— Par Marie-Josephe Sellaye Hardy Dessources de Union des Femmes de Martinique —
Le calcul des droits à la retraite, s’appuie sur un système qui dépend de plusieurs données
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l’âge d’ouverture des droits : l’âge à partir duquel on peut prendre sa retraite (actuellement fixé à 62 ans sauf pour les carrières longues et/ou pénibles) ;
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la durée de cotisations, le nombre de trimestres ou d’annuités nécessaires pour partir avec un taux plein ;
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la pension de référence, le montant de la pension touchée lorsque l’on part en retraite (75 % du traitement hors primes des six derniers mois dans la fonction publique, 50 % de la moyenne des 25 meilleures années dans le secteur privé) ;
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la décote/surcote, le malus/bonus par rapport à la pension de référence si on part avant/après la durée de cotisation requise ;
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l’âge d’annulation de la décote, à savoir l’âge à partir duquel tout le monde peut partir « à taux plein » (67 ans).
Le système actuel des retraites est déjà inégalitaire et pénalise davantage les femmes
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parce qu’elles sont plus nombreuses que les hommes à subir les carrières hachées (périodes de congés maternité, congés parentaux),
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l’inactivité, en particulier pour s’occuper de leurs enfants (le taux d’activité des femmes en Martinique est de 64% en Martinique/ 66% pour les hommes (contre 70%/77% en France) ( Source INSEE – Enquête Emploi en continu 2021)
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le temps partiel (20 % des femmes occupent un emploi à temps partiel contre 8 % des hommes)
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ou encore les bas salaires (le salaire des femmes est toujours inférieur en moyenne de 14 % à celui des hommes en Martinique),
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Ces effets cumulés tout au long de la vie active des femmes ont pour conséquence une carrière plus incomplète que celles des hommes. Elles ne partent donc pas à la retraite avec une pension à taux plein, et le résultat est que leurs pensions sont inférieures en moyenne de 40 % à celles des hommes.
Le projet de réforme des retraites présenté comme un projet de justice social vient encore aggraver cette situation pour les femmes.
Ce projet revisite deux des cinq paramètres du système
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L’âge d’ouverture des droits reporté à 64 ans (au lieu de 62) à partir de la génération née au second semestre 1961.
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la décote/surcote : 43 annuités, dès la génération née en 1964
Aucune des mesures, ou presque ne vient compenser les disparités femmes/hommes, car toutes celles et tous ceux qui sont né·es à partir de 1961 seront directement touché·es.
L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027 va particulièrement pénaliser les femmes, plus concernées par des carrières incomplètes, qui seront encore plus nombreuses à devoir attendre 67 ans pour espérer avoir une retraite pleine.
En 2022, 60 % des femmes qui sont parties en retraite l’ont fait après une carrière complète, contre 75 % des hommes. .
Le gouvernement assure que le minimum garanti de retraite, annoncé à 1200 €, bénéficiera aux femmes qui ont des petites retraites, sauf que ce minimum ne s’appliquera qu’aux carrières complètes. Les femmes devront, là aussi, souvent continuer à travailler jusqu’à 67 ans pour en bénéficier.
Et si la loi prévoit la possibilité de partir à la retraite de façon anticipée en cas de pénibilité, la pénibilité qui caractérise les métiers féminins est très peu prise en compte. : les caissières, les femmes de ménage, les aides-soignantes, les aides à domicile cumulant précarité et pénibilité. Elles seront les premières victimes de cette réforme injuste. Ainsi l’âge de départ des infirmières passera de 55 à 64 ans !
Quant aux mesures liées à la pénibilité, trois des quatre critères (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques) supprimés par Macron en 2017 ne seront pas réintroduits dans la loi. Quant au quatrième critère supprimé – l’exposition aux risques chimiques qui provoquent des maladies à long terme– il passe complètement sous les radars, et rajoute une couche à l’injustice sociale des victimes du chlordécone.
Notre espérance de vie plus ou moins stable depuis 2007 est menacée (84,7 ans pour les femmes contre 78,6 ans pour les hommes) (source INSEE 2021), et surtout l’espérance de vie sans incapacité, compte tenu de la dégradation des services publics de santé, au vu du scandale du chlordécone, des désastres écologiques.
Nous voulons vivre plus âgé·es, oui, mais en bonne santé et pas au boulot !
De façon générale, de nombreux experts évoquent d’une part le parallèle entre l’allongement de la durée de cotisation et la pauvreté des séniors dans les pays qui ont reculé l’âge de la retraite, et d’autre part les conclusions du COR prises dans leur intégralité qui précisent que le système n’est pas en danger en France.
Cette réforme est une contre-réforme qui pénalise davantage les femmes : une réforme «juste » doit aller plus loin, sur les « problèmes structurels », avec, notamment, « la revalorisation des métiers féminisés et une politique de la petite enfance qui permette aux femmes d’avoir accès facilement à des modes de garde moins coûteux ».
On pourrait d’autre part agir en aval, au moment de la retraite.
Dans ce cas, on peut calculer différemment les pensions pour mieux prendre en compte la situation inégalitaire vécue par les femmes sur le marché du travail, par exemple en majorant les périodes de temps partiel ou en supprimant le mécanisme de la décote, qui conduit à une « double peine » pour les femmes (car les carrières plus hachées et salaire plus faible touché tout au long de la vie se cumulant avec petite pension).
Comme on le voit, à la situation en France, s’ajoute notre contexte économique et social qui pénalise encore plus les femmes de Martinique.
VOILA POURQUOI L’UNION DES FEMMES DE MARTINIQUE EST MOBILISEE CONTRE LA REFORME DES RETRAITES.
Nous appelons toutes les femmes, et en particulier celles des métiers essentiels (agricultrices, aides à domiciles, femmes de ménages, assistantes maternelles……., les sans emploi, toutes celles qui ont le plus à gagner d’un changement de société à rejoindre toutes les mobilisations
*sources des chiffres INSEE Martinique
Marie-Josephe SELLAYE HARDY DESSOURCES
Union des Femmes de Martinique