— Lino Betancourt Molina —
La ville de La Havane est le siège du Festival Jazz Plaza depuis 29 ans, là se donnent rendez-vous des jazzistes cubains et d’autres pays. Le festival est appelé ainsi car le premier de ces événements a eu lieu dans la Maison de la Culture de la municipalité havanaise Plaza de la Révolución. La maison de la rue Calzada et 8, dans le quartier El Vedado, était occupée anciennement par la Société Lyceum Tennis Club, ensuite, en 1968, elle a accueilli le Centre d´Information et des Études de la Culture, où les mardis, dans la soirée, le spécialiste Horacio Hernández, une autorité du jazz, offrait des conférences avec des enregistrements d´artistes du monde de ce genre. Ces réunions des passionnés de cette musique ont entraîné que le premier festival de jazz ait lieu dans cet endroit en 1979, présidé par le talentueux Bobby Carcassés, qui cette année est encore une fois à la tête de l´organisation de l´événement.
Bien, mais peut-on parler d’un jazz légitimement cubain ? Le jazz latin ou Latin jazz, comme on l´appelle, n’est pas un genre totalement cubain mais la fusion du jazz nord-américain avec la musique cubaine. On l´a d´abord appelé Afro cuban jazz, ensuite Cubop et dernièrement Latin jazz.
L´émergence de cette musique a la même origine. Le jazz et la musique cubaine ont des racines africaines, d´une telle sorte qu’ils ne sont pas séparés.
Ensuite on devrait également prendre en compte la proximité géographique entre Cuba et les États-Unis et de la communication qui a toujours existé entre les deux cultures, surtout dans la musique. Les expressions musicales des deux pays ont eu des échanges durant des années.
Depuis des temps lointains, à la fin du XIXe siècle, il y avait des musiciens cubains qui se sont installés dans les villes nord-américaines comme Nouvelle-Orléans, considérée comme le berceau du Jazz et, en même temps, les musiciens américains était au courant de notre musique et ils ont même incorporé dans certaines de leurs œuvres des cellules rythmiques du son, de la rumba et d’autres accents cubains. Les nombreux enregistrements, aussi bien cubains que nord-américains, ont également contribué au rapprochement musical entre les deux cultures.
Nous pouvons mentionner deux aspects influents de la musique nord-américaine à Cuba : la formation des orchestres du type Jazz Band et le mouvement appelé Feeling qui possède une notable influence du jazz nord-américain.
D’autre part, d’éminents musiciens étasuniens tels que Dizzy Gillespie et Charlie Parker se sont intéressés à notre musique, de même que Stahe Kenton, qui a enregistré certains morceaux avec des éléments de la musique latine et cubaine en 1941.
Aux États-Unis, plusieurs musiciens cubains ont aussi réuni le son avec le jazz, parmi ceux-ci se trouve l’éminent trompettiste et saxophoniste Mario Bauzá qui, en 1940, a fondé à New York, avec son beau-frère Frank Grillo (« Machito »), l’orchestre de type Jazz Band « Machito y su afro cubans », se dédiant à interprété la musique cubaine avec une forte influence du jazz dans les orchestrations réalisées par Mario Bauzá.
En 1943, Mario Bauzá compose l’œuvre Tanga, considérée par certains musicologues comme la pièce qui a commencé la fusion du jazz avec la musique cubaine. D´autres critiques estiment que le point de départ de cette fusion fut l´union musicale de Chano Pozo avec Dizzy Gillespie, en 1947.
Comment a eu lieu la rencontre entre Chano Pozo et Dizzy Gillespie ? Ce fut en 1947 quand le célèbre batteur cubain est venu à New York où Mario Bauzá l’a présenté à Dizzy Gillespie qui, à cette époque, cherchait un tumbadora pour l’incorporer dans son orchestre. Cette même année ils se sont présentés dans le Carnegie Hall de New York et ils ont enregistré plusieurs albums, parmi eux la pièce connue de Chano Pozo intitulée Manteca. C´est alors que Gizzy Gillespie a appelé Cubop la fusion connue avant comme Afro cuban jazz, qui deviendra plus tard le Latin Jazz.
Cette même année, dans une autre salle de New York, le Town Hall, l´orchestre de Stan Kenton et celui de « Machito » ont offert un récital lors duquel ils ont joué une musique cubaine fusionnée avec jazz. Peu de temps après, Stan Kenton a enregistré The peanut vendor (El manisero) avec les percussionnistes de l’orchestre de « Machito ».
Il y a un double album, l’Afro Cuban Jazz, avec des titres des années 1948 et 1954, considéré comme un classique de cette fusion. Les arrangements sont de Chico O’ Farrill, Mario Bauzá et René Hernández.
Un grand nombre de musiciens cubains se sont soulignés dans ce courant musical appelé Latin Jazz. Parmi ceux-ci nous pouvons mentionner Mongo Santamaría, Tata Güines, Carlos « Patato » Valdés, les Romeu, les Valdés et Carcassés.
Nous ne devons pas oublier de mentionner le batteur Horacio Hernández « El Negro », qui a remporté le très convoité Prix Grammy en 1997 et qui est considéré comme l´un des meilleurs batteurs au monde.
Parmi ces grands du jazz il faut évidemment mentionné le pianiste Chucho Valdes, un participant des grands festivals internationaux du monde du jazz, qui a remporté son premier Grammy avec l’œuvre Misa negra en 1978.
Injustement, on oublie le grand pianiste et compositeur Emiliano Salvador, né le 19 août 1951 à Puerto Padre et disparu prématurément à La Havane le 22 octobre 1992. Selon l´éminent critique de jazz Leonardo Acosta : « Le mérite d’Emiliano, musicalement parlant, commence par le fait qu´il a réussi à obtenir un style propre, organique et cohérent à partir des racines afro-cubaines, du jazz, de la musique brésilienne et du piano classique et romantique ».
Des pièces composées par Emiliano, comme Angelica, Poly, Una mañana de domingo ou Mi contradanza, interprétées par des Cubains, ont enrichi notre répertoire de jazz. Il faut rendre honneur à ceux qui le mérite.
Sources consultées :
– Ledon Sanchez, Armando : La música popular en Cuba. Maison d’édition El Gato Tuerto, Oakland, Californie, 2003.
– Giro, Radamés : Diccionario Enciclopédico de a Música en Cuba. Maison d’édition Letras Cubanas, tome 4, 2009.
– De la Hoz, Pedro : Journal Granma, 12 décembre 2013. Page 6.