Du côté des créateurs d’outremer

—  Par Dominique Daeschler —

Chapelle du verbe incarné. TOMA.

Si Pina m’avait demandé de Marion Schrotzenberger

Il y a de la fraîcheur et du culot dans ce « prenez-moi comme je suis ». Une danseuse qui élève seule ses enfants, change d’appartement, manque d’argent et de contrats nous fait entrer dans sa vie : l’école, le coup de fil qui annule un contrat, les jeux des enfants qui déconcentrent, le fouillis de l’appartement. Pour sublimer tout cela, les répétitions à la maison, avec Pina Bausch comme ange tutélaire et modèle. Tonique. De Marion Schrotzenberger on retiendra plus le travail de comédienne que celui de la danseuse. La gestuelle épurée de Pina Bausch est étouffée par un va et vient incessant de changements de costumes qui paraît gratuit, une évocation de diverses formes de danse qui donne un côté catalogue même si on y décèle une énergie pleine d’humour. De même, la présence sporadique du personnage masculin paraît anecdotique. Il reste que Marion Schrotzenberger a choisi la difficulté en nous embarquant dans son univers, quitte à s’y perdre parfois.

12h10.Jusqu’au 12 juillet.

Interprètes / Intervenants
Chorégraphie : Marion Schrotzenberger
Mise en scène : Marion Schrotzenberger
Interprète(s) : Marion Schrotzenberger, Eric Languet
Compositeur : Ismaël Colombani
Assistants dramaturgie : Ismaël Colombani, Edith Depaule
Créateur/régisseur lumière : Jean-Jacques Deneumoustier
Régisseuse son & plateau : Céline Serrad

Mange-moi, texte Nathalie Papin, m.e.s. Arielle Bloesch

Sur l’éternel thème du conte initiatique, Nathalie Papin, l’autrice bien connue du théâtre pour enfants, bouscule les repères : la petite fille grosse moquée par camarades, a l’esprit d’initiative, le sens du contact, le goût de l’aventure et toutes les qualités que donnent la curiosité et l’imagination. Elle est vindicative, espiègle, toujours en mouvement, le contraire du portrait classique de la « grosse »apathique. L’ogre, qui ne mange plus les enfants, est doux comme un agneau mais il mange les lignes d’horizon ,déconstruit le paysage. Une histoire de dominés où l’une devient dominante ? Une histoire de rencontre, de dépassement de soi, d’oubli des préjugés et des assignations sociales construit une belle amitié dans la complémentarité de la différence. Ça fonctionne. Caroline Savard, Guillaume Ruffin sont excellents : l’une dans l’excès, l’autre dans l’humilité de jeu. La mise en scène d’Arielle Bloesch est ciselée, adaptant le « à demi-mot ». On regrettera cependant la toile naïve tendue en fond de scène ( question de moyens financiers sans doute) et des manipulations pas toujours convaincantes.

15h. Jusqu’au 26 juillet, relâche les 13 et 20 juillet.

Textes Nathalie Papin
Mise en scène et chorégraphie Arielle Bloesch
Avec Caroline Savard et Guillaume Ruffin
Musique Miyavi, Li Yan et Chen Jian, Jaël, Ryūichi Sakamoto
Création lumières Viviane Vermignon
Costumes Laure Bartel
Accessoires et marionnettes Estelle Butin, Dominique Guesdon et Rodolphe Delarue
Visuel Rodolphe Delarue

Moi dispositif Vénus

Dans une société ultra libérale, où s’affirme dans un contexte insulaire, le pouvoir d’un petit nombre de possédants, les difficultés économiques vont conduire des femmes à prêter leurs voix aux avatars de E-International Venus, programme en ligne de services sexuels dont on peut supposer qu’il est dirigé par les possédants.

Adeline Flaun, auteur-interprète, y va franco. Le texte est balancé, joue de la véhémence et de la harangue et l’interprète en live doit défendre sa place face aux vidéos, aux avatars dont l’utilisation parait parfois balbutiante : l’impression d’être dans un power point, pourquoi ne pas utiliser la 3D et ne pas aller jusqu’à l’I A ? L’assimilation Moi-avatars reste difficile et affaiblit parfois la relation de la comédienne au texte ainsi que la multiplicité des entrées et des sorties. Ce « tout à gérer » » est parfois une gêne. Il faut saluer la prise de risque, cette volonté de faire théâtre au milieu et avec les techniques et représentations d’aujourd’hui. Un spectacle à peaufiner tant dans la perception destructrice de l’engrenage qui domine la volonté d’émancipation que dans l’harmonie des différents moyens et formes scéniques.

21h20. Jusqu’au 26 juillet. Relâche les 13 et 20 juillet.

Conception Act’in Matnik
Auteur, mise en scène et interprétation Adeline Flaun
Assistance à la mise en scène Alexandra Déglise et Nina Uyà
Assistance mouvements Nina Uyà
Musique Clara Aguilar
Lumières Félix Gane
Avatars 3D et interfaces Saïdou Bernabé et Parallele14
Vidéos Yannis Sainte-Rose
Décors Kanet & Jean-Marc Bullet
Costumes Jesús Cobos
Consultant astrologue Hendry Léton
Avec les voix de Alexandra Déglise, Makandja, Adeline Flaun, Sylvie Santelli, Maisa Perk, Maria José Cecilia, Cecilia Debergh, Nêga Lucas, Pan Weiju, Nikol Kollars, Isabelle Domingo, Francesca Catricala, Andrea Parra

IN. ! Vive le sujet ! Tentatives.

APAWA !

Dans le In, un lieu d’expérimentation , le jardin de la Vierge du lycée St Joseph, offre un plateau à des performances de duos d’artistes pour proposer des formes courtes pluridisciplinaires. Daniely Francisque a choisi comme acolyte le musicien Mawongany dans la performance dont elle assure, texte, mise en scène et jeu.

Elle entre en scène comme en majesté. On a l’impression qu’elle mesure trois mètres tellement elle prend la scène. Daniely Francisque a mille peaux. Ses talons hauts bien carrés vont accentuer le déhanchement, les pliés. Le musicien-quimboiseur-marabout, assis sur son tapis, avec ordinateur, tablette et calebasse semble relégué. Femme puissante, Daniely se met en danger, , s’épluchant, se dépouillant de ses peaux qui desquament comme mues de bête longue. Elle s’agace de tout ce qui revient dans sa mémoire et cogne sa vie (le viol de la colonisation, l’inceste…), de ce rituel qu’il faut mettre en œuvre pour mourir et renaître.

L’écriture est belle, jetée en pâture, tellement riche que le rythme de la performance peut la dévorer. Un regret : que le créole ne soit pas traduit, c’est une langue et non un dialecte et cela mérite qu’il soit accueilli ainsi pour en découvrit la richesse et permettre la transmission. La présence du musicien sur scène apparaît comme presque gênante, trop cool. Pourquoi avoir choisi une calebasse pour jouer (mouvements syncopés évoquant le dammié et la comédienne en lutte) et pas un tambour bèlé qui lui permet aussi une assise , Pourquoi ne pas se servir de l’eau ?

Daniely Francisque semble manquer d’espace ce qui diminue la puissance dramatique d’autant qu’on a du mal à ressentir le dialogue avec le musicien. Cela fonctionne mieux quand elle est seule et que le musicien- quimboiseur est remercié devant la scène ( carrefour symbolique).On peut regretter la bande son du final qui semble jouer avec le sacré. Illustrer la liberté de la femme par un shatta, semble retourner à l’image stéréotypée, un rien vulgaire, combattue pendant le spectacle. Pourquoi ne pas terminer par un belya, une biguine bélé, un gran bélé en signe de retrouvaille culturelle ?

A 10h30 les 12,13,14, juillet, jardin de la vierge du lycée St Joseph.

Avec Daniely Francisque, Mawongany
Texte et mise en scène Daniely Francisque
Musique Mawongany
Costumes Laura de Souza
Conseil dramaturgique ETC_Caraïbe (Alfred Alexandre)
Regard extérieur Nelson-Rafaell Madel
Régie son Gilles Pastel
Administration de production Carine Irénée