Du 26 septembre au 29 octobre 2022
— Par Selim Lander —
Pour sa première apparition sur les cimaises prestigieuses de Tropiques-Atrium, à Fort-de-France, l’association L’Art Gonds Tout a réalisé un coup de maître. Le commissaire de l’exposition, Fabrice Gerardin, par ailleurs président de L’Art Gonds Tout, a réuni des œuvres de onze plasticiens appartenant à l’association, dont une majorité d’artistes femmes et quatre hommes. Les habitués des expositions d’art contemporain ne connaissent que trop les déceptions face à des œuvres absconses et prétentieuses, quand elles ne sont pas tout simplement d’une grande laideur. Quel soulagement, ici, de se trouver environné par la beauté. Rien qui puisse choquer, alors que l’ambition de tant de pratiquants de l’art dit contemporain se ramène à vouloir « choquer le bourgeois », le simple mot « beauté » étant pour ceux-là presque une grossièreté. Les œuvres réunies ici sont faites au contraire pour être admirées et, pourquoi pas, si l’envie vous en prend, acquises et emportées afin d’en profiter durablement.
Seule concession à la mode, l’exposition n’est pas qu’une réunion d’œuvres sélectionnées comme pour les « salons » d’antan. Une intention autre qu’esthétique – celle-ci n’étant pourtant pas absente, comme on l’a vu – a présidé au choix, voire à l’élaboration des œuvres : inciter le regardeur à réfléchir sur des problèmes écologiques dont on ne contestera évidemment pas l’actualité. D’où le titre de cette exposition : « Écolo…graphie ».
À cet égard, s’il est vrai que le rapport à certaines des œuvres apparaît immédiatement, en particulier chez Marc Barbot, Valérie Biegel, Yolande Gaspard, Jérôme Sainte Luce ou Laurent Valère, soit à peu près la moitié des exposants, les autres réclament un peu plus de bonne volonté de la part du regardeur pour être associées à des préoccupations écologiques, même si les titres, parfois, peuvent nous y aider. Peut y aider également la présentation de chaque artiste accessible grâce à un QR code ou disponible sur le site de Tropiques Atrium (rubrique « Expositions », en cliquant sur le nom de l’artiste).
L’appréciation des œuvres d’art, et pour commencer l’attention qu’on leur porte, étant éminemment subjectives, on se contentera ici de quelques indications, en s’excusant de ne pouvoir reproduire ici des photos d’œuvres de chaque artiste (celle qui ouvre l’article représentant un détail d’« Anarchitecture de l’obsolescence » par Yolande Gaspard, ).
Marie Alba est une adepte de l’upcycling, lequel consiste à faire du neuf avec du vieux. En l’occurrence, elle a recyclé un mannequin de vitrine et l’a transformé en une superbe statue au bleu flashant, qui, bien que mélancolique, lève fièrement un bras vers le ciel. Quant à nous, nous devons baisser les yeux pour constater que cette belle femme bleue a les pieds posés sur des immondices (canettes vides, etc.) mélangés à des galets et donc saisir l’intention écologique (éco-féministe plus précisément) d’une œuvre qui frappe avant tout par sa qualité plastique.
Marc Barbot est sans doute celui dont les intentions sont immédiatement les plus claires. En particulier avec son tableau « Résuraction » qui montre une petite fille en train de planter un arbre avec, à l’arrière-plan, listés comme sur un tableau noir, les mots de la crise de l’environnement.
Des œuvres de Valérie Biegel se détache le tondo intitulé « Conscience », œuvre composite de tissu et papier. Elle affiche un mantra on ne peut plus éloquent : Quand le dernier poisson aura été pêché, etc., etc., on saura que l’argent ne se mange pas ».
Dami propose également des tondos incrustés dans des cadres carrés parmi lesquels une belle spirale bleue (« Plastic submersion »). Elle peint à l’acrylique sur aluminium avec des incrustations de plastique et autres, tandis que Yolande Gaspard pratique le collage en juxtaposant sur la toile peinte des figures en bois chantournés, voire des objets ou des figurines.
Hélène Jacob reste fidèle à son goût pour les portraits, par exemple celui de Gaura Devi, une Indienne de l’Himalaya dont on nous dit qu’elle fut une figure marquante d’un mouvement nommé « Chipko », lequel consiste à s’enlacer aux arbres dans le but de s’opposer à la déforestation.
Chantal Notrelet présente des photographies tirées de manière à faire apparaître une symétrie parfaite ou qui jouent sur la réflexion dans l’eau (« Au commencement était la nature »). Elles nous invitent à méditer sur la beauté qui demeure dans la nature… quo usque tandem ?
Jérôme Sainte-Luce est celui qui démontre le plus d’audace contemporaine avec ses pneus usagés collés sur des panneaux de bois peints. La série « Fashion pneu » démontre que pour qui sait s’y prendre, il est possible de frapper les esprits avec un minimum d’éléments. Au contraire de Jean-Luc Toussaint qui construit patiemment des reproductions étonnamment fidèles d’animaux, créatures existantes ou imaginaires, avec des déchets de l’industrie humaine (bouts de tuyaux, fers à béton, clous, chaînes de moto, etc.).
Les chaînes sont omniprésentes dans la série « Le Cœur de vélo » de Laurent Valère, assemblages de pièces de bicyclette, surprenantes sculptures qui tranchent par leurs couleurs vives. Enfin Isabel Tronçon poursuit sa quête d’une peinture abstraite et néanmoins évocatrice. Elle utilise ici des matériaux de récupération, comme les chutes servant de support au tableau « Rognures de bois ».
Ecolo-graphies. Exposition collective, Tropiques-Atrium, Fort-de-France, 26 septembre au 29 octobre 2022.