— Par Fara C. —
Le 25e festival de musiques afros
de Seine-Saint-Denis célèbre les sons et les sens avec Rokia Traoré, le collectif Mixatac d’Essaouira et le Réunionnais Zanmari Baré.
Tandis que sonne le 25e Africolor à travers seize villes de Seine-Saint-Denis et des escales parisiennes, cet âtre d’inventivité artistique et de citoyenneté conjuguées s’avère plus nécessaire que jamais. En ces temps où une certaine extrême droite avance masquée, réfutant sa sombre idéologie originelle tout en attisant la parole raciste, le festival s’attache aux musiques surgies de différentes déportations : razzias arabes au cours de l’islamisation de l’Afrique, qui engendrèrent les confréries gnawas du Maroc, traites négrières organisées par les puissances occidentales, mais aussi vagues migratoires suscitées par le capitalisme. Le cinéma la Clef (Paris), proposant cinq séances cinématographiques, nourrit la réflexion lors de débats.
un patrimoine multiséculaire valorisé
Du Brésil, le collectif Coqueiros de Olinda (23 novembre, Bondy) s’empare de la samba de roda et des ancestraux tambours atabaques, qui animaient les fêtes des senzalas, étables où les esclaves récupéraient des forces. Puis, lors de « la route de l’esclave » (15 décembre, Le Pré-Saint-Gervais), le collectif du Pernambouc nous emportera sur les cadences du candomblé, dont un des puissants ascendants africains, le vaudou d’Abomey (ancienne ville royale du centre du Bénin), sera convoqué par l’Albert Anagoko Ensemble. Cette troupe, par ailleurs attendue le 11 à Bobigny et le 12 à Villetaneuse, valorise un patrimoine multiséculaire que l’Occident sous-estime totalement, après l’avoir dénigré afin d’en dissimuler la portée fédératrice et la capacité de résistance.
Afrique du Sud incarnée par la chanteuse Sibongile Mbambo (le 22 novembre, Paris, médiathèque M.-Duras), spectacle Batida combinant rythme semba d’Angola, électro, vidéo, danse et histoire politique du continent (le 29, Nouveau Théâtre, Montreuil), répertoire gnawa revu, le 30 à Villepinte, par Mixatac Essaouira (du nom du collectif marocain-marseillais et d’un envoûtant CD), vertige du taarab de Zanzibar, cultivé par le fameux orchestre Kithara (le 30, Paris, IMA), jonglage par six virtuoses dans le spectacle Maputo Mozambique (le 5 à Paris, le 6 aux Lilas)… Impossible d’égrener toutes les perles que nous offre Africolor et dont l’éclat artistique entre en résonance avec un ciment de solidarité ou un engagement social.
une poésie introspective et poignante
Du maloya réunionnais, dont l’administration française réprima longtemps les rythmes de révolte, le chanteur, tambourinaire, auteur et compositeur Zanmari Baré délivrera l’essence (12 et 13 décembre). En son splendide CD, Mayok Flér, sorti sur le défricheur label Cobalt, il en distille une poésie introspective et poignante. À Sevran, Rachid Taha a donné des concerts à domicile, suivis de discussions à bâtons rompus. L’acuité de son art et de sa conscience a profondément ému.
Jusqu’au 22 décembre, Africolor, www.africolor.com, www.cinemalaclef.fr.
Fara C.
http://www.humanite.fr/culture/festival-africolor-riche-traversee-de-la-memoire-553684