— Par Yves-Léopold Monthieux —
Il est stupéfiant que lorsque Jean-Luc Mélenchon réclame une 6ème république, qu’aucun journaliste ne lui demande s’il prévoit de supprimer le vote du président de la République au suffrage universel, ce qui constitue la clé de voûte de la 5ème République. Or sans la suppression de ce mode d’élection, pourrait-on vraiment parler de changement de la constitution ?
Tandis que dans les démocraties comme le Royaume-Uni et les Etats-Unis la règle fondamentale est la même depuis plusieurs siècles, celle-ci a changé en France à cinq reprises. La Vème République a supplanté la IIIème dans la longévité sans qu’on puisse parler pour autant de stabilité. Car depuis sa création, le monde politique n’a pas cessé d’y apporter des modifications et des ajouts dont certaines sont à ce point importantes qu’on pourrait presque parler de changements de la constitution.
La période de 1958 à 1962, n’était-ce pas en réalité une période de transition entre la IVème et la Vème République, comme l’avait été le gouvernement provisoire, en 1944 ? En effet, c’était celle de l’Homme providentiel qui termina la guerre d’Algérie et fit usage de l’article 16 de la constitution lui accordant des pouvoirs exorbitants. Le rapport direct entre le général de Gaulle et le peuple français avait prévalu sur les institutions.
Le référendum de 1962 imprime la caractéristique essentielle de la 5ème République : l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Lorsque la majorité de l’Assemblée nationale soutient le président, ce dernier est le véritable chef du gouvernement. Des juristes avaient prédit la fin de la 5ème République le jour où le président de la République n’aurait pas une majorité à l’Assemblée nationale. Il n’en fut rien.
L’avènement de cette situation a conduit à un troisième grand moment de la constitution : la cohabitation entre le Président et le Premier ministre, l’émanation de l’Assemblée nationale et non plus du président. Elle réhabilite la lettre de la constitution et la prépondérance exécutive du pouvoir bicéphale passe du président au premier ministre. Cette bascule consacre le rééquilibrage du pouvoir vers le parlement ; on est en présence d’une une véritable Cinquième République-bis.
Un pistolet dans le dos, comme pour le service militaire et comme, pour Sarkozy plus tard, les Renseignements généraux de la police, Chirac met fin au septennat présidentiel. Le quinquennat qui suit dénature la Cinquième qui perd sa respiration à mi-mandat, l’élection de l’Assemblée nationale au bout de 5 ans, et rend inopérante la question de confiance, aux mains du président de la République.
On est enfin parvenus à une situation que seule l’élection de ce dernier au suffrage universel direct change de la 4ème République : un Président et une Assemblée qui n’ont pas de majorité, ni l’un ni l’autre. Est-ce la dernière marche avant la 6ème République que Jean-Luc Mélenchon appelle de ses vœux ? En passant, au besoin, par Marine Le Pen ? Ainsi, depuis François Mitterrand, chacun se sera servi du Front national, d’une façon ou une autre.
Fort-de-France, le 20 juillet 2023
Yves-Léopold Monthieux