Entre 1854 et 1864, après l’abolition de l’esclavage, plus de 18 500 femmes, hommes et enfants de plusieurs pays d’Afrique sont envoyés aux Antilles pour y travailler la terre. Appelés « Kongos », ces travailleurs étaient pour la plupart des « captifs rachetés » par des recruteurs qui leur imposaient un contrat de travail, dit « engagement », dans des plantations de canne à sucre en Martinique ou en Guadeloupe. Les travailleurs Kongos furent une main-d’œuvre servile, dont les employeurs s’efforçaient à n’être pas accusés d’esclavagisme, dans le contexte abolitionniste de la première moitié du XIXe siècle. Aujourd’hui, en Martinique et en Guadeloupe, leurs descendants retracent cette mémoire méconnue et revendiquent leurs racines africaines.
Dans ce documentaire, chaque protagoniste aborde ses origines kongos de façon différente. Chacun se réapproprie son histoire et prend la liberté de se définir a posteriori, comme un pied-de-nez à la servilité imposée à leurs ancêtres. Certains portent un nom africain, d’autres n’ont pas la certitude de la filiation qu’offre un document généalogique et revendiquent pourtant un patrimoine « kongo » qui les accompagne au quotidien. D’autres encore ont des héritages et des expériences exceptionnels, comme la famille Massembo en Guadeloupe qui, de génération en génération, perpétue des pratiques ancestrales en mémoire de leurs aïeux africains lors d’une cérémonie appelée le grap a kongo.
Durant son enfance, le nom de famille de Sylvianne et sa couleur de peau étaient moqués. Devenue adulte, à travers son amour pour les rythmes des tambour bèlè hérités des esclaves et les chansons d’artistes africains qu’elle apprend, Sylvianne se réapproprie petit à petit ses origines africaines.
Agriculteur dont la famille est originaire du Morne Congo, au centre de la Martinique, Eric estime qu’aimer la terre lui vient de ses ancêtres « arrachés là-bas et ré-enracinés ici ». L’homme produit des fruits et légumes sans intrants, selon les codes du jardin créole qui permettaient aux esclaves de se nourrir.
Il se dit, dans la famille paternelle de Vanessa, qu’un « homme Kongo se serait allié à [son] aïeule », dans le sud de l’île après l’abolition de l’esclavage. Même s’il n’y en a pas de trace dans leurs archives personnelles, il existe pourtant dans le récit familial. Pour elle, « Kongo » ne renvoie pas au pays actuel avec ses frontières récentes mais plutôt à un sentiment d’appartenance à une terre d’un autre continent.
Bernard est originaire de Marie-Galante en Guadeloupe. Après des recherches sur la généalogie familiale, il ajoute au nom de son père le patronyme kongo de sa mère. À ses yeux, l’Afrique est avant tout symbole d’une force spirituelle. Le documentaire le suit en république du Congo où il découvre le village de ses aïeux et rencontre des anciens.
Marie-France a vu sa mère et sa grand-mère avant elle se battre pour organiser la cérémonie du grap a kongo, un rituel congolais dédié aux ancêtre dont l’organisation se transmet de mère en fille. Chaque 1er novembre, sa famille honore ses défunts, avec notamment des chants en langue kikongo* qui ont traversé les siècles. D’abord l’objet d’un préjugé défavorable, au fil des années, Marie-France est parvenue à faire inscrire cette célébration dans le paysage culturel de la Guadeloupe.
Plasticien, Joël explore dans ses œuvres ses racines kongos et, plus largement, la condition de l’homme noir. Au cours de son enfance à Marie-Galante, sa grand-mère lui a toujours répété avec fierté qu’elle était Kongo et que les Kongos étaient des travailleurs libres. « Ils n’étaient les esclaves de personne. »
Le documentaire de Laura Chatenay-Rivauday revient sur le processus de la transmission de la culture à l’instar des descendants des Kongos qui s’efforcent de garder vivante, 150 ans plus tard, la mémoire de leurs ancêtres. Ces femmes et ces hommes apparaissent ici comme les gardiens du lien entre l’Afrique et la Caraïbe.
*Le kikongo est une langue bantoue parlée par les Kongos vivant en Angola, en République démocratique du Congo, en République du Congo et au sud du Gabon.
Source : Francetvinfo
Sur France 3 le 8 mai à 23.55 et sur La1ere.fr
Documentaire dans le cadre du Temps des Mémoires 2023