Le monde du spectacle vivant s’inquiète de la situation très précaire des opéras et des orchestres français. Selon les syndicats, près de 500.000 spectateurs pourraient être perdus d’ici 2025.
Touché par des restrictions budgétaires, le spectacle vivant va vivre une «saison fantôme» en 2023-2024, avec quelque 150.000 spectateurs privés d’opéra ou de concert du fait de productions déprogrammées ou réduites, a estimé mardi un syndicat du secteur. «C’est l’équivalent du public de deux de nos maisons», a déploré Aline Sam-Giao, présidente du syndicat professionnel Les Forces musicales, qui regroupe 51 opéras et orchestres.
Cette organisation considère que «près de 200.000 spectateurs ont été perdus» l’année dernière. Si bien que, «si rien ne change dans les prochains mois», ce seront au total «500.000 spectateurs perdus d’ici à 2025», sur trois saisons cumulées. Le syndicat affirme également que «2000 emplois artistiques seront supprimés» sur la saison 2023-2024. Il ne s’agit pas d’emplois permanents à temps plein mais «2000 personnes (…) n’auront pas un emploi sur la durée prévue d’un spectacle, période allant d’une semaine à un mois et demi», a précisé Aline Sam-Giao.
Lundi 26 juin, plusieurs syndicats s’étaient réunis, en face du Conseil d’État à Paris pour demander à la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak d’agir en leur faveur. Pendant le concert manifestation, les musiciens s’alarmaient d’une offre musicale en baisse. Un «déclin de la vie musicale», dû, selon eux à des coupes budgétaires massives. Un musicien de l’orchestre de Lille s’inquiétait «de subventions stagnantes depuis 12 ans rendant l’avenir incertain.» Pour pallier les difficultés financières, certains opéras ont déprogrammé, remplacé ou même carrément fermé pendant quelques mois.
Le syndicat Les Forces musicales donne l’exemple d’une vingtaine de productions subissant les effets de cette crise. Ainsi, l’opéra Don Giovanni de Mozart ne sera plus présenté qu’en version concert, dans un établissement du quart nord-ouest de la France et des pièces orchestrales de Rachmaninov et Stravinsky seront jouées à une seule date, au lieu de deux, dans le nord-est du pays.
Autres exemples: l’annulation d’un opéra oratorio de Haendel (prévu dans le sud-est) ou l’annulation d’une tournée de cinq dates au Royaume-Uni d’un ensemble orchestral. Au-delà des causes conjoncturelles – crise sanitaire, coût de l’énergie -, Aline Sam-Giao insiste sur la «crise structurelle» qui touche le secteur, à savoir «la non-augmentation des subventions, depuis parfois 20 ans, dans nos maisons. […] Nous n’avons plus les moyens de financer les missions qui nous sont demandées.» D’où, selon elle, «la nécessité pour les pouvoirs publics de prendre des décisions fortes et de moyen terme». «Que l’État mobilise des financements pour faire effet de levier auprès des collectivités territoriales», jouant le rôle de «chef de file de l’aménagement du territoire», réclame-t-elle.
Source : AFP / Le Figaro