est urgent d’oser s’avouer ce que l’on fait et non ce que l’on est. « Le moment est venu de vaincre les démons de l’utopie et de sortir de l’aigreur et de l’erreur. Oublier la folie des grandeurs et arrêter les discours de beaux parleurs. Et cesser de faire l’acteur, quand on n’est plus à la hauteur. De nous abriter de la pluie, du vent et de conjurer le malheur et retrouver notre voie. Au soutien des murs porteurs et de nos amis en béton. Pour ne pas avoir peur ». Là est la seule priorité de nos élus.
Car une autre évidence se fait jour dans une évanescence fulgurante de la mémoire vive qui s’efface au rythme de l’actualité. En moins d’une semaine les médias ont déjà oublié le Maroc et la Lybie et demain Lampedusa. Très souvent pour des sujets futiles générant des chamailleries de cour d’école.
Et à un moment, on se retrouve bien seuls à devoir gérer l’ingérable. Haïti si près de nous n’a jamais pu panser ses plaies. En s’enfonçant dans la souffrance et le chaos dans l’indifférence générale.
La mémoire est devenue insensible et ça s’appelle l’oubli, le vide, le néant. Alors faisons en sorte de consolider nos fondations pour tenir notre maison. Et de ne jamais perdre… le goût du bonheur.
Sans haine et sans rancœur… pour un avenir meilleur que je souhaite du fond du cœur.
Inchallah…si Dieu veut
Guy POLLIER Simple citoyen