— Par Huguette Emmanuel Bellemare militante et cofondatrice de Culture Égalité —
Qu’appelle-t-on harcèlement sexuel ?
« Le harcèlement est une violence fondée sur des rapports de domination et d’intimidation qui a pour objet ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime et un impact sur sa santé physique ou psychique. » (Le Gouvernement)
Plus précisément, c’est un enchaînement d’agissements hostiles et à connotation sexuelle. Il se manifeste, par exemple, par :
* des propositions sexuelles non voulues et répétées (dès la deuxième fois)
* des remarques répétées sur le physique ou la tenue vestimentaire qui mettent mal à l’aise, des moqueries déstabilisantes, des commentaires sexuels
* des questions et confidences intrusives sur la vie privée
* des photos intimes prises ou diffusées à l’insu de la victime.
Qui est la victime?
Le plus souvent, c’est une femme :
« [Elle n’est] pas responsable de ces actes, propos et comportements. Le seul responsable est l’agresseur. Aucune tenue, aucune parole ou aucun comportement de [sa] part ne justifie le harcèlement, interdit et puni par la loi. » Le Gouvernement
Ajoutons que même les qualités physiques (ou morales) de la victime ne sont en cause.
Qui est le harceleur?
Les media donne une fausse représentation de l’agresseur qui ferait figure d’exception. En réalité, il n’y a pas de profil-type : les faits de harcèlement viennent de tous les milieux.
Par ailleurs, ce « n’est pas quelqu’un animé de pulsions irrésistibles, c’est quelqu’un qui calcule son coup. » (Marilyn Baldeck déléguée générale de l’Association européenne des violences faites aux femmes au travail (AVFT)
De même, la cause pathologique est rejetée par le corps médical. Ainsi, selon Charles-Siegfried Peretti, chef de service à l’hôpital Saint-Antoine, peu de harceleurs sexuels peuvent être considérés comme « malades » au sens clinique du terme.
Bref, le harceleur peut être Monsieur-tout-le-monde !
Quelles sont les conséquences du harcèlement pour la victime ?
Le harcèlement est une violence faite à la personne. Cette violence porte atteinte aux droits fondamentaux : à la dignité, à l’intégrité physique et psychique. Elle vise à prendre le pouvoir et à dominer l’autre. (Le Gouvernement)
Elle peut entraîner, et de façon non exclusive :
* des conséquences psychologiques : stress, anxiété, repli sur soi, isolement, dépression, idées suicidaires, sentiments d’impuissance, d’insécurité, de honte, de culpabilité, de dévalorisation, etc.
* des conséquences physiques : traumatismes physiques, fatigue, douleurs, troubles du sommeil, troubles de l’appétit, dysfonctionnement hormonaux, hypertension, marques corporelles, etc.
* des conséquences comportementales : consommation de substances (tabac, alcool, médicaments), etc.
Le sentiment de honte, en particulier, dissuade les victimes de s’exprimer sur les agressions subies.
Quelles sont les conséquences spécifiques à l’université ?
Les violences sexistes et sexuelles constituent une entrave au développement des compétences et des talents qui sont la mission même du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. » Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (19 mars 2018)
L’Université doit être un lieu d’épanouissement et d’apprentissage : or il n’y a pas d’apprentissage possible sans sécurité, sans bien-être, sans liberté, et sans estime de soi. Il s’agit donc d’un déni du droits des victimes à la cuture, au développement et à un avenir meilleur et autonome.
C’est pour cela que des peines plus lourdes peuvent être prononcées dans le cas de personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Quells sont les fonctions sociales du harcèlement?
Cependant, contrairement à ce que voudrait le faire croire le harceleur, le harcèlement sexuel n’est pas qu’une affaire entre un homme et une femme. Il n’est même pas non plus (nous l’avons vu) une affaire entre certains hommes et les femmes.
Les violences sexuelles ont une fonction sociale : perpétuer les inégalités hommes femmes. C’est-à-dire maintenir les femmes dans la sujétion, l’insécurité et la dépendance. Les retenir à la maison où, fort paradoxalement, un homme sera leur protecteur (contre les autres hommes, tous dangereux prédateurs !) loin de l’espace public, des lieux d’exercice de la liberté, du pouvoir et même de la citoyenneté – tous privilèges réservés aux hommes. Donc les garder dans l’état de citoyenne de 2e zone, à la disposition soit DES hommes, soit d’UN homme. Et en fin de compte, garantir la domination des hommes, autrement dit, défendre et reproduire l’organisation sociale patriarcale.
Cette fonction sociale explique la complaisance généralisée et le manque de réaction vis-à-vis des agresseurs sexuels : la compréhension et la solidarité masculine ainsi que la complicité ou au moins le silence de certaines femmes non encore conscientisées.
Mais aussi, les réactions envers les victimes, faites de défiance voire d’accusation et de hargne: « Ça les incommode, ça les dérange que les victimes fassent trop de bruit, ils préféreraient qu’on continue à disparaître et crever en silence » affirmait récemment, dans une tribune de Télérama, l’actrice française Adèle Haenel.
Que faire ?
En conclusion, la harcelée peut être n’importe qui : notre mère, notre femme, notre sœur, notre fille… ; le harceleur, lui aussi, peut être notre père, notre mari, notre frère et notre fils… Nous sommes donc tous et toutes concerné.es.
Aux femmes de rejeter la vieille rivalité féminine inculquée au profit des hommes et de manifester leur soutien et leur solidarité aux victimes de ce fléau social.
Aux hommes de se montrer particulièrement vigilants envers cette culture du viol qui imprègne nos sociétés, de refuser leur complicité aux harceleurs et de se démarquer d’eux.
A la justice d’appliquer rigoureusement les sanctions prévues par la loi.
A nos autorités de promouvoir et de mettre en œuvre effectivement une politique d’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes de grande envergure, pour petits et grands, dans tout notre pays.
Culture Égalité, association féministe martiniquaise qui forme ses militantes en ce sens depuis bientôt dix ans, est prête à participer à la mise en place urgente de ce programme citoyen.
Huguette Emmanuel Bellemare militante et cofondatrice de Culture Égalité