SVP … mettons nous au boulot!

— Par Guy Pollier —

Suite à la première cession du Congrès, je soulignais dans un témoignage intitulé « À un carrefour d’importance », la nécessité de devoir rassembler tous les martiniquais derrière des objectifs impliquant du courage et des efforts, voire des sacrifices. Au service de la reconstruction d’une économie en faisant une belle place aux productions et initiatives locales. La multiplication des thématiques évoquées dilue cette priorité qui est en fait le seul levier réaliste de nature à changer les choses. Une telle ambition génératrice d’emplois implique plusieurs conditions à réunir.

1)Il faut du monde, des bras et beaucoup de bras (une main d’œuvre pas spécialement très qualifiée) et qui comme nos anciens seraient susceptibles d’apprendre sur le tas. En particulier dans les champs, qui pour planter, qui pour désherber en regard de la prohibition des herbicides et qui pour récolter. D’autant que beaucoup de grandes personnes ont la mémoire des savoir-faire ancestraux dans une pratique personnelle de la culture de leur jardin créole. Mais il faut faire vite, car nos ainés s’en vont, ou sont déjà partis, pendant que nos jeunes sont aux manettes de leur Playstation, ou à échanger des likes au creux de leur canapé. Alors que plusieurs milliers d’emplois ne sont pas pourvus dans le BTP et l’hôtellerie restauration ! Ils n’ont même plus la contrainte d’aller pointer à Pole Emploi au-delà de leur première inscription. Il serait cocasse que des étrangers puissent venir très prochainement, en toute légalité, prendre des postes à pourvoir ! Foulant au pied notre fierté et notre dignité.

2) Il faut des enseignants, des formateurs, des éducateurs pour dispenser savoirs et savoirs faire dont ils sont supposés avoir la maitrise. Il est vrai que bon nombre de leurs représentants excellent en droit syndical dont la première précaution est de protéger leurs sursalaires et autres avantages.

A défaut de formateurs, et dans une coopération caraïbéenne, je suggère à Messieurs David Zobda et Alain Alfred, d’envoyer une délégation de jeunes mécanos à Cuba, pour apprendre à maintenir en état de marche des bus et autres véhicules de 40 ans d’âge, sans disposer de pièces détachées. C’est très édifiant et ça éviterait droit de retrait, grèves et jérémiades pour justifier l’inorganisation et l’absence d’anticipation, pour ne pas dire autre chose.

3) Il faut des investisseurs disposant d’idées, d’argent, d’outils (que ce soit des terres, des usines, des hôtels…) qui puissent avoir le courage et surtout une part d’inconscience à vouloir animer tout ce petit monde en voie d’insertion ou de réinsertion. Car ce ne seront pas les collectivités locales, les coopératives, les saem, les associations en tout genre, qui dans leur état de fonctionnement présent, pourront remplir seuls cette ambitieuse mission. Leurs expériences passées dans l’hôtellerie, et ailleurs, nous ont démontré leur amateurisme. 

4)Il faut des banques qui prêtent, en confiance, de l’argent pour acheter autre chose que des 4/4, même si personne n’a oublié le séisme engendré par la banqueroute de la plus emblématique d’entre-elles de l’époque, bien imprudente sur la solvabilité de certains de ses clients.

5) Et enfin, il faut des consommateurs qui puissent acheter des biens et des services utiles, au bon prix, sans avoir à se surendetter ou à nourrir des frustrations de ne pouvoir se les offrir.

Soyons optimistes pour plusieurs raisons :

La première est mathématique et tient à la profusion de candidats au travail, dont beaucoup sont sans niveau de qualification, ou sans expérience. 12 % de chômeurs récencés,18 % de la population au RSA, dont beaucoup de jeunes, constitue un réservoir de main d’œuvre qui ne peuvent refuser le devoir d’apporter, à leur place, leur contribution à la construction du destin de leur ile. « Il n’y a pas de sot métier » me répétait ma grand-mère. Commencer au bas de l’échelle n’est ni déshonorant, ni sans espoir. L’ascenseur social sera là pour peu que vous ayez l’envie. Sans compter qu’aujourd’hui un bon plombier peut gagner plus qu’un médecin !

La deuxième découle de ma longue observation au cœur du monde de l’entreprise, ou j’ai pu accompagner des martiniquais et martiniquaises, vers un niveau de performance individuelle et collective bien au-dessus de la moyenne, voire exceptionnelle. J’avais relevé ce potentiel très tôt à mon arrivée il y a 45 ans. Bonne éducation, courage, curiosité, envie de bien faire, initiative, compréhension, dextérité et débrouillardise… J’avais tout juste eu à régler le problème de la ponctualité auquel je m’étais de prime à bord heurté. Ce signe de discipline et de politesse. Toutes ces qualités, ces potentialités, ces aptitudes, ces talents enfouis sont sans aucun doute encore là. Il suffirait de les réveiller et de les sublimer.

Un de mes profs, fils d’immigrés polonais, dur au mal et très croyant, m’a enseigné que dans la vie, face au besoin d’action, il y a 3 types d’hommes (au sens de l’humain).

– ceux qui ne Savent pas, et il faut les former.  Et là on voit que les Lycées, que l’on attribue à Monsieur Darsières, n’auront pas suffi en regard de la défaillance de ceux qui étaient (ou sont) là pour remplir cette mission.

– ceux qui ne Peuvent pas, et il faut leur trouver l’occupation adéquate en regard de leur potentiel, fusse t’il limité. On ne peut pas être tous avocat ou ingénieur. Et bien évidement à continuer d’aider ceux que la vie a desservi.

– et ceux qui ne Veulent pas. En fait, une petite minorité qui libre de son temps sème le désordre et se fait entendre, par médias interposés. Inutile d’apporter d’autres précisions. Ils se reconnaitront.

Et il concluait : « pour ceux-là, il n’y a rien à espérer, si ce n’est de contrôler leur pouvoir de nuisance pour qu’ils ne remettent pas en cause les objectifs communs définis ». Il qualifiait ainsi sa théorie de SVP *

Alors s’il vous plait …ne passons pas à côté. Moi aussi je veux croire … mais j’aimerai être sûr que la volonté du PCE « de devoir répondre aux besoins fondamentaux du peuple » !!! sous-entend de pouvoir leur offrir au premier rang, un vrai travail ? Dans lequel on s’investit pleinement jusqu’à l’aimer. Il faudrait le dire clairement, en remettant les choses dans le bon ordre, en bonne intelligence avec l’Etat et toutes les forces vives de ce pays. Avec courage, clairvoyance et sans obstination. Savoir accepter des contraintes permet de renforcer les capacités à réussir. Dénoncer d’emblée ces mêmes contraintes est un signe de grande faiblesse de nature à nous entretenir dans la médiocrité et dans l’échec.

Pour clore mon propos, je citerais le Général de Gaulle (dans Haïti à l’heure du tiers monde. Edition 1964) « en notre temps la seule querelle qui vaille et celle de l’homme. C’est l’homme qu’il s’agit de sauver, de faire vivre et de développer »

J’ajouterais très modestement, que pour cela le seul appel qui vaille… est un appel au bon sens, à l’humilité, à la bonne volonté et à l’effort…juste un appel à nous même …pour nous même.

Le 12 Novembre 2022

Guy POLLIER

*SVP (Savent pas, Veulent pas, Peuvent pas)

L’expérience de la vie m’a appris qu’il y avait une quatrième catégorie d’hommes. Ceux qui veulent et qui prétendent savoir et qui en final ne peuvent pas. Ce sont les rêveurs et les présomptueux